Un peu de sucre

Par Moraene Roberts, militante Quart Monde au Royaume-Uni

Lorsque mes enfants étaient jeunes, nous avons vécu pendant un temps dans un lotissement où une voisine était franchement détestable. Le jour de notre emménagement, elle était penchée sur son balcon et nous regardait avec curiosité. Elle m’a lancé : “Tu es encore une de ces mères célibataires ! Je suis sûre que tes enfants ont tous des pères différents”. Et elle a ajouté qu’il valait mieux rester loin d’elle au numéro 9, que sinon nous serions mal vus comme elle.

Sincèrement, je me demandais si je devais éviter la femme du numéro 9.

  • Je trouvais écœurant que quelqu’un que je n’avais même pas rencontré était déjà stigmatisé.
    Mais poussée par mon implication dans le Mouvement ATD Quart Monde, j’ai eu envie d’agir autrement.

Alors un jour, j’ai frappé au numéro 9 et lui ai demandé si je pouvais lui emprunter un peu de sucre (même si en réalité, je n’en avais pas besoin). Sharon m’a regardée d’un drôle d’air, mais elle a accepté. Le matin suivant, j’ai de nouveau frappé chez elle pour lui rendre le sucre. Cela l’a étonnée car elle ne s’y attendait pas du tout. Avant qu’elle n’ait pu fermer la porte, je lui ai demandé : « Est-ce que tu veux passer chez moi pour prendre un café ? J’ai tout le sucre qu’il faut pour cela maintenant ! »

Elle m’a à nouveau jeté un coup d’œil et a répondu : “Pourquoi tu me le proposes ? Personne ne t’a parlé de moi ?
Non, j’ai juste pensé qu’on pouvait discuter un peu.” Alors elle a accepté, et c’est ainsi que nous avons commencé à devenir amies. Il s’est avéré que Sharon était vraiment passée par des moments difficiles. Petite fille, elle avait été retirée à ses parents par les services sociaux. Puis, la même chose était arrivée à son enfant, qui lui avait été retiré et placé en famille d’accueil. À cette époque, elle attendait un autre bébé, et elle s’inquiétait de savoir si elle pourrait le garder ou non. Elle savait qu’elle avait une mauvaise réputation auprès du voisinage. Les gens colportaient toutes sortes d’histoires déplaisantes sur elle, des histoires complètement fausses.

Quand j’ai commencé à voir Sharon régulièrement, certaines personnes se sont mises à m’éviter moi aussi, ou bien à me demander : “Pourquoi vouloir passer ton temps avec elle ? ” Si je n’avais pas connu ATD Quart Monde à l’époque, je n’aurais probablement pas essayé d’aller vers Sharon. Mais un autre membre d’ATD Quart Monde m’avait dit un jour : “ Certains d’entre nous naissent dans la pauvreté et sont destinés à le rester leur vie entière car personne ne veut que ça change.”

Sa famille avait été prise en charge par les services sociaux pendant quatre générations ! Comment ce genre de choses peut-il encore se produire aujourd’hui ?

Je sais ce que l’on ressent quand les autres vous regardent avec dédain, en pensant que vous êtes dégoûtant.

  • Ils ne réalisent pas que si vous ne vous êtes pas lavé les cheveux, c’est peut-être parce que vous avez utilisé toute l’eau chaude pour laver vos enfants. Ils baissent les yeux sur les chaussures de vos enfants raccommodées avec du ruban adhésif et ils vous jettent un de ces regards ! Et ce regard, petit à petit, vous mine.

C’est pourquoi nous devons nous entraider.

Je crois qu’il est important d’aller vers les plus exclus, d’être une chance pour eux et d’apprendre d’eux également.
Sharon pense de même désormais. En fait, elle a même raconté cette histoire aux services sociaux, afin que ces derniers comprennent mieux les problématiques liées à la pauvreté. Et elle explique : “ATD est la meilleure chose qui me soit jamais arrivée parce que j’ai enfin l’impression d’être normale quand je suis avec les autres”. Nous avons tous besoin d’un endroit où on se sent “normal”, sans que personne ne piétine notre dignité.

Dans cette vidéo, Moraene Roberts et d’autres militants Quart Monde s’expriment.

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  1. Je suis touché, l’humanisme est ma vocation car j’aime être la ou les autres sont en souffrance pour se battre ensemble et vaincre cette douleur de la souffrance. ATD Quart Monde me convainc, je suis d’accord, c’est ma petite contribution dans mon pays pour les enfants abandonnés appelés communément enfants de la rue.

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