« Vivre en famille, c’est notre espoir »

ATD Quart Monde Luxembourg publie un recueil de témoignages de parents confrontés au placement de leurs enfants et rencontre le soutien de nombreux spécialistes

Une parole enfin dite et entendue. Celle de parents en situation de précarité qui se sont rencontrés pendant des mois et ont travaillé ensemble à partir de photos qui évoquaient des situations vécues. Des récits authentiques, ne cachant pas la douleur, les doutes, les peurs, les espoirs aussi, ont émergé, racontant les expériences de placement, la violence vécue, les difficultés rencontrées pour demander de l’aide et accéder aux dossiers, la souffrance de la séparation, le désir de « rester parents » en cas de placement des enfants et surtout l’aspiration à vivre en famille. Ces parents ont aussi cherché des chemins de dialogue au sein des Universités Populaires Quart Monde, avec des experts des questions de l’enfance pour bâtir une réflexion forte autour du droit de vivre en famille.

Des lois d’un autre âge

Au Luxembourg, la législation entrave ce droit fondamental. «  Une fois qu’un enfant est enlevé à ses parents, il le reste jusqu’à 18 ans. Normalement, le placement devrait être réétudié par la justice, mais dans les faits, cela n’arrive pas assez souvent » disent les familles. Les parents se voient jugés « incapables d’élever leurs enfants », au lieu d’être soutenus dans leur tâche quand la vie est devenue très difficile à cause de la pauvreté.

« Moi, on m’a pris mes deux enfants alors qu’ils étaient à la crèche, témoigne une maman qui a participé à l’ouvrage. Ce sont des policiers qui sont venus les prendre. Sur le moment, on ne m’a rien dit, je ne savais pas qui les avait pris ni où ils étaient ». La législation enlève de surcroît aux parents toute autorité parentale dès qu’un enfant est placé. « Une mesure d’un autre âge qu’il est indispensable d’abolir » s’insurge René Schmidt, directeur des Maisons d’enfants de l’Etat, qui, sur la base de la contribution apportée par les familles d’ATD Quart Monde, appelle à refonder la loi  : « Votre livre contient des témoignages essentiels qui nous interpellent, nous, les professionnels. (…) Je lance un appel aux politiques, aux services sociaux et aux institutions concernées pour que nous écrivions ensemble une charte. Il faut nous engager sur la reconnaissance du fait que les parents ont envie d’être parent ; sur la création de moyens concrets pour associer les familles à l’évaluation des séparations et à la recherche d’aides basées sur les compétences des familles ; sur la formation des professionnels à l’écoute vraie de ces familles ; ou encore sur l’accompagnement et l’aide au retour des enfants. » Considérer en fait les parents comme les premiers partenaires dans l’éducation de leurs enfants, avec tous leurs droits, même dans les situations de placement.

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Conférence de presse au Luxembourg, présentation du livre « Vivre en famille, c’est notre espoir »-la parole de parents en situation de précarité

Joëlle Ludovici-Loos, présidente d’ATD Quart Monde Luxembourg, souligne la contribution importante des familles dans un contexte prêt à évoluer  :« Le gouvernement actuel a exprimé sa volonté de revoir la « Loi sur la Protection de la Jeunesse ». Des professionnels insatisfaits des réponses qu’ils peuvent apporter, cherchent de nouveaux chemins. Témoins des efforts et des capacités des parents, ils veulent aller au-delà de l’urgence. Le moment est propice pour créer des espaces de dialogue et en finir avec la violence de la misère qui engendre des expériences douloureuses. (…) Les familles vivant dans l’exclusion sociale souhaitent, elles aussi, contribuer à des changements de regard, de mentalité et d’action, basés sur le respect de la dignité et de la valeur de chaque personne. Ce livre collectif apporte un savoir complémentaire aux savoirs des experts et des politiciens. Des propositions simples et exigeantes en sortent : expérimenter des dialogues et des formations entre familles en précarité et professionnels de la famille. »« Osons relever ensemble ce défi » conclut-elle.

Gilbert Pregno, psychologue et thérapeute familial, expert dans le domaine des droits de l’homme et qui a participé au livre, a déclaré durant la conférence de presse : « Je suis très touché par ces témoignages. C’est une école de modestie pour le professionnel que je suis. Nous vivons une époque très difficile pour les familles, je vois de plus en plus d’enfants qui vont mal. La solution à ce mal-être passe nécessairement par la parentalité. Vous avez eu raison d’écrire ces textes : il faut exprimer son indignation. On ne peut pas être d’accord avec tout. Parfois, il faut provoquer. Vos témoignages sont d’une grande provocation envers la société. »

Certains experts se sont engagés à faire lire ce livre autour d’eux. Pour qu’enfin les lois changent et que l’avenir des enfants soit envisagé avec leur famille.

Prix du livre:15 euros. Disponible au siège du Mouvement ATD Quart Monde, 25 rue Beggen, L-1221 Luxembourg. Tél : 43 53 24, email : Prochainement disponible en France

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Article paru dans Le Jeudi du 9 octobre 2014
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