Le blâme et la honte entravent les efforts pour éradiquer la misère

Prendre la parole au Forum social des Nations unies

« L’année scolaire qui débute sera particulièrement marqueur des inégalités sociales qui gangrènent notre pays et d’autres pays dans le monde. »

C’était le constat d’Alassane Gano, jeune allié d’ATD Quart Monde au Sénégal. Avec d’autres jeunes, il a donné des cours particuliers à des étudiants qui, l’été dernier, ont dû passer leurs examens finaux dans des conditions particulièrement difficiles en raison de la pandémie COVID-19. Par le biais d’un message vidéo, il s’adressait au Forum social, organisé en octobre de chaque année par le Conseil des droits de l’Homme des Nations unies à Genève. Le Forum social est un espace unique de dialogue ouvert et interactif entre les acteurs de la société civile, les représentants des États membres et les organisations intergouvernementales. Le thème était : « Bonnes pratiques, réussites, leçons apprises et défis actuels dans la lutte contre la pauvreté et les inégalités ».

Un des défis mentionnés par Alassane Gano portait sur la nécessité de mettre en pratique les principes d’Abidjan sur le droit à l’éducation, en consultation avec les personnes vivant dans l’extrême pauvreté, comme le prévoient les Principes directeurs des Nations unies sur l’extrême pauvreté et les droits de l’Homme.

En raison de la pandémie, le Forum social s’est déroulé de manière virtuelle, ce qui a permis aux membres d’ATD Quart Monde de cinq pays d’y participer. Lors d’une des séances plénières, Xavier Godinot, directeur de recherche au Centre de mémoire et de recherche Joseph Wresinski, a présenté la recherche participative menée avec l’Université d’Oxford sur les dimensions cachées de la pauvreté, en mettant l’accent sur la maltraitance sociale et institutionnelle.

La maltraitance sociale : une dimension cachée de la pauvreté

Xavier Godinot a défini la maltraitance sociale comme la stigmatisation et la discrimination dont souffrent les personnes vivant dans l’extrême pauvreté. Il citait un homme du Royaume-Uni :

« La misère, c’est être traité comme du bétail – vous n’avez ni dignité ni identité. »

Quant à la maltraitance institutionnelle, elle « consiste en l’incapacité des institutions nationales ou internationales, par leur action ou leur inaction, à répondre de manière appropriée et respectueuse aux besoins des personnes en situation de pauvreté, ce qui conduit à les ignorer, les humilier ou à leur nuire ».

Xavier Godinot ajoutait que les personnes qui vivent dans la  misère sont finalement traitées comme l’est la planète – exploitées puis abandonnées lorsque leur capacité de travail est épuisée. En conclusion, il soulignait deux points :

  • Un appel à une approche qui conjugue justice sociale et justice environnementale, « car nous savons bien que les populations les plus pauvres sont les moins responsables de la pollution, mais les plus impactées par ses conséquences, le dérèglement climatique et la perte de la biodiversité ».
  • La nécessité pour les gouvernements de veiller à ce que toutes les personnes soient enregistrées à l’état civil afin qu’elles puissent bénéficier des programmes de protection sociale mis en place au niveau national.

Au cours des discussions interactives qui ont suivi les présentations, outre le commentaire d’Alassane Gano, Janet Nelson, vice-présidente d’ATD Quart Monde international, évoquait les enseignements tirés de la participation dans le cadre de l’élaboration de politiques et de programmes de lutte contre la misère. Herman Van Breen, volontaire permanent, soulignait l’importance de l’enregistrement des naissances et de la prise en compte de la situation des travailleurs informels.

La peur du blâme empêche de demander de l’aide

Ces contributions ont eu un grand retentissement, en particulier auprès d’Olivier De Schutter, le Rapporteur spécial des Nations unies sur l’extrême pauvreté et les droits de l’Homme. Olivier de Schutter mentionnait dans ses conclusions la recherche participative d’ATD Quart Monde sur les dimensions cachées de la pauvreté. Selon lui, la rhétorique qui reproche aux personnes qui vivent dans la misère d’être responsables de leur situation est l’une des principales entraves à la lutte pour l’éradication de la misère.

« Les services publics n’atteignent pas nécessairement les plus pauvres. (…) Ces derniers ne réclament pas les aides auxquelles ils ont droit à cause de la honte et de la peur de maltraitances sociales ou institutionnelles, parce qu’ils ne veulent pas de contact avec les services qui les ont traumatisées dans le passé. Ainsi le discours qui blâme les pauvres pour leur situation est une des raisons majeures qui explique pourquoi ils ne réclament pas les aides auxquelles ils ont droit. »

Les déclarations de tous les participants sont disponibles ici.

Le Haut-Commissariat aux droits de l’Homme, qui organisait le Forum, a souligné l’importance de la participation d’Alassane Gano et l’intérêt d’inclure plus de jeunes et de personnes ayant une expérience directe de la pauvreté comme orateurs au prochain Forum social.

Informations sur la recherche d’ATD Quart Monde sur les dimensions cachées de la pauvreté

Informations sur le plaidoyer d’ATD Quart Monde aux Nations unies

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