Du travail au métier

Sculpture: La fuite en Egypte de M. Mattar, 1987 © M. Mattar / ATD Quart Monde / Centre Joseph Wresinski / AR0100101052

Éditorial de Joseph Wresinski publié dans la Revue Igloos, n°101-102, 4ème trimestre 1978, « Quart Monde et Travail »

Bâtir une société dont les hommes ne sont pas la finalité.

  • Faire travailler les pauvres à toutes tâches, quelles qu’elles soient, pourvu qu’ils soient utiles, a toujours été le projet des sociétés où l’homme passe après l’intérêt et l’efficacité.

Cette conception de l’homme travailleur coûte que coûte a justifié, au cours des âges, tous les esclavages, les aliénations et l’exploitation de l’homme par l’homme.

C’est à cause de celle-ci que le pain dépend du travail et que leur sueur et leur peine ont servi à bâtir une société dont les hommes ne sont pas la finalité.

C’est cette conception de l’homme travailleur, pourvu d’un emploi, qui a progressivement détruit la structure morale et spirituelle de nos sociétés modernes. (…)

« Être libre par le travail » fut l’idéal proposé par les sociétés libérales. En écho, les régimes totalitaires leur répondirent : « Seul le travail te sauvera ». Ainsi, la reconnaissance, le respect des hommes, de leur dignité, n’eurent guère de prise dans l’évolution actuelle.

Le travail  donne de la valeur

  • Travailler, oui, être utile, oui, apporter sa quote-part au progrès, non. Car, pour cela, il eut fallu être reconnu c’est-à-dire être un travailleur ayant une identité conférée par un métier appris, une liberté assurée par une profession et une compétence reconnues ; être écouté, non pas parce que vous travaillez, mais parce que votre travail vous donne de la valeur.

Il eut fallu n’être pas interchangeable, bouche-trou, utilisé, au gré de l’arbitraire et de la conjoncture ; mais quelqu’un qui, grâce à son métier, puisse être reconnu par ses propres enfants, être accepté dans son propre milieu, quelqu’un qui puisse lutter dans les syndicats, à égalité avec les autres travailleurs et qui soit défendu par eux.

Travail et dignité

Ce qui rend libre, ce n’est pas le travail mais c’est la dignité qu’il confère.

Si le monde sous-prolétaire est rejeté, c’est parce qu’il est la partie sans métier, sans profession de la classe ouvrière. Il doit nous engager à lutter pour que tout homme ait un métier, pour que tout jeune acquière une formation pour son temps.

Il n’est d’autre voie pour détruire la condition sous-prolétarienne.

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