Les slogans ne suffisent plus

Quezon City / Manille, Août 2016. Des ONGs se rassemblent pour renforcer leurs actions dans le domaine de l’environnement et de la pauvreté.

 

  • « Nous sommes témoins de la destruction des montagnes et des forêts. Nous sommes témoins de la souffrance des populations et des profits des grandes multinationales. Aux Philippines, 26% de la population vit dans la pauvreté, 9,2% dans l’extrême pauvreté. Malgré la croissance économique, les conditions de vie des plus pauvres n’ont pas connu d’amélioration significative. Qui peut être tenu pour responsable de ces destructions environnementales et de la violation des droits humains ? Il y a tant à faire pour les populations et pour la préservation environnementale aujourd’hui, mais aussi pour le bien des générations futures. Nous devons redoubler nos efforts et améliorer nos compétences pour faire face à ces défis sur le terrain. Il est important de renforcer les partenariats pour ne pas se sentir seul. »

La situation difficile des Philippines a été présentée par Sœur Cres Lucero au début d’un atelier de trois jours qui eut lieu en août 2016 :« Renforcer l’action des partenaires sur le terrain à partir d’une approche de la responsabilité d’entreprise et de l’éradication de la pauvreté fondée sur les droits ». Trois membres d’ATD Quart Monde Philippines étaient présents parmi les 40 participants de cet atelier pour collaborer à un rapport alternatif des ONGs, dans le cadre de l’Examen Périodique Universel du Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme, mené, pour chaque pays, tous les quatre ans.

Lors de cet atelier, ATD Quart Monde et Franciscans International ont présenté Faire des droits de l’homme une réalité pour les personnes qui vivent dans l’extrême pauvreté. Ce manuel, écrit en collaboration avec des personnes vivant dans l’extrême pauvreté, est un guide pour mettre en place les Principes Directeurs des Nations Unies sur l’Extrême Pauvreté et les Droits de l’Homme. Publié l’année passée, le manuel et l’approche participative qu’il préconise ont reçu un accueil sans cesse plus important de la part des défenseurs des droits de l’homme et parmi les organisations de la société civile qui travaillent au niveau communautaire avec celles et ceux qui vivent dans la pauvreté.

Les participants à l’atelier ont témoigné d’un vif intérêt pour le manuel. Certains ont souligné le fait que les ONGs considèrent souvent une communauté dans sa totalité comme « pauvre », sans se rendre compte qu’il existe de très grandes différences parmi les personnes qui vivent dans la pauvreté. Parfois, le manque de recherche de terrain sur le profil des membres de la communauté peut conduire les organisations à penser que leurs programmes répondent aux besoins de celle-ci, alors qu’en réalité ils ne touchent pas les membres les plus pauvres. « Cette présentation nous pousse à porter un regard critique sur nos propres projets et à les planifier différemment à l’avenir, a dit l’un des participants. »

Un autre participant a expliqué :

  • « On critique toujours les pauvres parce qu’ils ne remplissent pas les exigences, parce qu’ils ne font pas ce qu’on leur demande ou qu’ils ne sont pas très enthousiastes quand il s’agit de collaborer à la lutte contre la pauvreté. Les pratiques d’organisation communautaire et les projets sont souvent orientés vers l’extérieur, c’est-à-dire qu’ils sont des programmes pour les « bons élèves ».

Les participants à l’atelier ont suggéré diverses manières de promouvoir les Principes Directeurs, dont leur traduction dans les langues locales et leur adaptation aux conditions de vie spécifiques et aux contextes culturels. Ils ont proposé que le gouvernement s’appuie sur les Principes Directeurs pour amender ou réorienter ses lois ainsi que pour réformer ses plans de développement et superviser leur mise en place.

Une amie d’ATD, Icia Guzman : « J’entends des analyses si profondes et si solides de leur gouvernement, de la part de ces personnes qui vivent dans la pauvreté. »

Icia Guzman, a commenté :

  • « C’est une sorte de bataille des idéologies et des cultures parce que le développement est principalement vu comme une affaire de charité. Ce document montre que même les ONGs peuvent grandir avec les populations les plus pauvres. C’est comme les programmes d’alphabétisation et les forums de discussion pour lesquels je me porte volontaire : c’est un processus très difficile mais j’entends […] des analyses si profondes et si solides de leur gouvernement, de la part de ces personnes qui vivent dans la pauvreté. »

À travers cet atelier, les membres d’ATD ont appris comment ils pouvaient faire appel aux Principes Directeurs des Nations Unies relatfifs aux Entreprises et aux déplacements internes des populations, pour défendre les communautés urbaines pauvres qui sont relogées à l’extérieur de la ville. Ils se sont réjouis de faire connaissance avec des personnes très engagées venues des communautés religieuses, des ONGs et du gouvernement, qui travaillent sur des questions liées à la pauvreté dont ATD est moins familière. Ils en ont appris plus sur « l’agression par le développement », la violation du droit du travail par les entreprises étrangères dans les Zones Économiques, les pratiques minières destructrices et les projets de barrages hydrauliques qui entraînent le déplacement des populations. Certains des participants à l’atelier vivent et travaillent avec les populations vulnérables. D’autres sont impliqués dans le lobbying, la réforme des politiques publiques, les actions judiciaires et d’autres formes d’activisme, parfois au péril de leur vie.

Les participants se sont entendus sur le fait qu’il était important pour les organisations de la société civile de soutenir les institutions qui enquêtent sur les violations des droits de l’homme, comme la Commission Philippine aux Droits de l’Homme. Les slogans comme « Tous les Droits de l’Homme, pour tous » ne sont plus suffisants, selon les participants. À la mode philippine, les discussions sérieuses et l’indignation furent jointes aux plaisanteries et aux repas conviviaux. Chacun et chacune a quitté l’atelier bien décidé à développer des stratégies de communication plus créatives et plus respectueuses, afin de mieux atteindre les personnes qui ne connaissent pas ou ne comprennent pas les problèmes liés aux droits de l’homme.

L’atelier « Renforcement de l’action des partenaires sur le terrain » a été organisé par Franciscans International (FI) et le Mouvement Franciscain de Solidarité pour la Justice, la Paix et l’Intégrité de la Création (FSMJPIC), en partenariat avec sept autres organisations locales. ATD Quart Monde Philippines continue à développer son réseau de partenaires, en vue de sa mobilisation mondiale en 2017 pour vaincre la pauvreté et construire la paix.