Intervention de Moustapha Diop Membre du Mouvement ATD Quart Monde Sénégal

Plénière de Conclusion – Conclusions et engagements. Colloque international « La misère est violence, rompre le silence, chercher la paix » Maison de l’UNESCO 26 Janvier 2012

Bonjour à tous, Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, chers invités, chercheurs, universitaires, et militants du Mouvement ATD Quart Monde,

Je vous remercie de tout l’effort que vous avez fait durant trois ans de recherche et de travail pour chercher des solutions sur le thème « la misère est violence, rompre le silence, chercher la paix ». Avec trois ans de recherche faite par les populations les plus démunies de la planète et de différentes nationalités à travers 4 continents et de différentes langues, on est parvenu à tomber d’accord sur beaucoup de choses qu’ils subissent.

Avec ces multiples rencontres, je suis parvenu à comprendre les violences qui se passent à travers le monde. Je pensais que ça ne se passait que chez moi au Tiers Monde, mais j’ai vu que dans les plus grandes capitales du monde des pays les plus développés du monde, il se passe des injustices qu’on ne peut pas imaginer. Par exemple, ce qui s’est passé dans les prisons aux États-Unis au moment de l’ouragan Katrina où les détenus ont été enfermés dans leurs cellules alors que l’eau montait et ils n’avaient pas de quoi manger ni boire. Ils étaient obligés de boire cette eau polluée et sale pour sauver leur vie. Il y a aussi les morts qu’on décomptait en Espagne dans les rues, des centaines de milliers de sans abris dans un pays où il y a 6 millions de logements vides. Au Sénégal, pauvres que nous sommes on ne nous a jamais pris nos enfants pour les placer avec l’assistante sociale. Nos richesses se sont nos enfants.

Je veux relater aussi ce qu’ont dit les haïtiens qui ont subi les catastrophes naturelles mais en plus les autorités de ces pays là continuent à les déplacer et amènent une autre violence à leurs égards. Et les injustices qui se passent à travers toute l’Amérique Latine et l’Océan Indien. Et par contre, nous en Afrique, plus particulièrement le Sénégal, les violences institutionnelles et politiques nous accaparent nos terres pour les donner aux multinationales agro business qui sont là bas pour employer les propriétaires d’origine de ces terres là dans les grands projets agricoles. Toutes les récoltes sont toujours exportées vers les pays les plus développés et la faim est toujours là bas. Au Moyen Orient, au Liban, on ramassait les enfants pour les mettre en prison, pour laisser la place aux touristes pour faire enrichir les plus riches. on enfermait les gouvernantes dans les maisons, on leur retire leurs passeports. Si on parvient à arrêter ça dans le monde, la paix prend sa place. Pour avoir la paix il faudrait que le monde ait un peu l’esprit de partage. Parce qu’on est tous homogènes, il n’y a rien qui nous diffère. Tous les dirigeants du Tiers Monde sont issus des familles les plus pauvres. C’est avec les études qu’ils ont pu avoir ces positions. Donc il faut aider les enfants des plus pauvres, les familles, les femmes pour éradiquer la misère dans le monde. Et la paix prend sa place éternellement.

C’est cette gravité qui nous fait peur. Mais cette peur, à cause de ce Colloque, ça nous a délié la langue. Il est temps de rompre le silence, de parler haut et fort, nous les plus démunis de la planète. Ce qu’on a pu dire ensemble dans ce Colloque, je l’avais dit depuis fort longtemps là où j’étais. Mais les gens me prenaient pour un marginal. Dénoncer les violences faites aux pauvres. J’avais rêvé un jour ou l’autre de pouvoir le dire. Mais où le dire, quand le dire, m’avait vraiment égaré sur ce que je voulais. Mais à travers ce Colloque, j’ai pu, ensemble avec les populations du monde, parler avec des interlocuteurs qui, je crois, pourront faire entendre nos voix de désespoir et de regret. Parce que ces gens qui nous font ces violences se sont nos semblables. J’ai pu le dire et j’ai le courage de le dire parce que je crois que dans ce monde que nous sommes, il n’y a aucune personne qui peut avoir le dernier mot. C’est ensemble qu’on peut parler haut et fort. C’est pour ça que dans ce Colloque on a associé les pauvres, les intellectuels, les chercheurs et les universitaires, et tous ont parlé sur la même voix.

Ces victimes là de la violence n’avaient pas d’interlocuteurs. Je veux que vous, intellectuels, universitaires, chercheurs qui sont là, vous soyez nos interlocuteurs à travers le monde.

Et moi, je vais jamais baisser les bras. Le combat que je menais, je vais associer d’autres membres du Mouvement ATD Quart Monde et les familles les plus démunies de mon pays, dans cette même dynamique d’engagement.