Eux, ils restent ! Pas question qu’ils partent !

En 2017, ATD Quart Monde a invité à écrire des histoires vraies de changement contre une situation d’injustice et d’exclusion pour montrer que lorsqu’on s’unit pour un même combat la misère peut reculer.
Les articles sur notre site ne sont pas signés car il s´agit de favoriser une voix collective. Dans le cadre des 1001 histoires, l’auteur met en lumière une histoire vécue.
L’histoire qui suit a été écrite par Michèle Courcier et Jean-Marie Rausenberger (France).

Crenguta a quitté la Roumanie et vit en France avec sa famille. Installée dans une maison qui devrait être rasée lors de la réhabilitation du quartier, Crenguta  se bat avec le soutien d’un collectif pour un relogement digne.

Crenguta est une jeune femme Rrom qui vit en France avec les douze membres de sa famille. Ils ont quitté la Roumanie pour fuir la misère et le rejet dont ils sont victimes.

En France depuis plusieurs années, ils ont été plusieurs fois chassés de leurs abris de fortune. Depuis 15 mois, Crenguta et sa famille se sont installées dans une maison qui devrait être rasée lors de la réaménagement du quartier.

L’avocate qui défend la famille a fait appel aux membres du collectif qui la soutient pour obtenir en urgence des certificats qui prouvent qu’elle a de bonnes relations avec le voisinage. Il faudrait donc que des voisins acceptent de faire des attestations officielles qui seront présentées en justice.
Crenguta est d’accord pour leur demander mais elle compte sur les membres du collectif pour faire la démarche avec elle car elle ne parle pas bien français.

Intimidés, car ne sachant pas trop comment présenter la chose, nous frappons à la première porte. Personne ! La voisine revient de courses, elle nous aperçoit à sa porte.
– « Nous avons besoin de vous, seriez-vous d’accord pour aider Crenguta ? Elle risque d’être expulsée prochainement de sa maison avec toute sa famille. »
– « Moi, ils ne me dérangent pas. Ils sont calmes, gentils, je n’ai rien contre eux. »

Elle nous fait entrer, nous installe à la table de sa cuisine et dicte son témoignage : « Je connais la famille depuis plus d’un an. Ce sont mes voisins, ils sont gentils, je m’entends bien avec eux. Ils ne me dérangent pas. » confirme-t-elle.

  • Son visage, au début marqué par la méfiance, se transforme peu à peu. Elle est contente de contribuer à la défense de la famille.

« Vous devriez aller à côté, c’est ma sœur qui y habite, je pense qu’elle serait d’accord. »
Nous frappons à la deuxième porte. Dans un premier temps, l’accueil est très réservé puis, quand nous expliquons la démarche, tout change. Le fils de la famille s’exclame :
« Eux, ils restent ! Pas question qu’ils partent. Ah non, ils sont respectueux, ne font pas d’histoire ni de dégradation. À minuit, le 31 décembre, je suis même allé chez eux et on a fêté la nouvelle année ensemble ! »

Tous s’organisent, une autre voisine est contactée : en moins d’une heure nous obtenons les attestations de trois autres personnes, les cartes d’identité, les signatures. On nous offre à boire.

Nous les quittons, très contents d’avoir aidé à défendre cette famille dont il est dit en mairie qu’elle n’a pas sa place ici, que la population locale s’en plaint… Et nous sentons aussi combien les voisins ont été touchés que nous fassions appel à eux.

La famille peut rester dans le logement jusqu’à l’issue du relogement. Un relogement est à l’étude avec l’aide des services de la sous-préfecture.

Merci Crenguta d’avoir permis ces belles rencontres grâce à cette gentillesse qui émane de toute ta famille. Merci aux voisins pour votre aide et pour ce bon moment d’humanité que vous nous avez donné à vivre.

Dans le combat si difficile à mener pour défendre ces familles tellement discriminées, ce sont des moments comme ceux-là qui nous permettent de tenir.

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