Une alliée à plein temps contre la misère

Le 17 octobre 2014, pour la Journée mondiale du refus de la misère, Geneviève de Coster, alliée en France depuis plus de 30 ans,  a donné ce témoignage au CESE (Conseil économique et social environnemental).

«  J’ai eu la chance quand j’avais une vingtaine d’années de faire un voyage au Sénégal avec une petite association qui venait en aide aux victimes de la sécheresse. Je suis partie très heureuse de pouvoir aller soulager la misère ! Et là bas, j’ai eu la grande chance de rencontrer des gens qui ne m’ont pas du tout remercié pour ce que je faisais. Bien au contraire. Ils m’ont expliqué combien ils en avaient assez, combien ils souffraient, combien ils étaient humiliés de tout ce qu’on faisait pour eux sans leur demander leur avis, et qui, au bout du compte n’améliorait en rien leur vie, bien au contraire.

Ils m’ont montré des puits abandonnés qui avaient été construits par des étrangers dans des zones où l’eau était salée. D’autres construits pour leur permettre de faire du maraîchage, mais dans des zones sans arbres, et donc il n’était pas possible de protéger les cultures des animaux sauvages. D’autres qui avaient fonctionné avec des pompes qu’ils n’avaient pas les moyens d’entretenir. Un épicier qui avait faillite, car une association avait fait une collecte et apporter au village les cahiers pour les écoliers, alors que c’est lui qui habituellement les vendait… Comme si, parce qu’ils étaient pauvres, ils étaient incapables d’imaginer et de réaliser des choses par eux-mêmes et qu’ils avaient besoin que d’autres pensent à leur place à ce qui était bon pour eux.

Pourquoi je n’y avais pas pensé avant ?

De retour en France, bousculée, j’étais convaincue que je devais changer ma façon de voir les choses. Et que ce qui était vrai pour les africains que j’avais rencontrés était sûrement vrai pour tous ceux de ce pays et du monde entier.

C’est grâce à cette recherche que j’ai croisé le mouvement ATDQM. Grâce à lui j’ai pu cheminer, en toute humilité, avec des personnes dont la vie était très difficile. Ma vie de famille s’est construite grâce à ces rencontres, elle en a été autant bousculée qu’enrichie. On a appris la tolérance, le respect, la fraternité, à se questionner, à accepter de ne pas comprendre, à écouter, à entendre.

Ce que j’ai appris en Afrique est toujours d’actualité. Et ça reste mon combat. Le refus qu’il y ait d’un côté ceux dont la situation relèverait d’acte de charité et de l’autre ceux dont la situation relèverait des droits. Les droits de l’homme sont pour tout le monde. C’est indiscutable. Il n’y a pas de dérogation possible à ça, pas de condescendance, pas de conditions. C’est ferme et définitif pour tous.

La seule chose qui entre en ligne de compte c’est que nous sommes tous des êtres humains.

Les choses changent…un peu. Mais nous sommes trop seuls, face à ceux qui pensent que les distributions sont la bonne réponse à la pauvreté. Trop seuls face à ceux qui voient les pauvres seulement comme des personnes avec des manques à combler, qu’on doit aider ou dont on doit se méfier, alors qu’ils sont, en réalité, à la pointe de l’expertise et du combat contre la misère, et sans eux, on fera ce qu’on a fait dans les villages africains où je suis allée il y a 30 ans.

On a encore plus que jamais besoin, inlassablement, de s’unir pour inventer les manières d’être ensemble sans avoir peur les uns des autres.