Vers la fin d’un système carcéral injuste

En 2017, ATD Quart Monde a invité à écrire des histoires vraies de changement contre une situation d’injustice et d’exclusion pour montrer que lorsqu’on s’unit pour un même combat la misère peut reculer.
Les articles sur notre site ne sont pas signés car il s´agit de favoriser une voix collective. Dans le cadre des 1001 histoires, l’auteur met en lumière une histoire vécue. L’histoire qui suit a été écrite par Maria Victoire (Nouvelle-Orléans).

Le système carcéral américain octroyant la liberté avant le jugement aux personnes qui peuvent payer une caution est d’une grande injustice sociale. Il condamne celles et ceux qui n’ont pas les moyens de payer la caution à l’emprisonnement, même s’ils sont innocents ou s’ils ont commis des délits mineurs, et les expose à de graves conséquences économiques et familiales.

  • Chaque soir, un demi million de personnes dorment dans une cellule de prison aux États-Unis, parce qu’elles sont trop pauvres pour payer leur caution.

Selon un article du quotidien Times Picayune “ La Nouvelle-Orléans, réputée pour être une cité d’incarcération de masse, a fait l’objet d’un examen minutieux par le Département de la Justice des États-Unis et des organisations non gouvernementales au cours de ces dernières années, pour son traitement inégal des Afro-américains en situation de pauvreté, à la suite de démêlés avec la police et les tribunaux ”.

Mme Louise, mère de sept enfants, vit à la Nouvelle Orléans. Elle a changé trois fois d’emploi en trois mois parce qu’elle devait accompagner son fils au tribunal. Elle a du mal à trouver l’argent pour payer la caution. « Qui contrôle les juges ? S’indigne-t-elle, la caution est trop élevée, je ne peux pas la payer. Je ne peux même pas payer mon ticket de bus ! Je suis malade, nous sommes tous enfermés dans ce système judiciaire ! »
« Quand mon fils est en prison, c’est comme j’y étais moi-même. Je ne peux ni manger, ni dormir. »

La caution punit les gens parce qu’ils sont pauvres, et peut entraîner la perte de leur emploi, de leur maison ou même de leurs enfants. Incarcérer les personnes démunies pendant des semaines, des mois et des années pour des petits délits non-violents détruit un grand nombre de familles vivant dans la pauvreté et n’assure pas la sécurité de la ville. Ce qu’on sait moins, c’est que

  • Le système des cautions profite à la ville, une partie de la caution servant à financer le système carcéral municipal, les déplacements et frais des juges, comme l’a montré le rapport de l’Institut Vera qui travaille sur les injustices carcérales. Cela entraîne des incarcérations abusives.

Ces derniers mois, les militants de la réforme de la justice pénale à la Nouvelle-Orléans ont combattu vigoureusement cette incarcération massive et injuste. Ils ont multiplié les réunions, les manifestations, les conférences de presse ; ils ont veillé devant la prison en brandissant des bannières :

  • « Non à l’incarcération massive des populations pauvres ! »
    « Non aux lits additionnels dans les prisons !”
    « Non à la construction d’autres prisons ! ».

Ils ont utilisé les réseaux sociaux pour exprimer leur frustration de ne pas être entendus par les autorités du Département de justice. Ils ont eu également diverses réunions avec les membres du conseil municipal afin de révoquer le système de cautions et arrêter l’enfermement de personnes pour des délits mineurs non violents.

Finalement, le 17 janvier 2017, le conseil municipal de la Nouvelle-Orléans a approuvé l’ordonnance qui met fin au paiement d’une caution pour les personnes accusées de crimes mineurs devant la Cour municipale.
L’ordonnance exige que les personnes accusées d’infractions municipales soient libérées après leur arrestation, si elles promettent de se présenter devant les tribunaux.

De nombreuses voix ont salué cette victoire et ont fait remarquer que les contribuables économiseraient de l’argent en réduisant le nombre de personnes détenues qui attendent leur procès pour de petits délits. « Nous comprenons maintenant l’ampleur de l’injustice et l’inefficacité de notre système. Nous espérons que les résultats serviront de preuve que le fait de faire payer la justice et d’emprisonner des gens qui n’ont pas les moyens de payer leur caution coûte trop cher pour nous tous. » Rapport de l’Institut Vera.

Nous nous réjouissons de cette victoire. Elle est le signe que la politique et les autorités ont commencé à changer leur cœur et leur intelligence vis-à-vis de l’incarcération massive qui touche les plus pauvres.
Mais il y a encore un long chemin à parcourir pour que cela devienne une réalité à la Nouvelle-Orléans et dans l’ensemble de la Louisiane.

Pour connaître d’autres 1001 histoires de changement, visitez le blog.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *