Un peu de compagnie | Isabelle Pypaert Perrin

« Le plus pauvre peut nous étonner si nous avons assez d’imagination pour lui donner la certitude qu’il peut apprendre au monde : enseigner aux hommes que plus que de pain, comptent l’honneur et la dignité. »  Joseph Wresinski

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Isabelle Pypaert Perrin

Par Isabelle Pypaert Perrin

« Il était toujours assis devant sa porte quand je passais pour aller travailler et, pour être franc, il me mettait plutôt mal à l’aise.

Tous les jours cet homme me saluait.

Et comme un rituel entre nous, qu’il fasse beau, qu’il pleuve ou qu’il vente, il faisait un commentaire sur le temps :
­ – Ah, aujourd’hui il va faire beau ! ou ­ – Il va encore pleuvoir !

Je l’oubliais vite, happé par le quotidien. A vrai dire, si je m’arrêtais, j’avais peur qu’il me demande quelque chose.

Mais un jour, alors que je m’attendais à un mot sur les flocons qui tardaient à venir, il m’a interpellé :
­ – Vous n’auriez pas un peu d’argent s’il vous plaît ?

C’est vrai qu’il avait l’air affamé. Gêné, je lui ai glissé un billet sans écouter ses remerciements. Je me suis senti dédouané pour quelques jours. Et puis je pourrais toujours changer d’itinéraire. Mais je ne l’ai pas fait, et un matin il m’a interpellé à nouveau : ­

– Vous avez une minute pour entrer ?

J’ai hésité, étonné… oui, après tout, pourquoi pas ? C’était la première fois qu’il me le proposait.

Je suis entré et j’ai vu : la chaise cassée, la toile cirée pleine de trous. Mais surtout j’ai entendu : juste au-dessus de l’évier, dans une cage, deux petits oiseaux chantaient. Il a dû lire la surprise sur mon visage.

Je voulais vous présenter mes oiseaux. Grâce à vous, enfin, je me suis offert un peu de compagnie.

Ce que j’ai compris ce jour-là m’a mis en route… »

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L’homme et ses oiseaux, une belle rencontre, les premiers pas d’un long chemin, racontés par Antoine, où, peu à peu, on apprend à se connaître, à partager, à se comprendre.
Alors, les préjugés dont nous sommes tous pétris peuvent s’effacer et nous pouvons aller au-delà de nos peurs. Nous pouvons voir dans l’homme qui nous interpelle ­ – ou pas – ­ notre égal, assoiffé de rencontres, de rêves et de beauté.

Le Mouvement ATD Quart Monde est un espace où se vivent de telles rencontres. Elles sont précieuses pour tous et plus encore pour ceux qui vivent en permanence en butte au mépris et à la méfiance.

Merci de nous aider, par votre soutien, à offrir cet espace dans la durée.

Puissent ces temps de fête donner à chacun de nous la chance de vivre de nouvelles rencontres.

Peinture : © Guillermo Diaz – Guatemala