Intervention de Mariline Legentil Membre du Mouvement ATD Quart Monde l’île Maurice.

Le déni des droits fondamentaux. Colloque international « La misère est violence, rompre le silence, chercher la paix » Maison de l’UNESCO 26 Janvier 2012

Bonjour,

Je fais partie d’un groupe de membres du Mouvement ATD Quart Monde qui a travaillé ces dernières années sur la violence de la misère et la paix, en particulier pourquoi l’enfant n’a pas l’accès à l’éducation. M. Pierrelouis fait partie de ce groupe. Je lui donne la parole : « Je suis Ricarl, j’habite à Anoska.
Autrefois nous habitions à « La Pipe », où se trouve maintenant un barrage. Nous sommes 77 habitants qui avons été relogés à « Anoska ». Nous avons nommé notre village « Anoska » car à « La Pipe », il y avait un lac qui portait ce nom et nous avons voulu garder notre histoire. Les autorités nous ont relogés dans ce village, mais malheureusement nous n’avons pas pu trouver du travail dans le coin.
A « La Pipe » nous avions du travail dans les champs de thé ou de cannes a sucre. Ici nous n’en trouvons pas.
Certaines mères de famille avaient pu trouver du travail dans des usines textiles ou autres. Malheureusement les conditions étaient telles, qu’elles n’ont pu garder leur emploi, elles devaient partir de chez elles a 6 heures du matin et ne revenaient qu’à 18 heures, avec des enfants en bas âge, cela n’était pas possible.
A Anoska, il y a 85 pour cent des parents qui ne savent ni lire, ni écrire.
C’est une violence, tous les jours. Nous avons à payer le loyer, la fourniture électrique, l’eau. A avec toutes ces dépenses, il y a des habitants qui ont payé de leur vie pour pouvoir subvenir aux besoins de la famille, faute de travail.
Dans un cas, une femme s’est suicidée en s’immolant, et dans un autre cas une habitante a tué son époux. Dans ces deux cas, ce sont les enfants qui souffrent le plus, un des enfants est perdu à jamais, a totalement perdu ses marques avec un père en prison et une mère tuée. »

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Avec le groupe de la connaissance-expertise, nous avons interviewé une habitante d’Anoska, qui a pris la responsabilité de ses deux petits-enfants. Elle nous dit : « Je dois faire les démarches toute seule, je n’ai personne pour m’aider, pour aller chercher un collège, pour trouver les uniformes, les chaussures, les sacs, les livres et les cahiers.
La première année, le bureau de la Sécurité sociale a fait ce qu’il fallait et j’ai eu une aide sociale. L’année suivante, c’était une autre personne, et je n’ai rien eu. J’ai dit « sans livres, comment va-t-elle apprendre ? » et il m’a répondu « madame, ce n’est pas mon problème ».
Cette grand-mère a aussi dû s’endetter auprès d’une amie pour pouvoir acheter les livres. Et aussi l’association du village l’a aidé. En conclusion, l’école est gratuite à l’ile Maurice, mais pour les parents qui font face à la pauvreté elle ne l’est pas. C’est le manque de moyens, c’est le rejet de l’enfant qui n’a pas d’uniforme, sans identité. Nous aurions encore beaucoup à dire. Nous voulons le droit à l’éducation, nous voulons que les jeunes sachent lire et écrire. Ainsi ils n’auront pas à aller dans un bureau pour mettre leur pouce sur un papier qu’il n’auront pas compris. Une autre personne nous a dit : « Le rêve que je veux pour mes petits, si je vis toujours, c’est de les voir réussir, qu’ils ne restent pas toujours en arrière, qu’ils aient une place à eux ».