Revue Quart Monde n° 234 – Silence, on tourne!

– 64 pages – 8 euros -10 FS – 11 $CAN

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Silence, on tourne

Au même titre que la littérature ou la peinture et le cinéma a très souvent eu rendez-vous avec la pauvreté et la misère. A travers la fiction comme à travers le genre documentaire. Comment donne-t-il à voir la pauvreté et celles et ceux qui la vivent, la subissent, la combattent ?

Serge Goriely, spécialiste en arts du spectacle, nous convie à une rétrospective, à partir des enfants et de leur rôle dans la représentation et la dénonciation de la misère. Robert Guédiguian déplore que les pauvres gens fassent souvent de la figuration et soient rarement des héros, et confie : « J’ai fait du cinéma pour cette raison-là. »

Nos interlocuteurs, dans ce dossier, qui présente plusieurs interviews, sont des réalisateurs, des auteurs, des acteurs reconnus publiquement, mais aussi leurs spectateurs , amateurs du 7ème art. Amateurs : nous irons surtout à la rencontre de ceux et celles qui ont eu du plaisir à entrer dans un univers les mettant en scène sous un jour nouveau, plus nuancé que le gris du quotidien de leur vie difficile. Plaisir, travail, surprise, découverte de leur propre grandeur. .. Plusieurs d’entre eux ont participé à l’aventure du tournage du film Joseph l ‘insoumis, retraçant les débuts d’ATD Quart Monde 1 , dans lequel des personnes en grande précarité jouent leur propre rôle, aux côtés d’acteurs comme Jacques Weber, qui dira lui aussi combien ce tournage a remué ses convictions. Franck Toussaint, de Suisse, a découvert le film après coup, et sa vie de galères en a été changée. Des membres d ‘ATD Quart Monde font l’expérience de s’investir dans le travail de jury pour le prix du film Agir Tous pour la Dignité * « C’était un week-end de rêve » , dit Gisèle. Car ces discussions passionnées continuent à faire leur chemin dans son esprit, comme un moment fondateur. Du côté de Marseille et d’Avignon, des personnes « précaires » montent leur propre Festival. À Bangui, à Ouagadougou, sur fond de violence et d’insécurité, les jeunes, les mères de famille font reculer les murs d’un univers chaque jour rétréci, dégagent véritablement un espace, balais et râteaux à bout de bras, et créent une enceinte préservée, qui devient lieu de projections et de débats passionnés. Ce sont les « ciné-savoirs », tenant en respect pour quelques heures l’angoisse de l’avenir.

Les pages qui suivent souhaitent donner un coup de projecteur sur un cinéma qui offre aux plus pauvres, souvent qualifiés d’invisibles par ceux qui ne les voient pas, de passer de l’obscurité à la pleine lumière ; un cinéma mobilisateur où ils sont à la manœuvre, ayant prise sur l’image qu’ils veulent renvoyer d’eux-mêmes ; et dont chacun , quelle que soit son histoire, sorte plus conscient et plus résolu à lutter contre la fatalité de l’exclusion.

*Attribué le 30 mai 2015 à Montreuil, centre d’ATD Quart Monde France, au film Spartacus et Cassandra.