« Une longue route vers la prise de conscience de la pauvreté »

Une réunion publique de l’Intergroupe de lutte contre la pauvreté, en défense des droits de l’homme, a eu lieu au Parlement européen le 21 octobre dernier, à l’occasion de la Journée mondiale du refus de la misère. Des militants d’ATD Quart Monde venus de France, Belgique et Pays-Bas ont croisé leurs expériences avec des parlementaires autour du thème : “Construire un avenir durable – quelles politiques économiques pour des sociétés compétitives et justes ? Comment lutter contre les discriminations ?”

M. Mario Monti, ancien premier ministre de l’Italie et ancien commissaire européen, a ouvert la réunion en s’interrogeant sur le rôle de la mondialisation dans l’augmentation de la pauvreté, en Europe notamment.

L’Union Européenne (UE) semble imposer des politiques d’austérité, qui appauvrissent les populations dans plusieurs pays. Mais sans elle, ces pays auraient été touchées encore plus durement par la crise. Cependant, l’Union européenne a été trop longtemps négligente par rapport aux déficits publics des états membres, faisant peser sur les jeunes générations d’aujourd’hui le poids de la dette. Pour réussir un redressement économique sans générer de la pauvreté, il faudrait favoriser des services publics de bonne qualité et une redistribution des richesses par la fiscalité.

Mme Sylvie Goulard, députée européenne, a rappelé que l’Union Européenne est dans une « longue marche vers la prise de conscience de la pauvreté ». En 2000, avec la stratégie de Lisbonne, l’UE s’est donné pour la première fois des objectifs sociaux. En 2011 des paramètres sociaux ont été ajoutés au tableau de bord du Semestre européen. La pauvreté fait désormais parti des préoccupations des décideurs européens, et l’on peut sentir une volonté d’améliorer la situation des Européens les plus démunis, comme le montre l’objectif de réduction de la pauvreté (diminution de 20 millions le nombre de personnes pauvres ou étant menacés de tomber dans la pauvreté) contenu dans la stratégie Europe 2020. Mais c’est insuffisant.

Depuis 2010, le nombre de personnes vivant dans la pauvreté ou étant menacés de pauvreté a augmenté en Europe. La question de l’évaluation de la pauvreté reste ouverte. Des efforts doivent être faits dans l’éducation, le travail, la fiscalité, la formation, le développement durable. « Il est en tout cas très clair que les politiques publiques de lutte contre la pauvreté ne seront réellement efficaces qu’à condition d’impliquer la société civile, les plus démunis compris, à leur conception » a insisté Sylvie Goulard.

Isabelle Bouyer et Raymonde Languet, membres d’ATD Quart Monde ont présenté le combat pour reconnaître la discrimination pour précarité sociale dans la législation française. Pour les personnes en situation de pauvreté, si la loi est votée à l’Assemblée nationale (prochainement), ce sera une fierté et un soulagement : la souffrance et les humiliations pour cause de pauvreté seront enfin reconnues comme des discriminations.

Plusieurs exemples montrent ce que subissent au quotidien des personnes en situation de pauvreté : un traitement d’orthodontie interrompu à cause du changement de la couverture maladie, une personne ballottée entre deux communes voisines qui toutes deux ne veulent pas la domicilier, des travailleurs sociaux et agents publics qui se permettent des ingérences exagérées.

« Pour que l’humiliation et la honte sortent enfin de nos vies,  il faut nous considérer comme des partenaires. Être partenaire c’est être dans une relation à égalité, faire chacun le chemin pour se comprendre. On n’est pas des gens qui ne savent rien et les autres qui savent tout ». Raymonde Languet

M. Jorge Nuño Mayer, secrétaire général de Caritas Europa, a souligné que 12 millions de personnes en Europe sont en chômage de longue durée. Il a plaidé pour plus d’investissement social en donnant l’exemple d’une coopérative d’entrepreneurs à temps partiel aux Pays-Bas et d’un centre d’accueil pour personnes réfugiées en Autriche, géré par les personnes qui l’occupent. Des investissements sociaux ont un coût plus élevé à court terme, mais rapportent plus à la longue. Les économistes devraient en étudier davantage les impacts.

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Photos © Intergroupe Parlementaire/Sylvie Goulard