«En ne laissant aucun enfant de côté, on bâtit un monde meilleur»

Du 10 au 14 juin 2015, une formation d’animateurs s’est déroulée à Ougadougou, au Burkina-Faso. Ils étaient 35 participants de six pays d’Afrique (Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Centrafrique, Tanzanie, Sénégal et RD Congo), tous engagés dans des actions de Partage du Savoir avec des enfants  : bibliothèque de marché, bibliothèque sous les lampadaires, bibliothèque de fleuve, festival du savoir, action communautaire.

Se connaître et se reconnaître d’un même engagement

La session prenait source dans l’engagement de chacun mais aussi dans la priorité d’action d’ATD Quart Monde pour les années 2013 – 2017 : « accéder à l’éducation et construire les savoirs avec l’intelligence de tous ».

La première journée a permis de faire connaissance et de se reconnaître ensemble acteurs de projets d’éducation informelle similaires. « J’ai vu d’autres jeunes très engagés. C’est une motivation pour moi. » « Ça me dit que je suis pas seul dans le combat. ». « Ce qui m’a touchée, ce sont les créations apportés par chacun pour les présentations. Chacun a sa technique pour apprendre aux enfants. Si nous sommes rassemblés ici, c’est pour ne pas laisser un enfant de côté, pour qu’ils aient tous un bon avenir. Si chacun de nous met sa main, nous allons trouver ce que nous cherchons».

Présentation des participants de Centrafrique
Présentation des participants de Centrafrique
Délégation de Côte d'Ivoire
Délégation de Côte d’Ivoire

Approfondir ensemble les ambitions de nos actions

Le théâtre forum a permis d’aborder certaines des difficultés auxquelles sont confrontées les animateurs : l’incompréhension des parents des enfants, de leur propre famille et entourage vis-à-vis de leur engagement bénévole ou la difficulté à créer un climat d’amitié et de respect du tous au sein d’un groupe d’enfants.

Cette mise en scène collective a donné beaucoup d’idées sur la manière de mener une action pour être mieux compris : approcher le chef de village et les autorités ; se faire quelques « alliés » parmi les parents ; mener l’animation au moins en tandem, l’un des animateurs se consacrant à la présentation de l’activité, tandis que l’autre reste attentif à ce qui se passe autour : l’enfant qui est mis de côté, celui qui dérange, le parent qui s’approche.

La question de l’ambition de nos actions a été longuement travaillée : Qu’est-ce que nous voulons que les enfants apprennent vraiment ? Quels intérêts, avantages les parents trouvent en laissant leurs enfants participer ? Quels intérêts la communauté gagne grâce aux animations ?

Quelques conclusions des échanges :

« Unir dans une même activité des enfants qui ne font pas l’école et des enfants qui ont la chance d’y aller. Ils peuvent ainsi se partager les idées. Apprendre aux enfants à vivre ensemble. » « Gagner la confiance des parents peut aussi permettre qu’ils viennent partager leur savoir avec les enfants. On a besoin de chaque famille. »

«Dans nos sociétés, un enfant est celui de la communauté. Si un enfant réussit c’est tout le village qui réussit. Nos animations viennent apporter un plus dans cette cohésion sociale, en particulier dans les nouveaux quartiers où les gens ne se connaissent pas encore. »

Quatre délégations ont exposé comment elles avaient mené des actions particulièrement abouties

En Centrafrique, dans les camps de déplacés, les animateurs ont entraîné les enfants dans des activités qui leur permettaient de « ne pas perdre leur intelligence », et « ne pas laisser leur esprit gagné par la violence ». Gisèle et Modeste, les deux participants venus de Centrafrique, ont notamment présenté les « albums de paix » réalisés par les enfants.

René, venu de Bukavu, a raconté comment, à partir des enfants, c’est toute une communauté qui s’est trouvée mobilisée, l’esprit d’amitié des enfants ayant fait tâche d’huile.

Lamine et Aïssatou ont présenté un livret réalisé avec les enfants de la bibliothèque de rue d’une quartier de la banlieue de Dakar. Ils ont aussi expliqué comment l’aspiration des enfants à ce que leur quartier soit plus beau, mise en évidence dans ce livret, s’est aussi concrétisée par des fresques peintes sur les murs, par l’implication d’un voisin sculpteur, rejeté de sa communauté et qui a retrouvé une certaine considération grâce à son implication artistique aux côtés des enfants.

Enfin, Elise, de Ouagadougou, a témoigné à partir de sa propre expérience, qui montre comment une animation qui réunit des enfants d’un quartier peut être un facteur de renforcement de liens pour des familles plus marginalisées.

« Animateurs » ou constructeurs de paix et d’avenir ?

Chaque jour, des temps étaient consacrés à des partages de techniques d’animation qui nous aident à améliorer ce que l’on fait déjà, même sans beaucoup de moyens : recueillir la parole des enfants et lui donner de la valeur, mettre en scène une histoire par un théâtre d’ombres, valoriser les dessins des enfants, apprendre à faire un livre soi-même pour répondre à une question qui se pose parmi les enfants, apprendre des jeux coopératifs, impliquer les enfants dans l’animation à partir d’un livre, fabriquer des bijoux à partir de morceaux de pagnes….

Les ateliers de partage de savoir faire ont été très appréciés :« il ne faut pas forcément beaucoup de moyens pour faire une bonne animation », pour preuve les ombres chinoises, réalisées avec du simple carton récupéré et des morceaux de bois.

Valoriser les dessins des enfants en fabriquant un livre (Burkina-Faso)
Valoriser les dessins des enfants en fabriquant un livre (Burkina-Faso)

Comme souvent, c’est dans les partages d’expériences des uns et des autres que les participants ont trouvé le plus de force et d’inspiration. « Comprendre que les efforts qu’on met, aussi minimes, peuvent apporter changement dans la vie d’une personne en difficulté, exclue de sa société, cela me fortifie aussi. »

Ils sont repartis aussi avec la conviction que quand on parle d’éducation, il y a celle que les enfants reçoivent à l’école mais aussi celle qui est transmise par nos familles, et celle que les enfants peuvent acquérir dans les activités que nous menons dans leurs quartiers et villages. « J’ai compris aussi comment des animations peuvent apporter la paix dans un pays, la paix dans le cœur des enfants ».

On parle souvent d’« animateurs ». Mais la session a montré que le mot n’est pas adapté. Ces jeunes engagés avec les enfants sont vraiment des « partageurs de savoirs », des personnes qui font l’unité de la communauté, des « constructeurs de paix », des grands frères et sœurs qui montrent un chemin d’avenir aux enfants. C’est de cela dont nous pouvons être très fiers ensemble.

Délégation Région Afrique

Téléchargez le guide de l’animateur, issu de cette session.