Institutions européennes: quelle place pour la voix des jeunes du quart monde ?

En novembre dernier, Aurélia Isoz, volontaire permanente en Espagne, chargée de représenter ATD Quart Monde au FEJ (Forum Européen de la Jeunesse), a participé pour la première fois à son assemblée générale (COMEM). Le FEJ, plateforme des organisations de jeunes en Europe, travaille pour promouvoir la participation des jeunes et représenter leurs intérêts auprès des institutions politiques européennes.

« C’étaient deux jours intenses d’action politique dans un milieu de jeunes super privilégiés, qui ont tou-te-s fait des hautes études, ont plusieurs master et savent bien l’anglais. Parmi les quelques 100 membres – des associations de jeunesse et des conseils nationaux de jeunesse – du FEJ, très peu sont en contact avec des jeunes qui n’ont pas fait d’études. La réalité des jeunes du Quart Monde est quasi-totalement étrangère et inconnue.

Depuis la création du FEJ en 1978, des délégués d’ATD tentent de faire exister la voix des jeunes les plus pauvres à l’intérieur de ce forum. Une opportunité que nous avons, en participant, c’est de pouvoir prendre la parole dans des groupes de travail et de contribuer à la rédaction des résolutions adoptées par le FEJ.

A ce dernier COMEM par exemple, il y a eu un thème sur l’accès à l’éducation et la première question était autour des obstacles existants. Ainsi, j’ai pu parler de Jesus, un enfant espagnol de 8 ans qui ne va pas à l’école, de sa sœur Manuela qui à 21 ans n’a aucune perspective ni de pouvoir travailler ni de pouvoir se former, de leurs parents qui luttent comme ils peuvent pour pouvoir maintenir le logement qu’ils occupent et pour trouver de quoi mettre dans leur assiette tous les jours. Par la parole, rendre visible une réalité cachée.

Il y avait aussi un groupe de travail sur le projet d’écrire une résolution sur la discrimination. Notre participation a permis d’attirer l’attention sur la discrimination pour cause de pauvreté, mais aussi de soulever l’importance d’inclure les personnes concernées dans la réflexion. Nos interventions dans ces groupes de travail nous ont permis aussi de voir que d’autres sont sensibles à nos apports et de créer des liens avec d’autres organisations.

ATD Quart Monde apporte un regard divers au sein de cette plateforme, qui, il me semble, comporte assez peu de diversité socio-culturelle. Il n’y a quasiment que des organisations à tendance majoritaire ou représentant des minorités qui ont un certain rapport de force. Comme les étudiant-e-s par exemple, qui me paraissent sur-représentés. Quelques minorités sont membres comme, par exemple, une association de jeunes sourds, une association d’étudiant-e-s juif-ve-s, ou encore une association LGBT (sur les droits des minorités sexuelles). Mais il n’y a aucune association qui représentent des jeunes souffrants de diverses formes de handicap, ou d’étudiant-e-s musulman-e-s, ou encore de jeunes migrant-e-s ou de jeunes sans emplois.

Au final, je réalise aussi que dans une organisation qui se veut démocratique, la prise en compte des minorités n’a pas forcément sa place. C’est l’avis de la majorité qui est pris en compte, et ce sont les personnes les plus à l’aise dans cet environnement qui vont être écoutées.

Quelle est la place des jeunes les plus pauvres dans une organisation comme celle-là ? Il nous reste encore à exploiter au maximum ce statut de membre qui nous est accordé et nous permet de faire entendre la réflexion des jeunes qui connaissent des situations de pauvreté, en matière d’emploi, de formation, d’éducation, de logement… être une voix entre 100, mais une voix qui compte ! »