17 Octobre : Journée internationale pour l’élimination de la Pauvreté

La Journée internationale pour l’élimination de la Pauvreté, commémorée le 17 octobre de chaque année, est l’histoire d’un homme, d’un Mouvement et d’un combat. Le Père Joseph Wresinski est cet homme-là.

Il y a de cela exactement un quart de siècle, le 17 octobre 1987, le Père Joseph Wresinski, fondateur du Mouvement ATD Quart Monde, réunissait sur le parvis des Droits de l’Homme et du Citoyen, au Trocadéro, à Paris, plus de 100,000 personnes et procédait au dévoilement d’une dalle sur laquelle était gravé, en hommage aux victimes de la faim, de l’ignorance et de la violence, son appel – qui sert depuis de boussole à tous ceux engagés dans le combat pour le Refus de la Misère : LÀ OÙ DES HOMMES SONT CONDAMNÉS À VIVRE DANS LA MISÈRE, LES DROITS DE L’HOMME SONT VIOLÉS. S’UNIR POUR LES FAIRE RESPECTER EST UN DEVOIR SACRÉ.C’est à partir de ce moment que le combat contre la pauvreté commença graduellement à être considéré et traité comme une violation des droits de l’Homme. Aujourd’hui, les Nations unies reconnaissent le bien-fondé de l’appel du Père Wresinski et réclament des États membres le respect des droits de l’Homme en ayant des programmes spécialement conçus pour – et par – les pauvres afin de résoudre les problèmes liés à la grande pauvreté. Il est important de rappeler que le premier Objectif de Développement du Millénaire vise à réduire de moitié la grande pauvreté dans le monde en 2015. A trois ans de cette échéance, ils sont nombreux les pays, en particulier ceux du continent africain, qui ont encore un très long chemin à parcourir pour atteindre cet objectif. On commence déjà à réfléchir sur l’après 2015 et les efforts soutenus qui seront nécessaires pour mettre un terme à cette violation flagrante des droits de l’Homme qu’est la misère.

Il y a 20 ans, en 1992, à l’initiative du Mouvement ATD Quart Monde, une pétition à laquelle nous fûmes associés, fut présentée à l’Assemblée générale des Nations unies qui, par sa résolution 47/190, devait, sous l’impulsion de son secrétaire général d’alors, Perez de Cuellar, décréter le 17 octobre Journée internationale pour l’élimination de la Pauvreté.

Le 17 octobre 2008 vit la création du Comité International 17-Octobre dont j’eus l’honneur d’être le Président jusqu’en mai de cette année. Ses principaux objectifs sont comme suit :

  • « promouvoir la Journée mondiale du refus de la misère partout dans le monde et encourager une plus grande participation des populations des États pour œuvrer pour la création d’un monde sans misère ».
  • « pourvoir des espaces de rencontres où des personnes de tous les milieux puissent se retrouver pour lutter contre la misère ».
  • « veiller à ce que l’esprit et le sens originel de la journée du 17 octobre soient respectés ». – Et « publier chaque année, à la date du 17 octobre, un message destiné à tous les États du monde sur un thème lié à la pauvreté ».

Cette année, le thème retenu pour la Journée du 17 octobre, qui est aussi une journée de réflexion, est «  Mettre fin à la violence de la misère : s’appuyer sur les capacités de tous pour bâtir la paix. » L’article 3 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme stipule que « tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne ». Or, nous savons tous que les personnes vivant dans l’extrême pauvreté sont confrontées à plusieurs formes de violence dans la vie de tous les jours. La violence du mépris et de l’indifférence, disait le Père Wresinski, crée la misère, car elle conduit inexorablement à l’exclusion, au rejet d’un homme par les autres hommes.

Durant les trois dernières années, de 2009 à 2011, le Mouvement International ATD Quart Monde a entrepris des travaux de recherche sur les relations qui existent entre la misère, la violence et la paix. La majorité des participants à cette étude venant de 25 pays dans le monde vivent dans des conditions d’extrême pauvreté. Ils ont livré leurs réflexions et leurs expériences de vie qui ont été réunies dans un document en trois langues, l’anglais, l’espagnol et le français, intitulé LA MISÈRE EST VIOLENCE, ROMPRE LE SILENCE, CHERCHER LA PAIX, que je me permets de recommander à nos décideurs politiques.

Les résultats de ces travaux de recherche révèlent la violence persistante à laquelle sont soumises les personnes en situation d’extrême pauvreté. Si l’on veut bâtir la paix dans une société il faut absolument rompre le silence sur la violence de la misère. Trop souvent la misère est décrite uniquement en termes de manque de nourriture, de revenus, de logement ou de savoir. Les privations matérielles enferment les personnes dans la survie : « On travaille le matin pour manger le soir », racontait cette participante lors du séminaire international organisé l’année dernière à Grand-Baie, dans le contexte de ces travaux de recherche. Nos vies sont faites de violences, nous disent les très pauvres. L’insécurité peut provoquer l’éclatement de la famille ; les humiliations subies, l’exclusion et le mépris vont jusqu’à la non-reconnaissance des personnes comme êtres humains. Cette même participante nous parle de ses enfants en des termes qui ne peuvent nous laisser indifférents : « Il ne faut pas que nos enfants dorment sans avoir mangé. Parfois je n’ai pas 2,50 roupies pour acheter un pain pour mes enfants et dans la nuit l’enfant pleure parce qu’il souffre, il a mal ; mais je leur dis qu’il n’y en a pas et qu’il faut dormir. La misère n’empêche pas les enfants de vivre mais ils n’arrivent pas à avoir tout leur nécessaire, ce dont ils ont vraiment besoin, parce que parfois ils ont le pain, il n’y a rien à mettre dedans. Quand il y a le riz, il n’y a pas de vêtements ou de chaussures. Il manque toujours de quelque chose. Quand l’enfant regarde ses amis et voit ce que l’autre a, cela fait quelque chose dans son cœur. Parfois, quand mon enfant n’a rien et va demander aux autres il est maltraité, ça me fait du mal. Quand les voisins maltraitent, insultent mes enfants, parce que je suis pauvre, je ne peux pas parler, je reste chez moi en silence et je pleure…. La misère fait beaucoup pleurer les mamans. » Donnons aux familles vivant dans la pauvreté les moyens de nourrir leurs enfants. A l’école offrons-leur un repas chaud.

Le Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU à Genève vient d’adopter les Principes Directeurs sur l’extrême pauvreté et les droits de l’Homme. Cela représente une avancée importante, car le texte clarifie les actions à entreprendre afin d’assurer les droits des personnes vivant dans l’extrême pauvreté.

Nous espérons que Maurice saura s’en inspirer pour mettre fin à la violence que représente la misère au sein de notre société.

CASSAM UTEEM – GCSK