Connaissez-vous vos « droits quotidiens »
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Cet article est d’abord paru en anglais sur le site d’ATD Quart Monde Royaume-Uni, ici: https://atd-uk.org/2025/09/05/do-you-know-your-everyday-rights/
De la nourriture sur la table, un travail décent, la possibilité de fonder une famille, un logement convenable et sans moisissures ne sont pas des luxes ou des privilèges. Ce sont des droits quotidiens nécessaire pour vivre librement et dans la dignité.
Que veut-on dire par « droits quotidiens » ?
Le terme « droits quotidiens » est de plus en plus utilisé par les organisations de la société civile pour désigner les droits économiques, sociaux et culturels (DESC). Ces droits ne sont pas des idéaux abstraits. Ils concernent les conditions de la vie quotidienne et le droit international des droits de l’homme les reconnait comme essentiels pour vivre dans la dignité et la liberté.
En 1976, le gouvernement britannique a ratifié1 le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC). Autrement dit, le gouvernement britannique s’est engagé non seulement à reconnaître ces droits, mais aussi à les respecter pour chaque personne vivant au Royaume-Uni.
Le Pacte comprend 31 articles en tout. Voici les principaux :
- Le droit au travail c’est-à-dire un salaire équitable, des conditions de travail sûres et une protection contre le chômage.
- Le droit à la sécurité sociale qui garantit une aide en cas de besoin, par exemple en cas de maladie, d’invalidité, de chômage ou de vieillesse.
- Le droit à une alimentation, à un habillement et à un logement convenable qui reconnait les conditions matérielles de base nécessaires à la survie et au bien-être.
- Le droit à la santé c’est-à-dire l’accès aux soins de santé, à l’eau potable et à un environnement de vie sûr.
- Le droit à l’éducation et ce, de l’école primaire à l’enseignement supérieur, permettant le développement personnel et la participation à la société.
- Le droit de participer à la vie culturelle reconnaissant que l’identité et l’expression culturelles sont des aspects essentiels de la dignité humaine.
- Le droit à la vie familiale qui garantit que les familles bénéficient de la protection et de toutes les aides possibles.
Un manquement dans les protections britanniques
Le Royaume-Uni a ratifié le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels il y a près de 50 ans, pourtant il n’a jamais intégré ces droits dans son droit national. Contrairement aux droits civils et politiques, les DESC ne sont pas protégés par la loi britannique sur les droits humains.
Cela signifie que lorsque les droits quotidiens sont violés, lorsque que des familles sont laissées dans des logements insalubres, des travailleurs sont piégés dans des emplois précaires, l’accès aux soins de santé est entravé, les personnes concernées ne peuvent pas se tourner vers les tribunaux britanniques pour obtenir justice. Les engagements du gouvernement existent sur le papier, mais pas dans la pratique.
Pourquoi est-ce que c’est important ?
Les droits quotidiens ne sont pas des engagements juridiques abstraits, ce sont des bouées de sauvetage.
Lorsque ces droits sont bafoués, les personnes se retrouvent prises dans un cycle d’insécurité et de peur. Comme l’a montré notre étude de 2018 (disponible en anglais) intitulée « Comprendre la pauvreté sous toutes ses formes »2 :
« La pauvreté, c’est faire partie d’un système qui laisse dans l’attente indéfinie, dans la peur et l’incertitude. »
Pour les personnes vivant dans la pauvreté, cette incertitude n’est pas ponctuelle : elle est quotidienne. Des logement insalubre et l’insécurité face à l’emploi ne sont pas des difficultés temporaires, mais des violations systémiques des droits. Les communautés marginalisées, déjà victimes de discrimination, sont les plus durement touchées par ces défaillances.
Que pouvons-nous faire ?
Depuis plus de 60 ans au Royaume-Uni, nous travaillons avec des personnes en situation de pauvreté dont les droits sont bafoués chaque jour. Le public ignore la plupart de ces violations en raison du silence systématique imposé aux personnes vivant dans la pauvreté.
Nous pensons qu’un changement durable passe par le partage des connaissances et l’action collective. Cela signifie :
- Écouter d’abord les personnes qui ont vécu la pauvreté et veiller à ce que leur voix guide la conversation.
- Travailler en partenariat avec des organisations de la société civile, des universitaires et des défenseurs des droits humains afin de promouvoir la reconnaissance des droits fondamentaux dans la législation britannique.
- Sensibiliser le public afin qu’il comprenne que des problèmes tels que les mauvaises conditions de logement et les conditions de travail abusives ne sont pas des circonstances malheureuses, mais des violations des droits humains.
- Remettre en question les systèmes oppressifs qui normalisent l’insécurité et les inégalités, et plaider en faveur de politiques fondées sur la dignité et la justice.
Les droits quotidiens sont des droits humains. Ils sont aussi essentiels que le droit à la liberté d’expression ou à un procès équitable. Sans eux, l’égalité et la liberté véritables sont impossibles.
En mars 2025, ATD Quart Monde Royaume-Uni a interpellé le gouvernement britannique sur les droits quotidiens de deux manières :
- Avec un rapport sur l’impact de la pauvreté sur la protection sociale des enfants et le droit à la vie familiale. Cela a conduit le gouvernement à reconnaître l’existence de problèmes. Et nous lui proposons des conseils pour y remédier.
- Dans le cadre du GRIPP (Growing Rights Instead of Poverty Partnership)3, nous avons soumis un autre rapport sur les problèmes liés aux droits à la sécurité sociale, au travail et à un niveau de vie adéquat. Le GRIPP propose également des solutions pertinentes.
Chez ATD Quart Monde, nous savons que la pauvreté n’est pas une fatalité : elle est le résultat de choix politiques.