Silvio Campana et Carmen Giusti : droits et dignité

Photo : Silvio Campana et Carmen Giusti, 2019 © ATD Quart Monde


 Carmen Giusti et Silvio Campana, tous deux d’origine péruvienne, sont alliés d’ATD Quart Monde depuis 1999. Silvio fait actuellement partie du Conseil d’administration international d’ATD Quart Monde et Carmen soutient régulièrement l’équipe au Pérou à l’aide d’actions comme l’Université populaire Quart Monde ou encore lors d’entretiens et d’ateliers.

Leur implication dans la lutte contre la misère est déjà une longue histoire. Tous les deux membres de différentes associations au Pérou, ils ont aussi fait de leur profession un terrain d’engagement. Carmen, biologiste et consultante sur les questions environnementales, a fait partie de la délégation d’ATD Quart Monde à la COP 25 en 2019. Silvio est avocat et a été le premier Défenseur des droits à Cuzco.

Ils viennent d’horizons différents :

  • « Ma famille – dit Carmen – avait des conditions de vie confortables, on n’a jamais connu de privations ; alors que la famille de Silvio vivait une situation économique bien plus difficile.  À 12 ans, Silvio travaillait pour aider sa famille . »

Ils ont connu ATD Quart Monde en 1998 par l’intermédiaire de Marco et Rosario Ugarte1, au Pérou, juste au moment où Silvio prenait ses fonctions de Défenseur des droits. À cet égard, il souligne :

« J’ai immédiatement compris que ce que proposait ATD Quart Monde relevait du champ de compétences de ma fonction, car la pauvreté est une violation des droits de l’Homme. »

Ce qui les a radicalement séduit, c’est l’approche qui leur a été présentée : travailler ensemble, sur un pied d’égalité, entre ceux qui ont vécu la misère et ceux qui ne la connaissent pas. Cette alliance a accru les forces dans l’action avec les populations pauvres du milieu rural et urbain au Pérou.

Rejoindre les plus pauvres dans leurs combats

Silvio a mis le bureau du Défenseur des droits à la disposition des personnes en situation de pauvreté et a contribué intensément, avec son équipe, aux actions menées par ATD Quart Monde.

En 2006, dans la commune de Cuyo Grande, ils se sont mobilisés ensemble pour faire appliquer la loi qui rend l’enseignement scolaire obligatoire et gratuit. Malgré l’existence de cette loi, de nombreuses écoles continuaient d’exiger des frais auxquelles les familles les plus pauvres ne pouvaient pas faire face. La mobilisation a eu un franc succès. Elle a permis de réunir de nombreuses familles de la commune et de traiter cette question à la manière des Universités Populaires Quart Monde, appelées Uyarinakusunchis en langue Quechua. Cette dynamique a débouché sur une journée de travail avec les autorités chargées de l’éducation. L’action s’est même étendue à d’autres communes.

En 2007, le Pérou a été l’un des cinq pays où le Mouvement International ATD Quart Monde a organisé des consultations pour évaluer ce qui était encore un projet à l’époque : Les Principes Directeurs Extrême Pauvreté et Droits de l’Homme. Ce processus a permis de resserrer les liens entre les “défenseurs communautaires”, sorte d’agents des droits de l’Homme au sein des quartier, rôle largement impulsé par Silvio.

Pendant toutes ces années, Silvio, à travers sa fonction, est intervenu directement pour défendre les droits de la partie la plus démunie de la population avec laquelle il a développé une relation directe. Les familles du Quart Monde lui ont accordé leur confiance et le considérent comme un interlocuteur capable de protéger leurs intérêts.

La défense de la dignité

Lors de leur passage au centre international à l’été 2019, Carmen et Silvio se sont prêtés à un interview :

Comment la pauvreté est-elle perçue au Pérou ? Est-elle vraiment visible ?

Elle est ressentie presque partout. En fait, il y a de la pauvreté dans toutes les régions du pays.

Ce qui frappe le plus, ce sont les contrastes. Il y a des gens qui n’ont même pas les conditions minimales pour vivre dignement.

Qu’est-ce qui vous a poussé à vous engager dans la lutte contre la misère ?

Nous nous sommes rencontrés dans un mouvement religieux, qui considérait que « l’option pour les pauvres » était une option incontournable dans la vie des croyants. On ne peut pas être chrétiens et être indifférents à la grande pauvreté.

Nous côtoyions des jeunes de différents quartiers de Lima et de conditions économiques diverses qui s’engageaient dans ce même mouvement d’église, ce qui nous a fait prendre conscience, à cette époque-là, des difficultés que rencontraient les jeunes de notre âge.

Qu’est-ce qui reste inacceptable à vos yeux ?

Qu’il y ait de si grandes différences ; que très peu possèdent beaucoup d’argent alors que le plus grand nombre n’a même pas les conditions minimales pour vivre dignement.

Il est difficile d’accepter que des problèmes aussi essentiels que l’accès à l’eau potable,  aux services de santé ou encore à l’éducation persistent dans une région comme celle de Cuzco, qui, durant la dernière décennie, a bénéficié de revenus financiers liés au gaz et à la coopération internationale.

Tout comme il est dommageable que des « programmes sociaux » soient conçus sans tenir compte du point de vue des personnes directement concernées. Souvent, cela génère des problèmes plus importants encore que ceux que l’on voulait résoudre.

Comment changer de regard sur les personnes en situation de pauvreté ?

En laissant de côté l’approche qui se contente de l’assistanat. Tout comme en laissant de côté cette idée qui nous amène à croire que les personnes en situation de pauvreté seraient des citoyens de seconde zone.

Nous devons apprendre à reconnaître les valeurs que portent les plus pauvres. Savoir les prendre réellement en compte !

Ce qui nous frappe dans le Mouvement ATD Quart Monde, c’est cet attachement à rendre la dignité des personnes première.

  1. Volontaires permanents qui ont beaucoup travaillé au développement d’ATD Quart Monde en Amérique Latine

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