L’arbre qui danse

En 2017, ATD Quart Monde a invité à écrire des histoires vraies de changement contre une situation d’injustice et d’exclusion pour montrer que lorsqu’on s’unit pour un même combat la misère peut reculer.
Les articles sur notre site ne sont pas signés car il s´agit de favoriser une voix collective. Dans le cadre des 1001 histoires, l’auteur met en lumière une histoire vécue. L’histoire qui suit a été écrite par Noldi Christen (Suisse).

Au Palais des Droits de l’Homme de l’ONU, à Genève, dans la grande salle d’entrée, notre regard est saisi par une sculpture merveilleuse qui brille. On dirait un bateau archaïque, rempli de petits cailloux d’enfants du monde entier. Au-dessus, il y a un mobile : des voiles, des brindilles ? Ce bateau-arbre est rempli, comme un trésor, par les pierres précieuses que les enfants ont récoltées sur leur lieu de de vie et de travail : cinq mille pierres venant de mines, de carrières, du travail dans les champs, d’un cimetière… mais aussi des jouets et des porte-bonheur, des souvenirs de vacances, des pierres de collection. Chaque pierre raconte une histoire, toutes racontées dans le livre « Mon cœur est dans ce caillou »).

Cette sculpture vient de la branche enfance d’ATD Quart Monde, Tapori. Elle a été offerte en novembre 1999 par des enfants venus en délégation du monde entier porter un message pour les 10 ans de la Convention des Droits de l’Enfant.

  • Les enfants avaient voulu créer une sculpture qui touche le cœur de tous pour plus de paix et de respect autour de chaque enfant de cette terre.

Aux adultes qui étaient face à ce rêve des enfants, ceux-ci disaient : “ Il faut faire une immense sculpture pour la paix ! Ou une source, qui ruisselle comme une mélodie douce… ” Ils disaient aussi : “ Elle ne doit pas culpabiliser, mais donner de la force… et montrer que les enfants aident les adultes !

Ils ont eu le trac, ces adultes, de ne pas être à la hauteur du rêve des enfants. Puis est apparu Philippe, artiste de la région des vieilles mines du Nord de la France. Bien plus tard, il est devenu évident à quel point c’était lui qui devait réaliser cette création unique, lui cet ancien enfant enfermé, humilié et nié qui s’était battu jour après jour pour vivre des moments de paix et avoir de la reconnaissance.

Il fit un chef d’œuvre, que la haute Commissaire des Droits de l’Homme à l’ONU accueillit avec beaucoup d’émotion.

Philippe, je le revois, pince en main, couper les fils de fer argentés pour enrouler chaque petit caillou avec tendresse, afin de les accrocher dans le mobile, dans l’arbre du bateau de la terre qui danse, avec plein d’adultes et d’enfants autour de lui.

Je le vois aussi devant mon œil intérieur, gamin de 7 ans, s’enfuir la nuit et déjà la pince à la main, découper la grille devant la fenêtre du cagibi où il est enfermé, pour aller contempler les étoiles en haut de la colline et trouver la paix.

Aujourd’hui, l’arbre magique de l’ONU à Genève semble danser tout doucement. Des gens s’arrêtent et le regardent. Des classes d’enfants, des groupes de visiteurs. Une fonctionnaire aussi, avec son bébé dans les bras qui rayonne de bonheur et veut toucher le mobile pour déclencher son carillon.

  • En se ré-équilibrant sans cesse, cet arbre magique essaie de ré-équilibrer un peu ce monde en désordre, avec l’aide de celles et ceux qui le contemplent chaque jour.

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