Une plaque en mémoire des personnes enterrées dans des tombes sans nom

En 2017, ATD Quart Monde a invité à écrire des histoires vraies de changement contre une situation d’injustice et d’exclusion pour montrer que lorsqu’on s’unit pour un même combat la misère peut reculer.
Les articles sur notre site ne sont pas signés car il s´agit de favoriser une voix collective. Dans le cadre des 1001 histoires, l’auteur met en lumière une histoire vécue. L’histoire qui suit a été écrite par Beatriz Monje (Angleterre).

J’ai connu Rita et Graham Edwards à Londres en 2000. A l’époque, Rita et Graham étaient déjà des membres actifs d’ATD Quart Monde au Royaume Uni. Tout en vivant un combat quotidien pour la survie dans une vie marquée par la pauvreté, ils participaient avec beaucoup d’enthousiasme à de nombreux projets visant à influencer les politiques sociales du pays. Ils faisaient également partie de ceux qui ne rataient pas une occasion de solliciter d’autres personnes vivant dans la pauvreté, pour qu’elles reprennent des forces dans le combat collectif.

  • Aujourd’hui encore, je me souviens des nombreuses fois où Graham répétait que tout n’était qu’une question d’« unité », un état ou un sentiment qui veut dire être proches les uns et des autres, être ensemble.

Peu de temps après, Rita et Graham déménagèrent à la recherche d’une vie meilleure à Hull, une ville du nord-est de l’Angleterre. Installés dans un quartier très pauvre, ils créèrent là de nombreux liens, des liens d’amitié emprunts de solidarité, mais également affaiblis par les tensions provoquées par la survie et les besoins de tous les habitants.

Un jour, Rita et Graham appelèrent notre équipe à Londres pour nous parler d’un nouveau projet :

  • Rassembler des personnes et récolter des fonds pour faire poser une plaque commémorative dans le cimetière d’Hull en mémoire de toutes les personnes pauvres qui avaient été enterrées dans une fosse commune sans aucune plaque personnalisée pour se souvenir de leur existence.

Même si depuis le début, nous avions décidé de les accompagner dans ce projet, je ne suis pas sûre que nous ayons réellement compris à ce moment-là toute sa profondeur.

Rita et Graham réussirent à convaincre d’autres personnes et à réunir l’argent nécessaire pour inaugurer, le 17 octobre 2002, à l’occasion de la Journée Internationale pour l’élimination de la pauvreté, une plaque dans le cimetière portant l’inscription : « En hommage à toutes les personnes de Kingston sur Hull enterrées dans des tombes sans nom », accompagnée des paroles de Joseph Wresinski : « Là où des Hommes sont condamnés à vivre dans la misère, les droits de l’Homme sont violés. S’unir pour les faire respecter est un devoir sacré. »

  • Quelques années plus tard, Rita et Graham, avec le soutien d’un membre d’ATD Quart Monde, fabriquèrent un album racontant l’histoire de leur combat personnel et familial contre la pauvreté, une manière pour eux de témoigner et de situer l’histoire de leur famille dans l’histoire de l’humanité.

En regardant ensemble leur album, j’appris la mort prématurée d’un de leurs enfants, une petite fille qu’ils durent enterrer dans une fosse commune, sans nom.

Personne n’avait entendu parler de la petite Amanda durant toute l’année où nous avions réuni des personnes autour de la plaque du cimetière. Mais découvrir dans ce même album la photographie d’Amanda et la plaque du cimetière m’a permis de comprendre toute l’importance de leur projet : leur courage et leur force de résistance les conduisant à lutter pour la justice, non seulement pour la petite Amanda, mais également pour tous les autres.

Je prends conscience que cette culture de résistance à l’injustice et à la violence de la misère, qui est le tissu de la vie des plus pauvres, est invisible à nos yeux. Cette culture constitue le fil conducteur de leur vie, une manière de rester debout et de construire ce concept d’« unité » ; cette culture, je la souhaite pour chacun de nous, comme un don indispensable pour le monde, une force de changement que je peux aussi choisir d’adopter pour ma vie.

Pour connaître d’autres 1001 histoires de changement, visitez le blog.

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