Le 17 octobre 2015 à Bangui

Le 17 octobre à Bangui a été une très bonne journée qui a permis de se rassembler dans la « Cour », la maison d’ATD Quart Monde. A partir de plusieurs conversations, témoignages, un message collectif avait été bâti. Il en dit long de la vie et de l’espoir des gens d’ici :

« Ce que nous faisons dans le mouvement ATD Quart Monde, ce ne sont pas des blagues : c’est un pays qu’on cherche à rétablir dans l’avenir pour que nos enfants soient à l’aise au milieu des autres. Si on parle de pays, le pays c’est nous.
Nous savons que sortir le matin pour aller travailler empêche les jeunes de prendre un fusil pour aller tuer des personnes.

Nous savons que se mettre ensemble pour le travail au champ construit un avenir durable. « Je construis la paix durable en tissant des nattes que je vends pour bien manger, bien dormir ».

Nous savons que de pouvoir soigner et loger sa famille facilite un avenir durable.

Nous savons que choisir des bons dirigeants et avoir une justice juste construit l’avenir d’un pays. Et nous voulons un pays qui attend quelque chose de nous.

Il faut apprendre que les pauvres aussi ont une intelligence. Si le monde pouvait se donner la peine de comprendre ce que nous faisons, ce que nous pensons, au lieu de décider dans les bureaux, ça pourrait aider.

Dans la devise centrafricaine il y a ce mot : «unité». Pour combattre la pauvreté, on a besoin de partager les idées avant d’agir et de se mettre ensemble, parce que seul on n’y arrivera pas.

Les riches ne savent pas ce qu’on appelle la difficulté difficile. Ils savent des choses, mais pas toutes les choses. Et nous les plus pauvres, nous savons des choses, mais pas toutes les choses. Il nous faut ajouter ces savoirs des uns aux savoirs des autres.

Si je suis enfermé dans ma misère, je peux en faire une arme sur les autres. Le riche, c’est pareil. Avec sa richesse, il peut devenir une bombe contre les autres. Si l’essentiel c’est l’humain, nous pouvons nous mettre ensemble, essayer de bâtir l’humanité. »

Un témoignage du Sénégal a été lu, ainsi que celui que les enfants actuellement réfugiés à la Cour avaient préparé, rythmé par les couplets du chant « freedom » repris en chœur. Sous la paillote, les gens étaient invités à peindre des cercles de papier. Dans l’avenir, ces dessins seront repris pour décorer les fûts de récupération des eaux de pluie. C’était beau de voir ensemble des personnes assez différentes, de différentes organisations et de concrétiser ainsi l’appel du témoignage collectif à bâtir le monde ensemble, en « ajoutant les savoirs des uns aux savoirs des autres ».

 

Plusieurs personnes de la plate forme interreligieuse, des membres d’organisations de droits de l’homme, d’autres associations que nous avons connues sur les sites de déplacés ont participé à la journée, ainsi que la vieille chèfe du quartier et un reporter du Réseau des Journalistes Centrafricains pour les droits de l’homme qui nous a consacré toute une émission.

Atelier peinture suite aux témoignages
Atelier peinture suite aux témoignages

Il y a eu un échange à distance avec un petit groupe de personnes de Liège, en Belgique. Au sein de ce groupe, un monsieur venait de se faire expulser de son logement l’avant-veille. Il avait refusé de reporter notre dialogue en disant « c’est pas parce que j’ai des problèmes que je pense pas aux autres ! ».

De cet échange, on retiendra en particulier la manière dont M. Parfait s’est senti concerné par la situation d’expulsion vécue par cet homme. Choqué, il disait : « Mais… on ne peut pas jeter une personne dans la brousse, la jeter dans l’eau… Une personne doit pouvoir être quelque part. Nous, dans notre mouvement, on ne jette personne ».
Et c’était fort d’entendre les gens de Liège dire que la semaine suivante, ils allaient faire des démarches pour demander un relogement, et qu’ils diraient aux administrations concernées que même en Centrafrique, des gens trouvent choquant qu’on puisse être ainsi « jeté ».

Un autre atelier a permis de regarder des extraits de la vidéo « la misère est violence », dans sa version en langue sango.

Un quatrième atelier réunissait les enfants peu nombreux car compte tenu de la « santé » du pays, tout le monde préférait ne pas se déplacer avec des enfants en cas de problèmes sur le chemin.

A la fin, on s’est retrouvé pour chanter « la vie est belle !», on a pu partager un repas, et chacun est reparti chez lui avec un exemplaire du témoignage de Centrafrique sous le bras.

Equipe d’ATD Quart Monde en Centrafrique