Genre et lutte contre l’extrême pauvreté

Dessin de François Jomini © François Jomini, ATD Quart Monde.


Pour clore cette semaine de célébration de la Journée internationale des droits des femmes, découvrez une brève mise en perspective, non exhaustive, de la manière dont le genre et la pauvreté se sont articulés dans l’histoire d’ATD Quart Monde

Article écrit par le groupe Genre et pauvreté d’ATD Quart Monde.


Aux origines d’ATD Quart Monde

Très tôt dans l’histoire d’ATD Quart Monde, l’articulation entre le genre1 et la pauvreté est insérée dans le débat public par le fondateur, des volontaires et des allié·e·s de ce Mouvement.

Joseph Wresinski a d’abord posé les fondations d’une connaissance sur et par les femmes du Quart Monde qui oriente les actions d’ATD Quart Monde. Lors d’une rencontre de formation en 1962, Joseph Wresinski invite les volontaires engagées au camp de Noisy-le-Grand à découvrir la résistance des mères de famille face à la misère. Pour Wresinski, l’action des volontaires menée avec les familles du camp est destinée à soutenir ces femmes dans leur combat quotidien de faire « reconnaître et de proclamer leur dignité ».

Comme le souligne Magdalena Brand2, pour la première fois, la femme est ainsi associée à un milieu et à une communauté : le Quart Monde. Le fondateur d’ATD Quart Monde met encore en lumière le savoir et l’expérience singulière des femmes en situation de grande pauvreté.

Rendre visibles les femmes du Quart Monde

Quelques mois avant la rencontre au camp de Noisy-le-Grand, en 1962 aussi, plusieurs femmes ont rejoint Joseph Wresinski, fondateur d’ATD Quart Monde, et son équipe du camp d’urgence de Noisy-le-Grand, en France.

Ces femmes et Joseph Wresinski ont joué un rôle essentiel en dénonçant différentes formes d’exclusion de femmes en situation d’extrême pauvreté auprès d’agences internationales, l’ONU en particulier. Grâce à leur missions de présence auprès de familles en situation de pauvreté et de plaidoyer, elles ont aussi contribué à la production de savoirs sur le thème du genre et de la pauvreté puis à sa propagation à une échelle internationale. Les membres du sommet de l’ONU ont d’ailleurs ensuite adopté une résolution proposée par ATD Quart Monde pour s’assurer que tous les projets de développement prennent en considération les besoins des femmes les plus pauvres.

L’Année internationale de la Femme a été la première année internationale décrétée par les Nations Unies, en 1975.  Parmi les nombreuses célébrations qui ont eu lieu à travers le monde,  la Conférence Mondiale sur les femmes, tenue à Mexico City, a représenté un évènement majeur.

En tant qu’organisation internationale non gouvernementale avec un statut consultatif auprès du Conseil économique et social de l’ONU (l’ECOSOC), le  Mouvement ATD Quart Monde était invité, et une délégation constituée de Joseph Wresinski, Alwine de Vos Van SteenwijkMary Rabagliati et  Huguette Redegeld  y a participé.  C’est dire l’importance qu’avait, pour le Mouvement,  la cause des femmes vivant dans l’extrême pauvreté. En prévision de cette année,  dès 1974 des représentants d’ATD Quart Monde ont participé à des réunions préparatoires organisées par l’ONU.

Alwine de vos Van Steenwijk, Mary Rabagliati et Huguette Redegeld ont été parmi les premières volontaires d’ATD Quart Monde qui ont rejoint Joseph Wresinski et les familles du camp des sans-logis  à Noisy-le-Grand.  Avec d’autres, elles ont contribué  à la rédaction de la Charte de la femme du Quart Monde, élaborée avec des militantes et des militants du Quart Monde. Elles ont également participé à la rédaction de l’étude   « La femme du Quart monde, cette inconnue« . Ces deux documents ont été  présentés lors de la Conférence de Mexico. Et l’investissement du Mouvement à Mexico a été partagé aux militants Quart Monde lors d’une Université Populaire Quart Monde  à Paris.

En présence de la Ministre chargée de la condition féminine en France, Madame Françoise Giroud,  et de celle de Madame Annémone Giscard d’Estaing, femme du Président de la République française, le Congrès de la Femme du Quart Monde, tenu à Pierrelaye,  a clôturé l’investissement du Mouvement pour cette Année internationale. Cet investissement pour la cause des femmes vivant dans la pauvreté  se continue jusqu’à aujourd’hui.

Une approche intercontinentale

Si ces moments et personnes permettent de situer les premières approches du genre et de la pauvreté d’ATD Quart Monde, cette thématique est ensuite reprise dans plusieurs pays dans lesquels ce Mouvement international est présent. Parmi un grand nombre d’initiatives, on peut en citer quelques-unes, à titre d’exemple, plus récentes :

Un nouveau pas : le groupe genre et pauvreté

C’est dans ce sillage que peut être situé la formation du groupe « Genre et Pauvreté », à l’initiative d’Agathe Herubel, Lucie Venard, Juliette Léger et Ethan Stachowiak, membres du Mouvement ATD Quart Monde.

Pendant et à la suite de la rencontre des Engagements de 2021 qui s’est tenue à Jambville, en France, plusieurs participants et membres d’ATD Quart Monde se sont engagés dans une démarche de partage de connaissances concernant les rapports entre « genre » et grande pauvreté. Plusieurs thématiques sont apparues lors de certains des ateliers de cette rencontre comme celles  :

  • De l’invisibilité des femmes en situation de pauvreté dans les combats féministes français et sur la méconnaissance de membres d’ATD Quart Monde de certains concepts et méthodes développés dans les mouvements féministes.
  • De la situation des personnes exposées à plusieurs discriminations (liées à la pauvreté et au genre, à l’orientation amoureuse, à l’identité de genre…)
  • Des violences sexuelles et sexistes.

Dans la continuité de cette rencontre, des membres du Mouvement se sont réuni·e·s pour approfondir ces réflexions et partager des préoccupations liées au rapport « genre et pauvreté ». Lors de la première réunion, en janvier 2022, les échanges ont notamment porté sur des situations qui mettent aux prises les familles et les personnes avec des discriminations, des violences ou des assignations croisées : celles de la pauvreté et celles du genre des personnes en question. Quelques mois après deux autres rencontres ont eu lieu pour proposer un premier groupement thématique des contributions des étapes précédentes et d’approfondir certains thèmes.

Le document de synthèse de ces contributions donne un nouvel éclairage sur la manière dont l’approche genre pauvreté joue un rôle central dans un projet d’action d’éradication de l’extrême pauvreté. Il réunit de précieux apports pour mieux comprendre les liens entre genre et pauvreté. Il représente parallèlement un véritable programme de recherches et d’actions pour les prochaines années.

En rassemblant thématiquement l’ensemble des contributions des étapes précédentes issues d’expériences vécues par des personnes en situation d’extrême pauvreté, ce texte suggère certains axes prioritaires :

  • le rôle des femmes et des hommes dans les familles en situation d’extrême pauvreté et les injonctions qui pèsent sur ces personnes selon leur genre : les violences conjugales ; les maltraitances institutionnelles ; les violences sexistes et sexuelles et de leurs impacts sur les personnes et la persistance de la pauvreté ; les violences de genres vécues dans le travail ; les difficultés de prises de parole pour sortir de ces violences ; les liens entre pauvreté et prostitution ; des repères d’action qui prennent en compte des situations d’interculturalité et d’intersectionnalité…

En guise de conclusion : vers une compréhension internationale des liens entre genre et pauvreté

Depuis plus d’un an, le groupe Genre et Pauvreté se réunit mensuellement et s’internationalise peu à peu. Il a récemment amorcé une nouvelle étape de production de connaissances sur les manières de comprendre et de travailler sur les liens entre genre et pauvreté dans différents contextes nationaux ou continentaux. Ces connaissances nourrissent la préparation d’un plaidoyer qui sera présenté dans le cadre de la Commission de la condition de la femme.

En s’ajoutant aux problématiques posées dans le document de synthèse, ce nouveau regard fait émerger des problématiques très différentes d’un contexte à l’autre. Il souligne l’importance d’une démarche située pour une compréhension de ces liens en profondeur. Il met aussi en évidence une multitude de formes d’oppressions selon le genre qui s’aggravent pour des personnes en situation de grande pauvreté.

Il met enfin l’accent sur l’urgence d’une approche intersectionnelle pour éradiquer l’extrême pauvreté.

  1. « Genre » est compris dans le sens d’une construction historique et sociale des caractéristiques individuelles et des rôles sociaux d’une personne suivant son sexe biologique attribué.
  2. dans l’atelier « genre, famille et extrême pauvreté : contribution personnelle d’évaluation et de mise en perspectives » du Colloque Wresinski, en Janvier 2009.
  1. Nous pouvons dire que l’humanité est semblable à un oiseau 🐦 dont une des ailes est l’homme et l’autre c’est la femme. Lorsque les deux fonctionnent bien, le monde peut avoir un équilibre. C’est pourquoi nous devrions se joindre dans le combat de Père Joseph pour donner l’autonomisation aux femmes. Brisant les barrières socio-culturelle qui entravent le progrès des femmes. Du courage à tous dans cette lutte !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *