Message de Noël

Chers amis,

Le père Joseph me disait souvent : «  Écris, note chaque jour ce que tu apprends des familles. Habille-toi de leurs mots, de leurs larmes, de leurs cris, de leur tendresse…, ainsi ils entreront dans ta vie. Ils seront toi… ». Ces mots m’ont appris à me défaire des clichés, des jugements trop rapides, pour parvenir à “ faire un ” avec ces hommes, ces femmes, ces enfants abîmés par la misère. Ainsi j’ai pu vous les partager au nom des volontaires. À votre tour, pas à pas, vous les avez fait entrer dans votre vie. Vous avez accueilli leurs peines, leurs espoirs, leurs silences… et nous sommes devenus amis.
Le Mouvement n’est jamais l’oeuvre d’un seul mais de tous, vous en êtes témoins ; c’est cela qui nous enracine si profondément au coeur d’un peuple, crée l’unité et nous invite à faire confiance aux générations suivantes. Isabelle Perrin, volontaire, entourée comme je l’ai été, a accepté de poursuivre le lien avec vous, les amis qui nous êtes si précieux. En Isabelle, en vous, je fais confiance : les familles garderont leurs amis, j’en suis sûre. De tout cœur, merci !

Gabrielle Erpicum

Chers amis, Au moment d’écrire ce message et de tenter de vous partager l’espoir dans lequel les familles très démunies nous introduisent, je pense avec émotion à ce long collier de messages écrits pendant 31 ans par le Père Joseph et depuis 25 ans par Gabrielle Erpicum.

Depuis sa petite table dans la baraque du bidonville à Noisy-le-Grand, le Père Joseph nous parlait souvent de la vie des enfants. Leur sérieux et leur fraîcheur, leur capacité d’être pleinement dans le présent, étaient pour lui une vraie source pour le monde.
Ainsi ces frères et soeurs chez qui tout manquait depuis des semaines et qui vendaient leurs billes aux copains pour acheter un pain pour la fête de leur maman.
Ou encore Mathieu qui, dans un moment de colère, détruisait sa cabane construite avec tant d’ingéniosité dans les bois. « Il me disait : “ J’ai trop attendu.” Il avait attendu que quelqu’un vienne s’asseoir à ses côtés. Mais jamais aucun enfant de l’école n’était venu jouer avec lui, son refuge n’avait servi à rien… »

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Dans les messages de Gabrielle, toutes ces dernières années, d’autres visages d’enfants nous ont questionnés, interpellés, “parlé”.

Vous souvenez-vous d’Aline, cette fillette que beaucoup disaient “retardée” parce qu’elle ne communiquait pas ? Une enseignante attentive avait finalement compris que cette enfant était sourde. Aline fut alors munie d’un sonophone. Mais sa famille vivait une telle insécurité, un tel manque d’argent, et l’appareil était si cher. Alors, pour ne pas le casser, dès le retour de l’école, la maman enlevait l’appareil et le cachait tout en haut de l’armoire, replongeant l’enfant dans le silence… pour qu’elle puisse continuer à entendre à l’école !

Vous souvenez-vous d’Erna et de son cadeau d’anniversaire ? Aux Pays-Bas, chaque enfant reçoit un cadeau à l’école à cette occasion. Comme tous les autres enfants, Erna attendait son grand jour avec tellement de joie ! Un peu comme à Noël… Elle espérait un beau livre ou un jouet superbe qui la propulserait avec magie dans un tout autre monde, loin de la pauvreté. Puis c’est la déception, terrible. Elle reçoit une boîte avec un savon et une brosse ! Sans doute l’enseignante pensait-elle bien faire ? Mais comment Erna pouvait-elle le prendre autrement que comme un immense reproche ? Un de plus sur son chemin de vie. Une fois encore être regardée comme “pas assez propre”, “pas assez bien peignée”, “pas assez bien habillée”…

Erna, Aline, Mathieu, ces frères et sœurs et leurs billes : n’est-ce pas plutôt à nous de mieux nous habiller de leurs mots, de leur ressenti, de leurs rêves ?

***

Aujourd’hui, des enfants du monde entier continuent de nous habiter. Ils inspirent le Mouvement que nous construisons ensemble. David, avec ses yeux pétillants, intelligents, devant sa caravane, qui, dès le matin, aide tout le monde sur le terrain et fait jouer les petits. Mais qui n’ose toujours pas prendre le chemin de l’école pourtant toute proche…
La petite Rosa qui arrive comme une balle, au milieu d’une rencontre dans un quartier où tout manque, au Honduras, et se jette dans les bras de sa maman qui pleure : « J’ai toujours tout fait pour protéger mes enfants de la faim, mais cela ne suffit pas. Nos efforts, seuls, ne suffisent pas ». La petite Rosa connaît bien le contenu du désespoir de sa maman quand elle lui offre un dessin où elle a fait écrire par un plus grand : « Maman je t’aime du plus profond de mon âme ! ».

Oui, tous ces enfants, qui sont une lumière pour leur famille, sont aussi une chance pour l’humanité, pour peu que nous osions puiser avec confiance dans leur regard sur le monde, pour peu que nous nous laissions guider par leurs espoirs et leurs gestes d’amour.

Nous vous souhaitons un bon temps de Noël ! Qu’il soit rempli de sourires d’enfants et de rencontres qui vous donnent force et confiance dans la vie, et préparent demain.

Isabelle Pypaert Perrin
Déléguée générale

© ATD Quart Monde – 95480 Pierrelaye – Octobre 2013

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