On n’est plus dans une cité perdue

ATD Quart Monde a invité à écrire des histoires vraies de changement contre une situation d’injustice et d’exclusion pour montrer que lorsqu’on s’unit pour un même combat la misère peut reculer.
Normalement, les articles sur notre site ne sont pas signés car il s´agit de favoriser une voix collective, mais d ans le cadre des 1001 histoires, l’auteur met en lumière une histoire vécue. L’histoire qui suit est une interview de Louis Pierre Towsend (Ile Maurice).

J’habite à la cité Richelieu Petite Rivière. Avant de réussir à avoir un appartement, j’ai traversé beaucoup de difficultés dans ma vie.
Autrefois, j’habitais à Longère, un bidonville à Richelieu. Il n’y avait pas d’électricité.
Pour aller chercher de l’eau, je devais beaucoup marcher. On était dans la boue. Beaucoup de familles avaient des difficultés pour vivre dans ce lieu.

  • Beaucoup de gens qui sont venus nous regardaient mal jusqu’à appeler ce quartier : “La Cité Perdue”, comme si nous étions des personnes perdues.

C’est là qu’on a cherché à avoir l’électricité. On a cherché à avoir de la lumière pour voir clair parce que c’est pas tout le monde qui peut payer la bougie chaque jour pour avoir un peu d’éclairage dans la maison. Alors, tout le monde s’est rassemblé pour chercher une solution, pour avoir l’électricité.

En même temps, une dame qui connaît un peu la politique, est venue nous aider pour trouver des solutions. Elle nous a dit : “Vous avez des idées en tête”. Les personnes présentes ont dit : “Il faut faire une manifestation. Appelez les journalistes pour qu’ils connaissent nos problèmes”. Après avoir entendu cela, on a tous pris le bus pour aller à Port Louis au « jardin de la Compagnie », et les journalistes sont arrivés. On a parlé aux journalistes en leur demandant de passer le message aux autorités :

  • “Nous aussi nous sommes des humains. Nous avons besoin d’électricité pour pouvoir vivre un peu mieux.”

Après deux semaines, les gens de la Compagnie sont venus nous voir pour parler du problème d’électricité. Ils ont cherché beaucoup de prétextes en disant que nous n’avions pas d’adresse. “Vous n’avez pas de papiers, vous n’avez pas ceci, cela.”
Mais ils ont pris à peu près tous les noms de ceux qui étaient présents.

Trois mois après, on a reçu un papier pour nous dire que nous avions enfin l’électricité.

Nous avons ensuite continué à avancer en nous mettant ensemble. Nos maisons commençaient à s’abîmer. On en cherchait, mais s’il y avait des maisons en construction ce n’était pas pour nous. Les élections législatives étaient toutes proches. Certains ont dit : “Nous n’avons pas le choix, il faut occuper ces maisons. Cela forcera le gouvernement à trouver une solution pour nous”.

Nous avons adhéré à cette position, nous étions tous à l’écoute, tous d’un même quartier, nous voulions avancer dans un même esprit.

Nous avons cassé les portes et nous sommes rentrés. Les autorités ont menacé d’envoyer les gendarmes en disant que nous n’avions pas le droit de rester là et que nous devions partir.

Nous avons dit que nous voulions savoir une chose : “Est ce que nous allons avoir une maison ? ” Nous avons tous tenu bon, nous n’avons pas cédé.

Finalement, un jour ils sont venus et ils ont pris le nom de tous ceux qui étaient là. Ils ont dit qu’il y a une ‘cité’ qui va être construite un peu plus haut, une cité plus petite où vous paierez moins et ces maisons vont être construites pour vous.
En les voyant nettoyer et commencer la construction des maisons cela nous a soulagé.
Nous allions avoir une maison avec l’électricité, l’eau, un lieu ou nous nous sentirons bien.

C’est ainsi que nous avons tous eu une maison dans cette cité. Et quand nous sommes venus habiter ici certains ont continué à appeler ce lieu la “Cité perdue”.

Et puis un jour, je ne sais plus qui a eu l’idée de l’appeler “la cité flamboyante”. Tout le monde a été d’accord, nous avons trouvé que c’est un joli nom.

Avant nous devions marcher dans la boue. Quand il pleuvait nous ne pouvions pas sortir, les enfants ne pouvaient pas aller à l’école car il y avait de la boue partout quand on marchait et cela venait aussi dans notre maison.

Ce n’est plus la cité perdue mais la cité Flamboyant. Il y a des pylônes pour l’électricité, nous avons une maison où habiter. Nous sommes à l’aise avec nos familles.

Pour connaître d’autres 1001 histoires de changement, visitez le blog.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *