Intervention de Joachim Kobendé Membre du Mouvement ATD Quart Monde République Centrafricaine.

Construire la paix ensemble : moyens et responsabilités. Colloque international « La misère est violence, rompre le silence, chercher la paix » Maison de l’UNESCO 26 Janvier 2012

Quand on ne cherche pas un pauvre, c’est comme si on cherche à perdre son intelligence.

Les riches ne savent pas ce qu’on appelle la difficulté difficile. Il faut les amener à comprendre la souffrance des autres, les aider à comprendre le monde. Ce n’est pas de leur faute, mais par exemple au moment où un pauvre continue à travailler dans le grand soleil, ceux qui ont des moyens peuvent aller se reposer à l’ombre. Notre conseil des pauvres est un conseil vraiment approfondi du cœur. Il faut donc qu’on s’assemble parce que nous sommes tous des personnes et nous pouvons aider les autres à comprendre.

Les pauvres sont comme des livres. Ils sont des archives. Quand on ne cherche pas un pauvre, c’est comme si on cherche à perdre son intelligence. C’est ça que le mouvement ATD Quart Monde cherche à savoir : quelles sont ces personnes qu’on appelle les pauvres ? Il faut qu’on cherche à les amener parmi nous pour qu’elles nous aident aussi avec leur intelligence.

Les plus pauvres sont utiles pour la paix. Ils sont utiles pour les autres et utiles pour le monde. Mais si nous les oublions, le monde est déjà divisé et il n’y aura jamais la paix. Si les uns se regroupent dans leur catégorie et les autres restent dans leur catégorie il y a déjà une division.

Dans une assemblée, on donne la parole à ceux qui sont les plus forts mais on oublie les plus faibles. La Cour Pénale Internationale poursuit les dégâts que les banyamulengue ont commis dans notre pays, en Centrafrique. Lorsqu’une assemblée est organisée pour demander aux gens d’expliquer ce qui s’est passé, on donne beaucoup plus la parole à ceux qui savent parler. Pourtant, dans les conflits, ce sont les plus faibles qui ont subi les graves problèmes mais on ne leur donne pas la parole : comment aura-t-on vraiment la réalité de ce qui est cause de cela ?

Les instances, les partenaires qui luttent contre la pauvreté diffusent des pourcentages. Ils les communiquent à la radio et dans la presse. Mais ces organismes ne sont pas allés auprès des plus pauvres pour les écouter. Et du coup, ils imaginent des choses en leur nom pour donner des chiffres. C’est une violence sur le savoir de ces familles. Parce qu’elles n’ont pas la possibilité de discuter ces pourcentages. Comment permettre à ces familles de parler de leur courage, de leur espoir, de comment elles se battent nuit et jour pour s’en sortir sans toujours parler de ce qui est mal ? Ça c’est un manque de connaissance. C’est important d’arriver à laisser ces familles dire elles-mêmes comment elles vivent.

Quand les gens vivent dans la pauvreté, il y a beaucoup de contraintes et du coup ils sont nerveux. Ils se sentent mis à part, c’est difficile d’être en paix. C’est comme un problème rajouté à un autre et c’est ça qui fait que les gens sont sur la défensive. Mais quand ils se sentent entourés d’autres êtres humains comme eux, ça apaise. Notre richesse à apporter, c’est notre présence, ça c’est apaisant. Le fait de dialoguer, de s’approcher, ça crée un chemin de paix. « Malheur à l’homme seul » disait le fondateur de la République Centrafricaine, Barthélémy Boganda. Quand on reste seul, c’est difficile de s’en sortir. Quand on se rencontre avec d’autres, ça permet de lutter.