Pour un nouveau projet de société

Article paru dans Actualités Quart Monde, No 113, septembre 2012

Lorsque nous pensons à l’avenir et à celui de nos enfants, notre projet de société au Mouvement ATD Quart-Monde est un projet d’inclusion et de qualité de vie. Bien avant le bien-être matériel ou la sécurité, nous plaçons la dignité, la justice et la fraternité. « Que personne ne soit oublié. »

Lors de la dernière campagne électorale au Québec, nous avons écrit à nos futur(e)s élu(e)s pour attirer leur attention sur la situation, la pensée et les espoirs des personnes qui vivent dans la plus grande pauvreté. Nous leur avons rappelé que le manque de moyens pour vivre est une véritable violence et tout aussi dur, le manque de considération sur ce qu’elles font pour s’en sortir. Nous avons souligné notre appui au Collectif pour un Québec sans pauvreté dans ses demandes en faveur d’une consultation ouverte et générale sur l’amélioration des cibles de revenu au Québec. Nous avons aussi appelé à la reconnaissance et à l’appui de la parole citoyenne et nous la demandons encore.

Suite à l’élection du 4 septembre 2012, le paysage politique a changé au Québec. Le carré rouge a pris, lui aussi, de nouvelles teintes. Symbole de la lutte étudiante pour le gel des droits de scolarité et la gratuité scolaire, il conduit à un sommet sur l’éducation supérieure. Nous attendons beaucoup de ce sommet, s’il peut être le plus ouvert possible et donner la parole aux plus pauvres. En plus des droits d’accès à l’enseignement et de la bonne gestion des universités, il devrait pouvoir aborder, avec la participation de toutes les personnes concernées, les blocages de toutes sortes qui empêchent un enfant du primaire et un jeune du secondaire d’accrocher à l’école, de pouvoir y faire les choix qui lui conviennent, d’atteindre en pleine énergie le niveau supérieur d’études auquel il a droit et de pouvoir y réussir.

Le monde de l’éducation est aussi un milieu par excellence où se transmet l’histoire d’une société et se débattent ses projets d’avenir. Dans le contexte particulièrement difficile de l’économie mondiale aujourd’hui, de l’enrichissement des plus riches et de l’appauvrissement des plus pauvres, on ne peut éviter de se demander si l’enseignement supérieur et la recherche dans les universités financées par l’État ne devraient pas contribuer d’une manière plus significative à changer cette situation.

En accordant par exemple plus d’attention à des domaines comme ceux de la médecine préventive, de l’économie verte et des pratiques qui favorisent la bio-diversité. Parler d’accès à l’université aujourd’hui sans savoir comment elle peut rendre un projet de société plus souhaitable et plus vivable pour tous et pour toutes dans l’avenir est-ce encore supportable ? Comme cela a été suggéré par de nombreuses personnes, à plusieurs reprises, au cours des derniers mois, le sommet sur l’éducation supérieure doit donc pouvoir se saisir également de ces questions primordiales touchant la vocation de l’université.

Bien entendu, il faut toujours que la parole citoyenne soit de la partie. Elle doit remonter jusqu’à l’université, comme une pensée et un savoir sans lesquels on passera toujours à côté de l’essentiel. « Les pauvres ne sont pas que tout pauvre ». L’expérience de l’Université populaire Quart Monde et les projets universitaires de croisement du savoir mis de l’avant par le Mouvement ATD Quart Monde sont des références tout à fait pertinentes à ce sujet.

C’est quand on met toutes nos réflexions ensemble, qu’on accepte d’ajuster nos façons de voir avec celles de nos voisins, que tout devient possible.

Guy Demers, allié du Mouvement
avec la contribution des membres du Comité loi

Le savoir est un but à poursuivre sans calcul, un bien en soi, un bien de l’humanité. Ainsi dit l’Université, quand elle conteste la science réduite à un outil mis au service de la production économique. Ainsi disent les chercheurs, quand les fonds publics sont affectés à des recherches susceptibles de conduire, essentiellement, à des applications industrielles rentables. Ils ont raison de défendre la cause d’un savoir qui doit élargir les esprits plutôt que de consolider avant tout la progression du bienêtre matériel. Encore, le Quart Monde les invite-t-il à aller jusqu’au bout de leur logique.
Père Joseph Wresinski,
Échec à la misère, conférence à la Sorbonne, 1983, Cahiers de Baillet, Éditions Quart Monde, 1996, Présentation de René Rémond, p. 76.