Mettre en œuvre les droits de l’homme avec les personnes dans l’extrême pauvreté

10 décembre, Journée mondiale des Droits de l’homme : comment les faire avancer ?

« Votre manuel nous apprend un nouveau mode de gouvernement qui n’est enseigné nulle part : impliquer les personnes en situation de pauvreté dans les processus de décision… C’est toute une école. Finalement je me rends compte que c’est nous les décideurs qui sommes responsables du malheur des pauvres. On doit reconnaître que sans eux il n’y a aucune issue. J’espère que votre manuel nous aidera à les prendre en compte dans nos politiques. »

La réaction d’un parlementaire camerounais au manuel réalisé par ATD Quart Monde et Franciscans International, Faire des droits de l’homme une réalité pour les personnes qui vivent dans l’extrême pauvreté, révèle les avancées et les défis à relever pour que les personnes en situation de pauvreté soient sujets et acteurs de leurs droits. Publié en septembre 2015, le manuel s’est déjà révélé un outil précieux pour expliquer d’une façon claire et simple les enjeux spécifiques en matière de droits de l’homme pour les personnes qui ont été rejetées à la marge du reste de la société. Et, parce qu’il met en avant des idées concrètes pour faire progresser leurs droits, il est désormais utilisé aussi bien par le monde académique et les organisations de la société civile que par les institutions et les administrations gouvernementales.

Au Cameroun, en plus de son travail avec le Comité pour les Droits de l’Homme de l’Assemblée Nationale, l’équipe d’ATD Quart Monde, en partenariat avec Plan International, prend en charge l’éducation aux droits de l’homme, à raison d’une heure par semaine, dans six écoles. En coopération avec Caritas, elle sensibilise aussi les institutions religieuses à une approche de l’éradication de la pauvreté fondée sur les droits de l’homme. L’équipe d’ATD a aussi présenté le manuel à 11 ONG qui travaillent avec des prisonniers. Après cette présentation, l’aumônier à l’origine de l’atelier a déclaré : « Nous devons multiplier ce genre de sessions et dans l’avenir y inclure des prisonniers. La méconnaissance et le manque de respect du droit conduisent en prison. Ne pas assurer aussi le minimum de droits aux citoyens fait de nous tous des potentiels prisonniers ».

Au Sénégal, un atelier de quatre jours, suivi par des représentants de 10 ministères, des membres de l’administration locale, des institutions religieuses et des ONG a abouti à la création de la Fédération Nationale de Lutte contre l’Extrême Pauvreté, en collaboration étroite avec le Ministère de la Santé et celui de la Gouvernance Locale, en lien avec le Ministère du Renouveau Urbain.

En Irlande, la Société Saint Vincent de Paul va utiliser le manuel pour incorporer une approche fondée sur les droits de l’homme à son travail, qui jusqu’à présent avait été mené à partir du concept de charité.

Le manuel a aussi éveillé l’intérêt d’universitaires. Des professeurs de différentes disciplines, au Canada, à l’Île Maurice, aux Philippines, en Inde et en Afrique du Sud utilisent des parties du manuel dans leurs cours, et au Royaume-Uni, l’équipe collabore désormais avec le Département de Sociologie de l’Université de Sheffield.

Le partenariat avec Franciscans International et avec d’autres ONG a permis de mettre en place des activités communes donnant un nouvel élan aux efforts visant à promouvoir les droits des personnes vivant dans l’exclusion sociale.

ATD et Caritas ont ainsi organisé ensemble un atelier d’une journée dans la région de l’Océan Indien, auquel ont assisté des représentants du gouvernement et de la société civile ainsi que des personnes vivant dans l’extrême pauvreté. L’atelier a abouti à l’impression, par le Département de Sciences Sociales de l’Institut Cardinal Jean Margéot, de 200 exemplaires du manuel à destination des étudiants et un résumé en quatre pages des 14 propositions faites durant l’atelier a été mis en circulation parmi les participants pour réfléchir à la meilleure suite à donner.

Aux Philippines et en Bolivie, ATD a été invité à participer à des ateliers organisés par Franciscans International. Dans les deux cas, ils ont abouti à des nouveaux partenariats avec d’autres organisations.

Le manuel s’est aussi révélé utile pour faire germer de nouvelles idées d’action au sein d’ATD Quart Monde. En Suisse, l’équipe d’ATD a utilisé le manuel pour structurer sa participation à la conférence nationale qui visait à évaluer la politique du gouvernement contre la pauvreté. Elle s’est appuyée en particulier sur les suggestions à propos du droit de participation (lire ici leur manifeste sur la participation). Aux États-Unis, le groupe de militants Quart Monde de New York s’est inspiré du manuel pour aller à la rencontre d’un membre de l’Assemblée d’État, qui a accepté de se rendre à une prochaine Université Populaire sur le thème du logement. L’équipe a expliqué que la rencontre suivrait le format décrit dans le manuel afin de permettre une discussion ouverte et franche avec les personnes qui vivent dans l’extrême pauvreté.

Le manuel s’est donc imposé comme une source précieuse d’information et d’inspiration pour les nombreuses actions qui peuvent être menées afin d’améliorer les conditions de vie des personnes qui vivent dans l’extrême pauvreté. À de multiples reprises, les participants aux ateliers et aux présentations qui ont été organisés ont indiqué que le manuel avait changé leur manière de considérer les personnes qui connaissent l’exclusion sociale. Ils les voient désormais comme des personnes dont les droits ont été violés et qui ont le potentiel de devenir des acteurs d’un changement positif, pour peu qu’on leur fournisse le soutien et les encouragements appropriés. Ils ont ainsi compris pourquoi il est important de faire la distinction entre la pauvreté et l’extrême pauvreté. Et ils ont vu que c’était seulement par une approche fondée sur les droits de l’homme que l’extrême pauvreté peut être éradiquée.

Ce changement de point de vue parait être durable. Lors d’une session de suivi un an après latelier en Haïti de novembre 2015, les participants, parmi lesquels des représentants du gouvernement, des médias et des ONG, ont confirmé que leur approche de l’extrême pauvreté avait profondément changé.