Bulgarie : atelier de rencontres entre des personnes engagées contre la pauvreté

Depuis 18 mois, deux volontaires du Mouvement International ATD Quart Monde rencontrent des personnes et des groupes au Sud-Est de l’Europe, afin de découvrir leur engagement au quotidien aux côtés de personnes vivant dans l’extrême pauvreté, en lien avec la dynamique proposée par le Forum du refus de la misère. Depuis près d’un an, ils vivent à Sofia et participent à une démarche citoyenne de rencontres avec les habitants d’un quartier ghetto de Plovdiv (Bulgarie) pour apprendre en agissant ensemble.

La volonté d’engager un dialogue et un échange de connaissances entre les personnes et les groupes rencontrés a débouché sur l’organisation d’un « Atelier de rencontres » à Sofia sur le thème “A la recherche de ceux qui manquent encore » du 25 au 29 mai 2016. Comment faire pour rejoindre ceux qui ont la vie la plus difficile ? Comment s’assurer que leurs expériences soient prises en compte ? 26 participants venant de Bulgarie, de Hongrie, de Roumanie, de Pologne, du Royaume-Uni, ainsi que des invités internationaux, se sont réunis pour creuser ensemble ces questions. A la dernière minute, des personnes de Macédoine et de Roumanie, ayant préparé, n’ont pu venir.

Les participants, tous engagés avec des hommes, des femmes, des jeunes et des enfants dont la dignité et les droits ne sont pas respectés, avaient comme point commun leur recherche pour construire des sociétés plus inclusives et humaines. Certains vivent et travaillent au sein de leur communauté et participaient pour la première fois à une rencontre se tenant en 5 langues.

Une grande diversité de contributions

Chaque groupe avait préparé des portraits de personnes vivant dans la grande pauvreté.

Les participants ont écouté l’interview d’une maman de Bucarest (Roumanie) vivant avec ses 5 enfants dans un quartier pauvre.

  • « C’est difficile de vivre ici. Je n’ai pas de travail et j’ai aussi des problèmes de santé. Je ne pense pas être la seule dans cette situation. Le manque de conditions de vie décentes sont générales. Ce que je veux du plus profond de mon coeur est le bien-être de mes enfants, d’avoir un travail, une maison, une vie normale : de la nourriture sur la table, une machine à laver, de l’eau courante, de l’électricité. Les politiciens pensent à nous tous les 4 ans, juste avant les élections, mais en dehors de ça, ils ne s’occupent pas de nous ».

Une contribution de Hongrie avait pour but de montrer le fossé d’incompréhension entre un juge et une mère habitant un quartier très dégradé. La recherche d’un travail a conduit celle-ci à laisser ses enfants seuls à la maison. Cela lui a été reproché par le juge, tout comme le fait que les enfants n’allaient pas régulièrement à l’école. Ils sont menacés de placement. Comment faire alors que l’un des fils a subi des menaces à l’école et a peur d’y aller ?

De Pologne, il a été présenté à quel point, pour les personnes sans-abri, le manque de tout (sanitaire, logement, nourriture…) entraîne des conséquences psychologiques sérieuses. De même, “lorsque vous souffrez de la faim, vous oubliez, mais votre corps lui n’oublie pas”.

Plusieurs personnes ont parlé de leur sentiment d’impuissance face à la pauvreté extrême. Moni (Hongrie) disait être parfois découragée lorsque certaines familles de son village ne parviennent pas à profiter des services et possibilités qui leur sont offert. “Comme d’autres membres de la communauté, je ne les comprends pas mais nous continuons d’essayer”.

Une volonté commune chez tous les participants.

Des savoir-faire dans la rencontre avec les plus pauvres

Les participants ont partagé leurs savoir-faire dans la relation avec les personnes les plus en difficulté :

– L’importance d’instaurer la confiance avec la communauté. Certains en font partie, vivant dans la même rue, tandis que d’autres viennent régulièrement dans les quartiers. Il suffit souvent de gestes simples, comme de venir avec des chaises pour s’asseoir et discuter avec les habitants, ou jouer avec les enfants. Pour beaucoup, l’accès et la pratique d’un art sont des points d’appuis essentiels (cirque, danse, dessin, musique, théâtre…). Ces moments clés permettent de bâtir la confiance en créant des moments de partage, en s’ouvrant à d’autres réalités.

– La présence dans la communauté permet de comprendre ceux qui ont le plus de difficultés, connaître leurs besoins et leurs ressources, les projets possibles…

Identifier les personnes clés de la communauté. Elles ne sont pas les leaders du quartier, mais permettent la paix. Certaines étaient présentes à l’atelier : “Je ne fais rien de spécial. Je parle juste avec tout le monde” explique Câty (Roumanie). “Nous ne voulons pas changer les traditions, nous voulons juste offrir des choix et des alternatives” déclarent Kalin et Gabriella (Bulgarie). “Vous pouvez changer et faire que ce changement soit visible pour d’autres”.

“Tout est une question de dignité, a conclu Ionut (Roumanie). Digne dans la manière de rejoindre les personnes, dans la manière de les contacter, de communiquer avec elles, de respecter leurs habitudes, leur religion, leur manière de vivre. »

D’autres échanges ont porté sur des défis auxquels les participants font face : gagner des changements au niveau des politiques locales ou nationales, trouver des financements durables et éthiques, communiquer pour gagner des sécurités et de la crédibilité, se soutenir pour durer dans son engagement contre la misère.

Les participants ont décidé de poursuivre leurs échanges, notamment à travers un groupe Facebook, en se partageant des documents, et en imaginant la possibilité d’un autre atelier. Cette première rencontre a fédéré des énergies et des engagements, comme l’a souligné l’un des participants : “Je ne pensais pas qu’il y avait autant de personnes qui luttaient contre la pauvreté. Cela m’encourage à continuer”.

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