Message de la nouvelle année

 

«Les enfants auraient-ils un regard nouveau à nous apprendre ?»1

 

« Et si on aidait Émile à reconstruire sa maison ? » propose Djibril à son groupe Tapori.2 Dans cette région d’Afrique centrale, la population est épuisée par des années de guerres successives qui ont brisé la plupart des initiatives.

Cependant des jeunes et des enfants ont créé un groupe qui se donne pour mission d’être «les amis des sans amis». Émile ? Sa maison dans les collines penche si dangereusement que la famille couche dehors. Armand, un jeune qui accompagne le groupe depuis ses débuts, hésite.

Émile ? Personne ne lui parle. Le bruit court qu’il porte malheur… Innocent intervient : « Il a des enfants qui sont comme nous. On ne peut pas les laisser dormir sous la pluie et les piqûres des moustiques. »

Pélagie insiste : « Je ne peux pas être en paix si mes amis ne dorment pas bien. Quand on parle du droit d’avoir une maison, moi je pense aux voisins qui n’ont pas où dormir. » L’enthousiasme des enfants emporte la décision. Ils s’organisent. Certains vont discuter avec Émile ; d’autres empruntent qui une pelle, qui une machette ou une houe, qui un marteau de fortune.

Tous ensemble, ils s’y mettent : taillent des arbres pour les poteaux, remontent de l’eau du ruisseau et foulent aux pieds la terre dont ils font du torchis. Les voisins observent la scène. L’un d’eux s’écrie : «Ça c’est quand même pas un travail d’enfants !» et il se joint à eux.

Le lendemain plusieurs hommes du quartier sont sur le chantier. Dans sa maison debout, il y a quelques mois, j’ai été reçue par cet homme. Il me disait :

« Avant, on m’appelait Émile. Maintenant, on m’appelle ‘papa’. Être le papa de tous, quelle plus grande fierté que celle-là ? Les enfants Tapori m’ont sorti de l’isolement. Grâce à leur considération,mes voisins se sont rapprochés de moi. Après, j’ai ouvert les yeux et j’ai vu que beaucoup d’autres souffraient comme moi, et c’est ainsi que nous avons créé le groupe des ‘familles solidaires’. »

Et Armand ajoutait : « Avec ces enfants, nous avons tous compris que papa Émile n’était pas fou, mais si pauvre qu’il restait ‘croisé sur lui-même’, et n’osait adresser la parole à personne. Du coup, personne ne lui parlait et tout le monde se permettait de dire tout et n’importe quoi sur lui. »

Laissons les enfants nous ouvrir les yeux, nous amener à dépasser les limites que nous nous sommes données, et à devenir à notre tour « amis des sans amis ».

Merci de nous permettre par votre amitié et vos dons de multiplier les rencontres qui relient des familles à leur communauté et les rétablissent dans l’honneur et la fierté.

Nous vous souhaitons de joyeuses fêtes.

Isabelle Pypaert Perrin, Déléguée générale d’ATD Quart Monde

  1. Citation de Joseph Wresinski extraite du texte : « Les enfants du Quart Monde, chance offerte à tous les enfants », 1979.
  2. Impulsé par ATD Quart Monde, Tapori met en lien des enfants des quatre coins du monde et de tous milieux. Par un petit journal, des courriers, des campagnes et des rencontres, il soutient leurs initiatives, leurs gestes d’amitié et leur réflexion pour un monde sans misère.

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