Un récit sur trois générations

Publié le février 6, 2025 sur le site d’ATD Suisse : https://atd.ch/un-recit-sur-trois-generations/
Temps de lecture : 3 minutes
Un décor simple, quatre chaises, quelques châles ont suffi à Charlotte Petitat, comédienne, pour plonger le public dans les réalités de vie d’une famille de Suisse qui fait face aux préjugés de la société et des institutions.
À Treyvaux, Genève, Bulle et La Chaux-de-Fonds, avec douceur et force, cette artiste a réalisé une lecture théâtrale qui a captivé, ému, fait connaître et comprendre ce que veut dire «vivre en situation de pauvreté», des années soixante à aujourd’hui dans un canton romand.
L’histoire débute dans l’enfance d’un jeune garçon, touché par un placement forcé, lié aux mesures de coercition à des fins d’assistance pour lesquelles la Confédération a présenté des excuses en 2013. Elle se poursuit sur plus de 60 années et fait découvrir le parcours de vie des enfants et petits-enfants de ce jeune devenu adulte. Il s’est marié, a fondé une famille et celle-ci se trouve entraînée à son tour dans un engrenage sans fin. De génération en génération, les stigmatisations collent à la peau des protagonistes, les obstacles institutionnels s’accumulent, la fille puis les petites-filles sont placées dans des foyers. Le découragement et le désespoir sont là, la pauvreté persiste. Tout au long du récit, des gestes des membres de la famille montrent leurs efforts pour résister: le grand cœur d’un beau-père, la combativité des femmes, la solidarité au sein de la famille. Ils permettent aux un·e·s et aux autres de rester debout, mais ne suffisent pas. La naissance d’un troisième petit-fils mettra la famille sous tension. Sa maman saura se battre, s’unir avec d’autres familles vivant des situations difficiles; elle saura trouver du soutien auprès d’associations et inspirer la confiance de certaines institutions pour que cet enfant ne soit pas placé à sa naissance.
Pour briser la spirale des placements
Cette histoire, écrite tout au long de trois années d’interviews avec la famille par Joana Jaquemet, volontaire permanente, est à la fois unique et représentative de ce que vivent des parents en situation de pauvreté aujourd’hui. Elle s’inscrit dans un travail collectif – le Chantier familles – mené par des pères et mères de Suisse et d’Europe pour formuler des propositions visant à briser la spirale des placements de génération en génération. Ces parents ont notamment repéré dans leur vie des moments charnières face aux institutions où se joue l’avenir de la famille. Ils les ont analysés et en ont formulé des propositions très concrètes pour que ça change: que les juges donnent la parole en premier aux parents lors d’une audience, qu’il soit possible d’être accompagné·e dans une institution par une personne de confiance, que soit mis en place des groupes de parents qui ont le même vécu, etc.
Se former et partager
Ces parents ont aussi accepté de prendre le temps de se former, cet été, au Centre national d’ATD Quart Monde à Treyvaux, pour développer leur capacité à se faire entendre, à parler au nom d’un savoir collectif et à dialoguer avec d’autres. Certains d’entre eux étaient présents lors des lectures de Charlotte Petitat. Ils ont su intervenir de manière claire et pertinente lors des débats qui ont suivi avec la salle pour partager certaines des pistes de changement identifiées dans leur travail à l’échelle suisse et européenne, comme la transformation des services de protection de l’enfance en services de soutien à la famille.
Véronique Martrou, alliée d’ATD Quart Monde