« J’ai vu la lumière d’un phare devant moi »

En 2009, ATD Quart Monde Tanzanie a commencé à proposer des cours d’alphabétisation aux vendeurs de bois de chauffage et de charbon de bois du marché aux poissons de Magogoni, à Dar es Salaam. Puis le projet a été étendu à tous les travailleurs du marché qui n’avaient pas eu la possibilité d’aller à l’école. L’un de ces travailleurs est Saidi Yusuh Hamisi, un poissonnier travaillant dur. Voici son histoire.
Saidi Yusuh Hamisi, dit Yusuph, est né en 1980, troisième enfant de sa famille, il a grandi dans le quartier de Mtwara, à plus de 500 km de Dar es Salaam. En raison des nombreuses difficultés rencontrées par ses parents, il n’a pas pu aller à l’école. Attiré vers la capitale dans l’espoir de devenir pêcheur, mais sans argent pour acheter des filets et des hameçons, et encore moins une pirogue, Yusuph s’est retrouvé au marché comme vendeur de poisson le jour et gardien la nuit.
En 2012, alors qu’il travaillait au marché aux poissons, M. Hasani Pacaka, un ancien élève du cours d’alphabétisation pour adultes viens le rencontrer. Yusuph se souvient :
« M. Hasani Pacaka savait que je ne pouvais ni lire ni écrire, alors il m’a dit : “J’ai une invitation pour toi : viens assister au cours d’alphabétisation pour adultes.” J’avais 40 ans et j’étais nul en lecture et en écriture. Ce jour-là a été pour moi l’occasion d’ouvrir les yeux et d’apercevoir la lumière d’un phare devant moi. »
Grandir aujourd’hui en Tanzanie sans être scolarisé est comme naviguer sans boussole. L’analphabétisme peut engendrer honte et isolement, et obliger à accepter des petits emplois souvent indécents pour survivre.
Yusuph a accepté l’invitation ce jour-là et en y repensant, il considère son premier contact avec ATD Quart Monde Tanzanie comme le plus beau jour de sa vie. Alors qu’il continue son travail au marché aux poissons, il est aussi devenu militant. Maintenant qu’il sait lire et écrire, il a commencé par aider certains de ses collègues du marché à écrire leurs noms, puis a accepté d’assumer certaines responsabilités proposées par ses enseignants. Il explique :
« J’ai commencé à inviter des personnes à participer aux cours d’alphabétisation pour adultes, en particulier celles qui ne savaient pas lire ni écrire du tout. Le manque d’éducation ayant laissé un vide considérable dans ma communauté, j’ai pensé que nous devions créer un environnement accueillant afin d’encourager le plus grand nombre d’élèves possible à participer aux séances. »

Lorsque Yusuph est d’accord avec quelque chose, il se montre positif et serviable. Mais lorsqu’il n’est pas d’accord avec un collègue, il n’hésite pas à exprimer son opinion :
« Je respecte ATD Quart Monde qui me respecte en retour. Je permets au bureau d’ATD d’éviter certains problèmes et je suis là pour apprendre. Et ça permet à mon entourage de reconnaître ma contribution envers eux »
En 2016, Yusuph a rejoint l’équipe de chercheurs des « Dimensions cachées de la pauvreté ». Sa participation lui a permis de reconnaître sa place dans la communauté. Au cours de la recherche, il a eu l’occasion de travailler avec des universitaires et d’autres autorités, où il a à profit ses compétences en lecture et en écriture, et de partager son expérience personnelle avec les autres membres de l’équipe de recherche.
Le travail des membres d’ATD Quart Monde apporte lumière et espoir aux personnes gardés à l’écart de la société. Les membres se soutiennent pour créer des ponts entre eux et avec le reste de la communauté.
Depuis qu’il a appris à lire et à écrire, Yusuph affiche une expression de joie et de fierté, nous permettant d’affirmer que chaque être humain peut s’épanouir quelle que soit sa position sociale.
À lire aussi pour en savoir plus sur les cours d’alphabétisation offert par ATD Quart Monde en Tanzanie:
Il n’y a pas de limite à l’apprentissage
Toute une communauté s’implique pour la réussite d’un cours d’alphabétisation
Quand l’espoir naît
Projet d’alphabétisation au Fish Market