Camille, alliée, engagée dans une bibliothèque de rue

Le périphérique, la voie ferrée. Et puis un morceau de route pavée et une bonne quinzaine de caravanes tout au bout.

Il fait bon cet après-midi. On entend les cris et les rires des enfants : ils jouent autour du terrain, avec un caddy de supermarché ou sur une balançoire qu’ils se sont faite. D’autres construisent une cabane avec des planches et des grands discutent en groupe un peu plus loin.

C’est mercredi. Camille, avec d’autres alliés, arrive sur le terrain, des livres sous le bras. « Les livres ! Les livres ! », les enfants accourent. « Salut Camille ». « Salut les enfants ».
Chaque semaine, une rencontre se crée autour du livre : une histoire drôle ou mystérieuse, des illustrations qui font rêver. Et des liens se sont tissés au fil des mois.

Créer une rencontre au fil des pages

Une couverture par terre et une caisse de livres : c’est la bibliothèque de rue. Depuis plusieurs années, des alliés se sont passés le relais, avec des personnalités différentes et le souci commun de créer cette rencontre au fil des pages, au fil des semaines. Camille sait bien que beaucoup d’enfants du terrain sont en échec à l’école et elle essaie que chacun trouve sa place sur la couverture : petit ou grand, lecteur ou non lecteur … « Je ne suis pas là pour leur apprendre à lire, mais pour les aider à ne pas avoir peur du livre : qu’il ne représente pas seulement les difficultés scolaires mais qu’il soit aussi une curiosité, un plaisir. »

Et à voir l’effervescence autour des albums, ça semble bien marcher ! La bibliothèque de rue comme une porte ouverte à la culture, au plaisir d’entendre une histoire et de la raconter à son tour, à son rythme. Camille s’applique à prendre des livres pour tous : des cartonnés pour les tout petits aux BD pour les plus grands, en passant par des contes de princesses et des images de foot, des histoires de câlins ou des histoires qui font peur …

Camille essaie de toucher le plus de familles possible et elle veille à ce qu’aucun enfant ne soit exclu de ce moment de lecture. La seule règle de la bibliothèque de rue, c’est la paix sur la couverture étendue à terre, où les animateurs lisent avec les enfants. Ceux-ci vont et viennent comme ils veulent, mais un enfant ne doit pas empêcher un autre de lire ou d’écouter une histoire. « On fait parfois un jeu ou un dessin tous ensemble pour regrouper tout le monde et mieux comprendre les tensions qu’il peut y avoir entre les familles. Et … on découvre parfois une entraide étonnante entre enfants qu’on n’imaginait pas copains. »

Rencontrer les familles pauvres dans leur quotidien

Chaque allié est différent et l’équipe se complète : « Eric joue un moment au ballon avec les ados et je discute de cuisine avec les mamans … » C’est ça aussi la bibliothèque de rue : rencontrer les familles démunies dans leur quotidien : colère contre un terrain dégoûtant, soucis de l’école et de l’avenir des enfants ; mais aussi joie d’une visite inattendue ou rêves de vacances.

Refuser la misère avec ATD Quart Monde par cette bibliothèque de rue, c’est s’impliquer dans cette relation de confiance où l’on devient important les uns pour les autres : « Les enfants comptent sur nous chaque semaine et eux aussi, ils nous apportent beaucoup ».

Notre engagement, c’est donc à la fois défendre l’accès de tous à la culture et au beau, à l’imagination en apportant la magie du livre et c’est aussi recevoir de l’autre. On croit en lui et en sa richesse humaine, quels que soient ses soucis quotidiens et la misère qui l’entoure. Ainsi, après une tournée de bisous, Camille me disait, sur le chemin du retour : « Je les adore ces gosses, ils me donnent des forces pour toute la semaine ».