Bâtir le pays par le partage des savoirs

Pour les commentateurs extérieurs, la crise en République centrafricaine est sécuritaire, alimentaire, humanitaire, minière, scolaire, frontalière… Face aux analyses décourageantes, l’engagement des membres d’ATD Quart Monde contribue pourtant à bâtir un nouveau pays.

Quand les jeunes désarment les esprits

Depuis le coup d’État, des armes circulent et rendent la vie risquée dans certains quartiers de Bangui. C’est là que des actions culturelles du Mouvement ATD Quart Monde sont assurées par des jeunes bénévoles.

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Depuis plusieurs mois, la situation du pays a laissé des élèves sans classes, des maîtres sans salaire, et des parents sans réponses. Les bibliothèques de rue et les groupes Tapori (branche enfance d’ATD Quart Monde) ont été parmi les rares réponses de partage des savoirs, grâce à la persévérance d’une trentaine de jeunes animateurs bénévoles

Herbert, membre d’ATD Quart Monde et engagé dans des comités de jeunes à Bangui, témoigne : « On n’imagine pas les efforts que des jeunes fournissent pour survivre. Certains partent boucher les trous dans les rues et tendent la main aux passants pour avoir des pièces en récompense de leurs efforts. On n’imagine pas leur pensée pour leur famille et comment ils peuvent imaginer leur avenir. Nos parents, face à un « kotazo » (dignitaire), n’ont pas de valeur devant la justice. Sans lire ni écrire, impossible d’obtenir nos actes de naissance à la mairie, d’être pris en charge pour le VIH ou la tuberculose, de raconter le mal qui nous étouffe dans le quartier. Avec tout ça, on perd nos valeurs et nos dignités.  »
Flore, animatrice de la « bibliothèque de marché » dans son quartier, évoque la réalité rurale : «  Aujourd’hui, on est encore plus victimes des difficultés. C’est trop dangereux d’aller aux champs. Tout est bloqué, détruit par les bandes armées. À cause des violences envers les femmes, toutes restent à la maison. Que devenons-nous ? »
M. Parfait, militant : «  Nous sommes dans un état de menace, mais on ne va pas rester comme ça, à voir nos enfants perdre leur intelligence et aller dans des directions qui ne marchent pas. » Plus que jamais, il encourage les jeunes animateurs « à aller dans les quartiers pour réveiller les enfants dans leurs savoirs et les réveiller dans le respect. »
Sur ce long trajet, un petit espace où trouver une grande liberté : la Cour [1]. Un jeune confie : « Cette cour est une source pour les bâtisseurs de paix.  » Venus de différents quartiers ou villages, des jeunes s’y rencontrent, lisent les messages envoyés du monde entier par des amis d’ATD Quart Monde. Ils y préparent les animations qu’ils mènent avec les enfants de leurs communautés.
Chaque jeudi, Grâce, Cédric, Georges et d’autres viennent à la Cour chercher livres, matériel de dessin et jeux avec lesquels ils retournent à la rencontre des enfants de l’île où ils vivent. « On ne peut pas laisser les enfants s’habituer aux tirs comme si c’était une sonnerie de téléphone et prendre les armes pour des jeux. On leur dit : vous êtes des enfants de paix. Et là, ils reviennent à eux. » Flore ajoute : « Moi, je n’ai pas la force de parler aux « plus hauts ». Mais je regroupe les enfants pour faire l’amitié, et qu’ils ne deviennent pas des rebelles armés dans leur pensée.  »
Ils placent ainsi « l’avenir au cœur de l’urgence ».

Michel Besse et l’équipe des volontaires permanents de Bangui

Pour envoyer un message de soutien aux personnes qui s’engagent en République centrafricaine avec ATD Quart Monde et la Voix du Coeur : bangui @ www.atd-quartmonde.org

[1] Créée en 1988, la Cour est le lieu d’identité du Mouvement ATD Quart Monde à Bangui.