Pour ATD Quart Monde la mobilisation reste une priorité

Alors que le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté en France a atteint 8,9 millions en 2016, ATD Quart Monde a lancé en 2017 l’année « Stop Pauvreté ». Plus que jamais l’ONG est engagée dans la mobilisation autour de la lutte contre la pauvreté.

ATD Quart Monde fête cette année un triple anniversaire : les 100 ans de la naissance de Joseph Wresinski, les 60 ans du mouvement qu’il a fondé en 1957 au Camp des Sans-Logis de Noisy-le-Grand, et les 30 ans de la Journée mondiale du refus de la misère qu’il a instaurée en 1987 à Paris. En 2017, le combat du fondateur d’ATD est plus que jamais d’actualité.

60 ans d’engagement

Le « Père Joseph » était lui-même issu du « Quart-Monde », une expression dont il détient la paternité pour l’avoir évoquée le premier, en 1969. Michel Rocard, dans la préface du livre « L’homme qui déclara la guerre à la misère » (Georges-Paul Cluny, Albin Michel, 2014) disait de lui : « Des hommes qui voulaient soulager la misère, j’en ai connu, et non des moindres ! Des hommes qui connaissaient comme lui ce champ de la blessure humaine et voulaient la détruire, je n’en ai connu qu’un : lui ».

Joseph Wresinski a fondé ATD Quart Monde dans un bidonville de Noisy-le-Grand, dans lequel il résidait. « Il était contre l’idée de charité et d’assistanat. Quand il est arrivé, il a mis tout le monde dehors », explique Guillaume Amorotti. Préférant chasser les soupes populaires au profit d’installations collectives (jardin d’enfants, bibliothèque, foyer pour femmes), Joseph Wresinski combattra toute sa vie la charité qui, dit-il, « enfonce les pauvres dans l’indignité ». Selon la présidente d’ATD et adjointe à la directrice, chargée des Magazines à RFI, Claire Hédon : « c’est son expérience qui a orienté toute son action, basée sur la participation des plus pauvres. Il fallait arrêter de décider pour eux et se baser sur leur intelligence, et donc construire des politiques de lutte contre la pauvreté avec eux ».

Dans cette logique d’échange, et parce que le seul critère financier n’est pas suffisant pour définir la pauvreté, le Mouvement ATD Quart Monde a lancé, depuis un an, avec l’université d’Oxford, une recherche internationale dans six pays (Bangladesh, Tanzanie, Bolivie, États-Unis, France, Grande-Bretagne) pour mesurer les dimensions de la pauvreté. Mais cette recherche est menée avec des personnes en situation de précarité comme co-chercheurs « au même titre que les chercheurs sociologues de haut niveau de l’université d’Oxford », explique Claire Hédon.

Un rôle clé pour les avancées sociales

Le mouvement, aujourd’hui présent dans 32 pays, installe depuis 60 ans des communautés d’entraide qui fonctionnent autour d’initiatives locales, à l’instar d’universités populaires, de vacances familiales ou encore de bibliothèque de rue.

En France, ATD Quart Monde a joué un rôle clé dans plusieurs grandes avancées sociales, comme le RMI (revenu minimum d’insertion), ancêtre du RSA, ou la CMU (couverture maladie universelle). Pourtant, comme le souligne sa présidente, qui fut également la présentatrice de l’émission « Priorité Santé » sur RFI, « si l’accès aux soins est gratuit en France, en réalité, l’espérance de vie des plus pauvres en France rejoint l’espérance de vie en Afrique : entre 55 et 60 ans. Le droit à un accès à des soins n’est pas réel pour les personnes en situation de précarité ». L’association souhaite donc mobiliser la société et le gouvernement afin qu’un plan d’action de lutte contre la pauvreté qui inclut la question de la santé, du logement, de l’éducation et de l’accès aux droits soit mis en place.

De récentes avancées prouvent que le changement est possible : ATD Quart Monde a fait inscrire, dans la loi, la discrimination pour précarité sociale et, avec l’expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée » qui a démarré en novembre dernier dans dix communes françaises, il a bousculé la façon de traiter le chômage.

En mars 2017, un collectif d’association, dont ATD Quart Monde, avait interpellé les candidats à l’élection présidentielle dans une tribune dans Le Monde intitulée : « Quelle place ferez-vous aux personnes en situation de précarité ? » Cet appel a-t-il été entendu ? Selon Claire Hédon, « la lutte contre la pauvreté a été trop peu présente dans les débats ». Par ailleurs, depuis l’élection du président Emmanuel Macron, elle reconnaît que « les premiers signes (baisse des allocations pour le logement et suppression des emplois aidés) ne sont pas encourageants, voire négatifs », mais elle ajoute qu’heureusement, « le gouvernement est en train de travailler avec des associations sur ce sujet ». La présidente d’ATD Quart Monde compte aussi sur une mobilisation citoyenne car elle est convaincue que « s’il y avait plus de personnes dans la société convaincues que la lutte contre la pauvreté est primordiale, le gouvernement ferait plus ». « C’est la société qui fait bouger les politiques », conclut-elle.

Un mois d’octobre sous le signe de la mobilisation

Le week-end du 14 et 15 octobre à Paris, le « Village des initiatives pour une société autrement » a pris possession de la place de la République pour faire découvrir au grand public des actions déjà mises en œuvre par ATD Quart Monde. « L’idée de ce village, c’est de partir du beau, de montrer les choses qui marchent », explique Guillaume Amorotti, volontaire permanent à ATD depuis six ans.

L’ONG a proposé dix conférences autour des thèmes de l’environnement et la pauvreté, le revenu universel, l’orientation, ou encore la ségrégation scolaire. L’occasion également de découvrir la pièce de théâtre Un peuple les yeux ouverts, pour revivre les grandes heures de la lutte contre la misère autour de personnages comme Joseph Wresinski ou Dufourny de Villiers durant la Révolution française.

Le 17 octobre, l’année « Stop Pauvreté » sera clôturée par un concert à l’Olympia, auquel participeront notamment Alain Souchon, Christophe Willem, Danakil, Kery James, Laurent Voulzy ou encore Melissmell. Cet événement célèbre les 30 ans de la Journée du refus de la misère, reconnue par les Nations unies en 1992, et aujourd’hui célébrée dans le monde entier, au-delà du mouvement ATD Quart Monde, qui l’a initiée en octobre 1987. La première édition s’était déroulée sur le parvis des Droits de l’Homme à Paris en 1987, à l’initiative de Joseph Wresinski, fondateur d’ATD.

Cet article est paru sur le site de Radio France Internationale.