La misère, violation des Droits de l’Homme : une très longue marche

 Résumé de l’article écrit par Jean Tonglet, volontaire permanent d’ATD Quart Monde.

  • « Avions-nous eu raison d’affirmer une certaine hiérarchie parmi des droits, tous énoncés comme inaliénables ? Était-il raisonnable de distinguer les libertés civiles et les droits politiques comme prioritaires, plus nobles que les autres en quelque sorte ? Plus faciles aussi à instaurer que les droits économiques, sociaux et culturels, puisqu’il suffirait que l’État s’abstienne pour que tout citoyen puisse en jouir ? Avions-nous vu juste, en décrétant ainsi une rupture à l’intérieur d’un ensemble de droits qu’à l’Assemblée Générale de l’Onu, nos gouvernements avaient déclarés « indivisibles et interdépendants ? »1

La rupture du lien entre la lutte contre la misère et la lutte pour les droits

Jean Tonglet, 2016 © ATD Quart Monde

Associer droits humains et pauvreté n’était pas une évidence. Ceux et celles qui ont ouvert la voie vers ce rapprochement ont longtemps connu la solitude. Il est donc utile de retracer quelques étapes du chemin vers la reconnaissance de l’extrême pauvreté comme une violation des droits humains, tels qu’ils sont proclamés et reconnus par la Déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948.

Celle-ci offrait des perspectives prometteuses, dès son préambule, qui affirmait que « l’avènement d’un monde où les êtres humains seront libres de parler et de croire, libérés de la terreur et de la misère, a été proclamé comme la plus haute aspiration de l’homme » ?

Très vite, ce lien organique entre la lutte contre la misère et la lutte pour les droits a été rompu. La misère était et reste parfois encore, perçue comme une simple question de politique sociale, dans les pays dits développés, et une question de développement économique, dans les pays du Sud.

La division de droits pourtant indivisibles

L’adoption de deux pactes internationaux, l’un traitant des droits civils et politiques et l’autre des droits économiques, sociaux et culturels, a consacré la division de droits pourtant indivisibles.

Face à cette division, Joseph Wresinski et les militants Quart Monde ont cherché à « infléchir le cours de l’histoire qui a conduit des pays à s’affronter à la Commission des Droits de l’Homme à l’ONU sur la priorité à accorder, pour les uns, aux droits civils et politiques, pour les autres aux droits économiques, sociaux et culturels.»2

Le droit d’avoir des droits

Cette question n’était pas théorique : elle a surgi de la vie. Dans la boue des bidonvilles, des cités d’urgence, des quartiers de taudis, où ATD Quart Monde s’est développé. Leurs habitants se sont révélés comme de véritables défenseurs des droits de l’Homme. Ils découvrent que « certains sont si pauvres qu’ils ne savent même pas qu’ils ont des droits », se rattachant, sans le savoir, à ce qu’évoquait Hannah Arendt, en parlant du « droit d’avoir des droits » 3

  • En juin 1968, la revue Igloos4, publie, sous le titre Un peuple parle, un « Manifeste » confié « aux responsables de la Charte des Droits de l’Homme et à tous ceux qui croient en l’homme ».

La misère, comme une violation des droits de l’homme

Une pétition est lancée en mai 1982 pour demander de reconnaitre la misère, comme une violation des droits de l’Homme, au même titre que l’esclavage ou l’apartheid.

  • C’est le début d’un long effort qui passera par la désignation d’un premier rapporteur spécial des Nations unies sur Extrême pauvreté et droits de l’Homme, en 1990, l’argentin Leandro Despouy, qui y travaillera pendant 6 ans et dont le rapport final sera adopté en 1996. Plusieurs experts et rapporteurs lui succéderont et leur travail aboutira à l’adoption des Principes directeurs Extrême pauvreté et Droits de l’Homme5 en septembre 2012.

La reconnaissance par la communauté internationale de l’extrême pauvreté comme violation de l’ensemble des droits fondamentaux ne marque pas la fin de notre combat. Elle reste fragile, et elle doit maintenant se décliner à travers des réalisations concrètes, l’adoption ou la modification de législations, en prenant en considération les nouveaux défis qui se présentent à nous en 2021.

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Photo : Joseph Wresnsiki au côté de Hélène Von Burg-Beyeler à la Commission des Droits de l’Homme de l’ONU à Genève, 1987 © ATD Quart Monde /  Centre Joseph Wresinski  /  PH0070871021.

  1. Contribution de Joseph Wresinski à la réflexion fondamentale de la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme, publiée dans Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme, Paris – la Documentation Française – 1989 – pp. 221 à 237.
  2. Contribution de Joseph Wresinski à la réflexion fondamentale de la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme, publiée dans Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme, Paris – la Documentation Française – 1989 – pp. 221 à 237.
  3. Hannah Arendt, The origins of totalitarianism, New York, Harcourt, Brace & World, 1966, pp. 296-297.
  4. Revue Igloos, n° 41-41, mai-juin-juillet-août 1968, ATD Quart Monde, Pierrelaye.
  5. http://www.ohchr.org/FR/Issues/Poverty/Pages/DGPIntroduction.aspx

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