Lancement du livre de Martine Le Corre : « Les miens sont ma force »

Martine Le Corre, Les Miens sont ma force, Ed. Quart Monde/Bord de l’eau, 230 pages, 13 euros.

Aujourd’hui, Martine lance le livre Les miens sont ma force aux éditions Quart Monde – Bord de l’eau.

Martine Le Corre, militante Quart Monde permanente, a rencontré le Mouvement international ATD Quart Monde en Normandie, dans le nord ouest de la France.  Sa rencontre avec le fondateur d’ATD Quart Monde, Joseph Wresinski, et les volontaires permanents a été déterminante. Avec eux, elle s’engage dans le combat contre la misère et partage une même conviction : du peuple de la misère, se lèvent des militants, qui à leur tour s’acharneront à prendre parti pour les plus pauvres, à leur offrir le Mouvement et un chemin possible d’engagement.

Elle a aussi été engagée dans la recherche-action du Croisement des Savoirs puis dans l’équipe Croisement des Savoirs. Elle a fait partie de l’équipe qui a animé la recherche « la misère est violence – rompre le silence – bâtir la paix », puis de celle chargée d’approfondir la gouvernance du Mouvement ATD Quart Monde, avant de rejoindre la dynamique de « soutien aux engagements ».

Sa présence dans sa région lui a permis de tisser des liens forts, de proximité, avec les siens. Martine a animé plusieurs années l’Université populaire Quart Monde de Caen et a été ensuite membre de l’équipe de la Délégation générale de 2017 à 2021.

À dix-huit ans à peine, au milieu des années 1970, dans la France des « laissés-pour-compte », Martine est partagée entre l’envie de se battre pour avoir droit au bonheur qu’on lui refuse depuis toujours, et celle, lancinante, de tout laisser tomber, lassée de cette vie de galère. Jusqu’à ce qu’une rencontre inattendue fasse basculer sa vie.

Cinquante ans plus tard, Martine Le Corre raconte avec passion son combat aux côtés des siens pour la dignité. Issue d’une famille de 14 enfants, elle a grandi dans une « cité pourrie » de la banlieue de Caen. Sa rencontre avec des volontaires du Mouvement ATD Quart Monde va changer la donne.

Si les débuts ne sont pas évidents, Martine est bientôt saisie par le message porté par son fondateur, le père Joseph Wresinski. Il y a un combat à mener pour sortir de la fatalité et il ne se gagnera pas sans les premiers concernés. Elle, les siens, son peuple.

Les miens sont ma force est le récit d’une vie de passion et d’engagement, un chemin de libération, un combat pour changer la société et permettre que les plus pauvres soient considérés comme les premiers partenaires de la lutte contre la misère.

Un livre inspirant et passionnant !

Extrait du livre

  • Il y a en effet des mots qui vous honorent, vous grandissent, vous élèvent : « capable », « intelligent(e) », « intéressant(e) », « créatif(ve) », « sociable »…  Et il y en a d’autres qui vous réduisent, vous anéantissent, vous détruisent, comme « cassos », « inadapté(e) », « asocial (e) », « racaille », « bon(ne) à rien ». Et c’est avec ces derniers que personnellement, je me suis forgée, comme tous ceux de mon entourage. Nous avons vécu la relégation, l’humiliation, les séparations, les expulsions, la mise à l’écart, le jugement, le rejet, la honte, le mépris… Tous ces mots, chacun de ces mots ont eu des effets sur nos vies et notre histoire commune. Je me suis pliée au jugement des autres, j’ai fini par intérioriser ces mots, par croire que ma vie ne valait pas grand-chose. Et je n’avais pas les mots pour dire l’injustice, les mots pour dénoncer, les mots pour me défendre.
  • Je me suis bien rattrapée depuis, il est vrai, mais à partir seulement du moment où j’ai rencontré le Mouvement ATD Quart Monde. C’est à partir de ce moment-là que j’ai osé, parlé, écouté, dénoncé, revendiqué, exprimé, contrôlé mes propos, réfléchi, appris à croire que je n’étais pas nulle et que mon milieu était porteur de valeurs. J’ai appris avec le Mouvement à découvrir notre intelligence commune, notre solidarité, notre sagesse. Voilà de nouveaux mots qui ont pris sens en moi, et j’ai découvert que ces mots pouvaient aussi se transformer en action.

Interview avec Martine Le Corre

Qu’est-ce qui vous a poussée à écrire votre « chemin d’engagement semé d’embûches », comme vous le décrivez ?

Cette idée d’écrire a pris corps avec Joseph Wresinski, fondateur d’ATD Quart Monde. Quasiment tous les mois, j’allais le voir à Méry-sur-Oise, on avait de longues discussions sur tous les sujets, avec l’envie d’écrire un livre ensemble. Nous n’avons pas eu le temps d’aller au bout de ce projet. L’idée de reprendre nos échanges a ensuite été évoquée après son décès en 1988, mais le premier résultat ne me convenait pas.

Ce qui me faisait vibrer était de parler de la question de l’engagement, expliciter ce que cela change dans une vie. Je caressais le rêve d’écrire un livre à plusieurs voix, mais cela n’a pas pu se faire. Alors je m’y suis mise seule. J’ai essayé dans ce livre de retracer les moments clés de mon parcours d’engagement, d’être la plus vraie possible. Je souhaite qu’il soit perçu comme une provocation au dialogue, à un échange en profondeur.

Vous décrivez dans ce livre votre cheminement pour devenir militante Quart Monde. Qu’est-ce que le militantisme pour vous ?

C’est un engagement pour et avec d’autres. Devenir militant Quart Monde, c’est saisir les opportunités pour changer sa vie et la lier à celle des autres. La profondeur du militantisme, c’est cet ancrage profond avec les tiens, les plus pauvres, c’est ce que tu vis avec eux. Et c’est cela qui transforme ta propre vie. C’est super exigeant, car c’est d’abord un miroir que l’on se tend à soi-même : je dois regarder ce que je dois changer en moi, pour être à la hauteur des ambitions dont je rêve pour d’autres. Cela nous donne le moyen d’être acteur de notre propre vie. Cette route de militance m’a donné une force incroyable.

Le mot « résistance » est employé à de très nombreuses reprises au fil des pages, quel sens lui donnez-vous ?

C’est une évidence que les plus pauvres sont de véritables résistants face à la vie de misère qui leur est imposée. C’est absolument incroyable de voir dans quelle situation des personnes survivent, ici et à travers le monde. Elles doivent résister à tout ce que leur fait subir la société. Mais la résistance, tu l’exerces aussi à différents niveaux. Il faut résister à ceux qui te provoquent, pour qui tu dois sans cesse faire tes preuves, qui demandent sans arrêt pour qui tu te prends quand tu avances un peu. Et tu dois aussi résister à toi-même, à la petite voix qui dit que tu n’as pas ta place, que tu es en train de te la jouer… C’est très douloureux. Ma vie n’a pas été un long fleuve tranquille, j’ai avancé, j’ai fait des marches arrière, j’ai ré-avancé… Je ne renie rien de tout ça.

Vous parlez du rôle qu’ont eu les volontaires dans votre parcours. Quelle est votre vision du volontariat à ATD Quart Monde ?

C’est un socle. Le volontariat, tel que je l’ai rencontré, j’y crois profondément. J’ai beaucoup d’attentes aujourd’hui, et d’exigences aussi, par rapport aux volontaires. On a besoin de personnes qui ne sont pas en train de se chercher elles-mêmes, qui sont convaincues que la misère est une profonde violence, qui sont prêtes à s’engager dans le quotidien avec les familles les plus pauvres pour mener avec elles des combats qui changent leurs vies… Cela passe par la proximité de vie, la confrontation, le fait d’accepter de se laisser bousculer, interpeller, de façon réciproque.

Je cite dans le livre le témoignage de Monsieur Alexandre, militant du Burkina Faso. Il rappelle qu’ATD Quart Monde permet à ceux qui ne vivent pas dans la misère de changer leurs regards sur les plus pauvres, de se transformer, de s’enrichir et parfois de voir leur vie changer. Mais, pour les plus pauvres, c’est plus dur pour que la vie change. Donc c’est bien avec eux qu’il faut être et c’est à cela que les volontaires doivent donner la priorité.

La formation des volontaires est essentielle et nous devons sans doute aujourd’hui la renforcer. Peut-être qu’on est un peu trop dans la théorie en termes de formation, alors que nous avons la chance incroyable, dans ce Mouvement, d’avoir beaucoup de personnes qui sont dans le faire, l’action, la pratique. Nous devons plus nous en inspirer.

« Je pense qu’aujourd’hui on pourrait oser davantage », dites-vous à la fin du livre. Qu’aimeriez-vous qu’ATD Quart Monde ose ?

Oser se bousculer davantage, dire non, remettre en cause, se réinterroger tout le temps, mener de réels combats pour provoquer de vrais changements ; oser dénoncer, affronter davantage les politiques et questionner nos partenariats ; oser assumer les choses ensemble sans oublier que nos premiers partenaires sont les plus pauvres, oser profiter de l’expérience de chacun… Osons davantage, sur beaucoup de points !

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