Les mots ne sont pas que des mots

Cette année, le thème de la Journée internationale des droits des femmes, «Je suis de la Génération Égalité : Levez-vous pour les droits des femmes », nous interpelle sur les défis qu’il reste à relever, ensemble, pour promouvoir l’équité entre les sexes et mettre fin à ce qui porte atteinte à l’intégrité de la femme. Aujourd’hui, ATD Quart Monde veut rendre hommage aux femmes de milieux défavorisés à qui rien n’est épargné, et qui résistent, génération après génération, à toutes les formes d’oppressions existantes.

“ Sans l’écriture, je ne suis rien ” ; Georgina écrit des poèmes et des histoires qu’elle partage autour d’elle.

Par Georgina Simmons et Naomi Anderson (Royaume-Uni)

Chaque fois que je rencontre Georgina, elle a quelque chose à offrir : un jouet pour un enfant, un objet décoratif à poser sur un bureau ou même (présent que j’ai eu la chance de recevoir) une magnifique broche en or ornée de quatre chevaux. Elle avait remarqué que je portais une broche en or sur mon veston qui, selon elle, avait besoin de compagnie. La générosité de Georgina n’a de cesse de m’impressionner.
Ses cadeaux ne sont jamais faits au hasard et la seule chose qu’elle demande en retour est qu’on accorde une oreille attentive aux histoires et poèmes qu’elle écrit.

Plus que les bibelots et les petits trésors qu’elle apporte, ce sont les poèmes et les histoires remarquables qu’elle prend le temps d’écrire et de partager qui fascinent les gens.

Georgina raconte :

“L’écriture représente énormément pour moi. Elle me comble de joie et rend les gens heureux. Ma vie est désormais débordante de joie, et ce ne serait pas le cas sans l’écriture.
Enfant, j’ai vécu dans un foyer. C’est là que j’ai grandi. L’un d’entre eux était une institution religieuse, dirigée par des sœurs. Il fallait utiliser les mêmes mots qu’elles et ‘pauvreté’ ne faisait pas partie de leur vocabulaire. Nous avons dû apprendre à l’exprimer autrement.
Les mots qu’elles utilisaient étaient différents de ceux utilisés en dehors du foyer. C’est la raison pour laquelle maintenant j’écris en utilisant des détours.

Ensuite, je suis entrée à l’internat. Lorsque j’ai quitté l’internat, j’ai voulu rejoindre le Service féminin de la Marine royale, mais je n’ai pas pu. Mon rêve ne s’est pas réalisé. On m’a renvoyée dans le foyer et lorsqu’il a été temps pour moi de le quitter, on m’a trouvé une place comme femme de ménage, mais je retournais toujours au foyer, car c’était tout ce que je connaissais.

Un premier travail a consisté à m’occuper d’un enfant.
Elle répétait sans cesse : “ Maman et papa ceci, maman et papa cela… ” ; des noms bien étranges pour moi, car je les entendais pour la première fois. Quand vous êtes orphelin, que vous vivez dans un orphelinat, ce ne sont pas des mots que vous rencontrez. La petite en a parlé à ses parents et ils ont tenté de m’expliquer. Je ne me suis jamais sentie aussi honteuse de toute ma vie.

Un jour, j’ai eu un accident de la route. Lorsque je suis revenue à moi à l’hôpital, j’ai demandé au docteur si je pouvais avoir une feuille de papier et un stylo et j’ai rédigé une page entière sans vraiment savoir ce que j’écrivais. C’est à ce moment que j’ai commencé à écrire au sujet du foyer et que je me suis rendu compte à quel point écrire comptait pour moi. Je n’avais jamais écrit comme ça auparavant.
Je me suis demandé : “ Comment puis-je être écrivain ? Je dois retourner sur les bancs de l’école. ” Le docteur m’ a répondu : “ Les accidents ont des répercussions différentes en fonction des personnes. Chez vous, cela s’est manifesté comme ça. ”

C’est le docteur qui m’a annoncé que je serais écrivain. Il m’a dit d’écrire. Personne ne me l’avait jamais demandé. Un geste, un mot, ça peut faire une différence.

Si je n’avais pas eu mon accident, je ne serais jamais devenue écrivain ou poète. Lorsque j’ai quitté l’hôpital, le docteur m’a serré la main.
Sans l’écriture, je ne suis rien. Personne ne peut me l’enlever.

 

 

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