Des dynamiques relationnelles façonnent l’expérience de la pauvreté

Le Mouvement International ATD Quart Monde, en collaboration avec l’Université d’Oxford, a conduit une recherche internationale participative intitulée “s’attaquer aux dimensions cachées de la pauvreté” dans six pays : Bangladesh, Bolivie, États-Unis, France, Royaume-Uni et Tanzanie. Durant trois ans, des personnes en situation de pauvreté, des professionnels et des universitaires ont travaillé ensemble pour affiner la compréhension de la pauvreté et ses aspects multidimensionnels, afin de contribuer à long terme à l’élaboration de politiques plus pertinentes qui visent l’éradication de la pauvreté. Neuf dimensions interdépendantes et communes à tous les pays ont été définies.

La pauvreté est façonnée par les relations quotidiennes entre les individus, les groupes sociaux et les institutions et par la manière dont les différents groupes de la société se perçoivent et se traitent mutuellement.
Ces dimensions sont nouvelles car elles ne figurent pas parmi les indicateurs multidimensionnels de pauvreté existants.

Maltraitance institutionnelle

La maltraitance institutionnelle consiste en l’incapacité des institutions nationales et internationales, de par leurs actions ou leur inaction, à répondre de manière appropriée et respectueuse aux besoins et à la réalité des personnes en situation de pauvreté, ce qui les conduit à les ignorer, à les humilier et à leur nuire.

Dans l’élaboration des politiques, les institutions ont tendance à refléter, amplifier et façonner les attitudes discriminatoires plutôt qu’à les remettre en question. De même, la conception et la mise en œuvre des politiques peuvent servir à exclure les personnes en situation de pauvreté, à ne pas satisfaire leurs besoins fondamentaux et à les stigmatiser. Souvent, ces personnes estiment que leurs rapports avec les institutions sont caractérisés par le jugement, la domination, l’obligation et le contrôle qui étouffent leurs voix, entraînent le déni de leurs droits et les laissent sans pouvoir.

  • «Le système d’aide sociale n’est pas conçu pour vous permettre d’en sortir. Il vous maintient constamment la tête sous l’eau. Il vous met dans cette situation et vous reproche d’y être. C’est parfois comme si vous deviez sortir de la pauvreté par effraction», explique un militant des États-Unis.

«Les responsables de notre village ont créé de nombreuses taxes qui nous affectent. Quoi que vous mettiez en vente au marché, c’est taxé, que vous l’ayez vendu ou pas… Ceci nous affecte tous sévèrement», raconte une personne en situation de pauvreté en Tanzanie.

Maltraitance sociale

La maltraitance sociale décrit la façon dont les personnes en situation de pauvreté sont perçues négativement et maltraitées par d’autres personnes et groupes informels. Les personnes vivant dans la pauvreté sont souvent ignorées ou exclues et cette maltraitance sociale est encore plus aiguë pour les personnes discriminées suivant leur handicap, leur sexe, leur orientation sexuelle ou appartenance ethnique.

  • “Être victime de préjugés, c’est être d’abord considéré comme pauvre, mais pas comme un être humain. Avoir l’étiquette de pauvre. Il y a une dualité : d’un côté, les personnes en situation de pauvreté sont invisibles, de l’autre, elles sont visibles parce qu’elles sont stigmatisées.” (Groupe de pairs d’universitaires, France)

« Aux États-Unis, qui vous êtes est défini par ce que vous possédez. Quand vous n’avez pas grand-chose, vous n’êtes pas grand-chose. Et alors, on considère que vous n’avez pas votre place dans la société.” (personne en situation de pauvreté, États-Unis)

Contributions non reconnues

  • Les connaissances et les compétences des personnes vivant dans la pauvreté sont rarement vues, reconnues ou valorisées. Individuellement et collectivement, ces personnes sont souvent présumées incompétentes, à tort.

Les personnes survivent grâce à leur ingéniosité, trouvant différentes façons de créer des biens ou des services au-delà de ce qui est attendu. Contre toute attente, elles remplissent de nombreux rôles importants, souvent en soutenant les autres et en apportant des contributions économiques et sociales significatives. Cependant, la société ignore ces contributions et les traite avec indifférence, au point que les personnes peuvent elles-mêmes sous-estimer leurs connaissances et leurs compétences.

  • “Les femmes jouent un rôle important dans les affaires domestiques et dans les durs travaux familiaux, y compris la culture des terres, l’alimentation des enfants et autres activités économiques de subsistance. Pourtant, leur rôle de productrices principales de la richesse du foyer n’est ni reconnu ni valorisé.” (Universitaire, Tanzanie)

“Nous avons de sérieuses compétences pour gagner de l’argent, nous savons tricoter, nous savons faire tant de choses, comme recycler, mais personne n’accorde de valeur à ces compétences. Personne ne dit vraiment: ‘ils font un effort.’ Tout cela est rendu invisible.” (Personne en situation de pauvreté, Bolivie)

Le rapport complet est disponible sur ce lien

Vous pouvez également suivre en livestream la conférence de présentation des recherches à l’OCDE en cliquant ici.

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