Forum politique de haut niveau 2022 : une éducation de qualité pour tous

La 10e session du Forum politique de haut niveau sur le développement durable (HLPF) s’est réunie en juillet sous les auspices du Conseil économique et social des Nations Unies (ECOSOC). L’événement a eu lieu à New York, au siège de l’ONU. Le thème était « Reconstruire en mieux après la maladie du coronavirus (COVID-19) tout en faisant progresser la mise en œuvre intégrale du Programme de développement durable à l’horizon 2030 ».

ATD Quart Monde partage son expertise

Le HLPF est la principale plateforme des Nations Unies en matière de développement durable. Le HLPF examine la mise en œuvre des objectifs de développement durable (ODD) énumérés dans l’Agenda 2030. Tous les États membres des Nations Unies ainsi que des représentants de la société civile participent à l’examen des ODD. Cette année, le HLPF s’est arrêté sur 5 des 17 objectifs : le n°4 sur une éducation de qualité, le n°5 sur l’égalité entre les sexes, le n°14 sur la vie aquatique, le n°15 sur la vie terrestre et le n°17 sur les partenariats pour la réalisation des objectifs.

Pour 2022, ATD Quart Monde est invité à participer au HLPF pour son expertise sur une éducation de qualité. Avec la participation de personnes ayant une expérience de la pauvreté, un événement parallèle virtuel a été organisé sous l’égide de l’ONU. Cet événement parallèle a réuni des membres d’ATD Quart Monde du Burkina Faso du Mexique, du Guatemala, du Pérou et de Bolivie pour dialoguer avec des représentants d’agences des Nations unies, d’États membres, de la société civile ainsi que des universitaires et des enfants du monde entier.

Mettre fin à la pauvreté en assurant une éducation de qualité pour tous

  • « Moi, je voudrais particulièrement parler de l’éducation parce que c’est une vraie préoccupation pour nos familles au Burkina Faso.  Les familles les plus pauvres ressentent le plus le poids de la  situation du pays et les enfants ont souvent du mal à reprendre le chemin de l’école »
  • M. Moïse Compaore, militant Quart Monde du Burkina Faso

Le 5 juillet, le Mouvement international ATD Quart Monde a co-organisé avec Arigatou International l’événement parallèle intitulé « Mettre fin à la pauvreté en assurant une éducation de qualité pour tous ».

Le modérateur Kevin Gee, professeur à l’école d’éducation de l’UC Davis et chercheur affilié au Center of Poverty & Inequality Research1, a présenté l’objectif du webinaire : réunir des personnes d’origines et d’expériences diverses afin de mieux comprendre la persistance de la pauvreté et de l’exclusion sociale et les solutions pour y mettre fin.

Comment la discrimination fondée sur la pauvreté perpétue-t-elle l’inégalité d’accès à une éducation de qualité ? Quelles sont les pratiques et recommandations pour transformer l’éducation ?

M. Gee a d’abord donné la parole à Mme Kabre et M. Compaore, militants Quart Monde du Burkina Faso. Ils ont souligné comment l’insécurité dans le pays (terrorisme, déplacements forcés) et le manque de ressources ont un impact sur la qualité de l’éducation. Ils soulèvent également la question des personnes sans documents officiels.

« Les enfants nous disent : si tu n’as pas de documents d’identité, c’est comme si tu ne vivais pas. Pour les jeunes qui vivent dans la rue, c’est comme si tu n’es pas compté. »

M. Moïse Compaore, Burkina Faso.

Mme Kabre, a parlé de Tapori, un réseau mondial d’enfants qui aide à répondre aux besoins éducatifs. Elle a ensuite poursuivi en rappelant que l’humiliation des parents en situation de pauvreté à l’école est souvent une réalité. Cela a des conséquences négatives sur les enfants vivant dans la pauvreté.

  • « Les parents les plus pauvres sont souvent humiliés dans les écoles et cela fait de la peine à leurs enfants. Des enfants échouent à l’école parce qu’ils supportent difficilement cette situation. Quel qu’il soit,  l’enfant veut que ses parents soient respectés comme tous les autres parents. Sinon, il se posera toujours la question pourquoi certains sont respectés, honorés, alors que les siens ne sont pas traités de la même manière. »

Mme Elise Kabre, Burkina Faso.

Moïse Compaore et Elise Kabre, Burkina Faso, HLPF 2022 © ATD Quart Monde

Pour construire ce monde, il faut que les plus pauvres puissent apporter leur propre contribution. Les plus pauvres ne veulent pas voir leurs enfants vivre dans la même souffrance qu’ils ont eux-même vécue.

Mme Elise Kabre.

La délégation d’Amérique Latine

Le modérateur s’est ensuite tourné vers la délégation d’Amérique latine, Mme Vivi Luis du Guatemala, Mme Josefina Belida du Pérou, et Mme Martha Ticona Asistiri de Bolivie, toutes les trois militantes Quart Monde, ainsi que Mme Beatriz Monje du Mexique, volontaire permanente. Elles ont souligné cinq points d’attention pour aller vers une éducation inclusive et de qualité pour tous :

  • Combler le fossé entre l’enseignement public et l’enseignement privé (répartition égale du matériel pédagogique et des ressources humaines, programme d’études similaire, etc.)
  • L’importance pour les écoles d’assurer une bonne nutrition aux élèves pour leur permettre d’être en bonne condition physique pour apprendre.
  • La nécessité de mettre fin à toutes les formes de discrimination à l’encontre des parents en situation de pauvreté afin qu’ils puissent être entendus et que leurs enfants se sentent en sécurité et n’aient pas honte.
  • L’école impose souvent ses savoirs mais ne reconnaît pas ceux des enfants. Par exemple, l’enfant peut exprimer ce qu’il apprend avec sa famille dans les champs. Mais l’école ne donne pas d’importance à ce type de savoirs. Alors, l’enfant en a honte.

Mme Vivi Luis, Guatemala

  • L’importance de susciter des vocations dans l’enseignement et de promouvoir la formation des enseignants afin qu’ils sachent comment enseigner aux enfants même avec des ressources limitées.
  • La nécessité de promouvoir la coopération et la solidarité entre les élèves et leurs familles.
  • « Nous, les parents ne savons souvent pas comment participer aux décisions de l’école. Nous ne savons pas comment élever la voix pour défendre nos droits. C’est comme un héritage que nous laissons à nos enfants. Nous devons apprendre à dépasser nos peurs. Parce que nous sommes pauvres, nous ne sommes pas pris en compte. Certains ne savent peut pas être pas lire, mais nous tous savons parler.

Mme Vivi Luis, Guatemala

Délégation d’Amérique Latine, HLPF 2022 © ATD Quart Monde

« Nous devons souvent choisir entre manger ou acheter des choses pour l’école, entre sortir pour survivre ou aider aux devoirs ».

Mme Martha Ticona Astiri.

L’éducation est un outil puissant

Le président de l’ECOSOC, Son Excellence Collen Vixen Kelapile, ambassadeur du Bostwana, a participé à l’événement :

  • « L’éducation est un outil puissant de transformation qui renforce la participation des personnes aux affaires publiques et contribue à la formulation de meilleures politiques publiques et à l’engagement qui construit des sociétés pleinement inclusives« .

Nicolas Reuge, conseiller principal en éducation à l’UNICEF a réagi aux présentations des militants Quart Monde en soulignant l’urgence de ramener les enfants à l’école. Même si certains pays ont réussi à mettre en place un enseignement à distance, plus de 5 millions d’enfants n’ont pas été touchés. M. Reuge a souligné l’importance de l’équité et de l’efficacité des dépenses publiques en matière d’éducation de qualité. Dans certains pays, les enfants issus des ménages les plus riches peuvent recevoir jusqu’à 10 fois plus de ressources publiques que les enfants pauvres. « Nous devons reconnaître qu’il y a une crise de l’apprentissage et qu’elle a été exacerbée par les deux dernières années de covid ».

Afin d’améliorer l’éducation de tous les enfants, en particulier des plus marginalisés, M. Reuge propose trois transitions clés :

  • Préparer les enfants à l’école (confiance en soi, apprentissage, nutrition, aspects matériels…), et prévenir l’abandon scolaire.
  • Mettre l’accent sur les bases en mathématiques et en alphabétisation (évaluer le niveau d’apprentissage pour offrir un rattrapage si nécessaire, enseigner les bases).
  • Préparer les enfants à l’âge adulte avec l’ensemble des compétences nécessaires.

Comment envisager une éducation de qualité du point de vue des enfants ?

Kevin Gee a introduit la deuxième partie du webinaire avec une vidéo d’enfants de différents pays, partageant leurs perspectives sur une éducation de qualité et la pauvreté.

Le fossé des ressources

Le dernier intervenant était Fred Nyabera, directeur d’Arigatou International : « Une éducation de qualité est liée à la communauté, à l’environnement dans lequel vivent les enfants ainsi qu’à leur nutrition ». Il est revenu sur le fossé des ressources entre les plus pauvres et les plus riches, les enfants vivant dans les villes ou dans les zones rurales, l’école publique et privée, et l’accès à l’éducation numérique.

Dialogue avec le public

La notion d’existence légale (c’est-à-dire l’absence de carte d’identité ou de papiers officiels) est revenue dans la session de questions-réponses, en faisant le lien avec l’éducation. Les enfants ont besoin d’avoir des papiers officiels pour aller à l’école. Mme Kabre a partagé son expérience concernant son propre enfant, les difficultés rencontrées pour obtenir un extrait de naissance. Sans documents d’identité, impossible d’être scolarisé.

Mme Monje a poursuivi la discussion en soulignant que pour les familles en situation d’extrême pauvreté, envoyer leurs enfants à l’école demande des efforts considérables. Malheureusement, lorsqu’ils arrivent à l’école, la qualité de l’enseignement n’est pas suffisante. La conséquence est que les enfants commencent à croire qu’ils ne sont pas capables d’apprendre, alors même que c’est le système qui est déficient. Mme Bellido a ajouté que la qualité de l’éducation dans les écoles privées était meilleure et que ce n’était pas juste pour les personnes en situation de pauvreté qui ne peuvent pas y accéder.

Le modérateur a clôturé la session en réaffirmant que l’éducation est un droit humain fondamental qui devrait être considérée comme tel dans le monde entier.

« Nous souhaitons que l’inclusion soit vraiment au cœur de tout processus d’éducation. »

M. Moïse Compaore, Burkina Faso.

Pour regarder l’événement dans son intégralité, cliquer ici. La vidéo démarre en anglais, mais les militants du Burkina Faso s’expriment en français et celles d’Amérique Latine en espagnol.

 

  1. Centre de recherche sur la pauvreté et les inégalités

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