Une rencontre avec des vrais experts de la pauvreté

Moraene, James, et Amanda (militants ATD Quart Monde). La photo projetée montre une personne qui a contribué à la campagne Community Chalk Board, dans le cadre du projet « The Roles We Play ». Les personnes participaient en montrant une photo d’elles accompagnée de leur réponse à la question : « Que signifie la pauvreté pour vous et quel rôle jouez-vous dans votre communauté? »

Depuis plusieurs années désormais, des membres d’ATD Quart Monde Royaume Uni agissent comme « experts de la pauvreté », en accompagnant des personnes qui ont fait l’expérience de la pauvreté pour des présentations, par exemple devant le conseil municipal de Belfast, à un colloque sur la réforme de la sécurité sociale organisé par le Conseil de Bradford et l’Université de Liverpool ou encore dans le cadre du module « Sociologie de la famille » de l’Université de Sheffield.

À la fin du mois de septembre cette année, le Lycée Français Charles de Gaulle à Londres a organisé une série de conférences sur le travail humanitaire contemporain. ATD Quart Monde, qui travaille avec cette école depuis plusieurs années, a été invité à donner une présentation d’une heure devant plus d’une centaine d’adolescents. Cinq militants d’ATD Quart Monde ont mené cette conférence.

La présentation a commencé quand les conférenciers d’ATD Quart Monde ont demandé aux élèves ce que la pauvreté signifiait pour eux. Cette question a été suivie d’un moment de réflexion collective et par un bref débat. Ensuite, chaque membre d’ATD Quart Monde a expliqué, avec des exemples concrets, ce qu’avait impliqué la pauvreté pour lui et ce que c’est que d’être pauvre, au Royaume Uni, de nos jours. Tant les professeurs que les élèves ont déclaré que cette expérience était une « vraie prise de conscience ».

Une professeure du Lycée Français présente les conférenciers d’ATD Quart Monde

Certains élèves ont remarqué qu’ils considéraient la pauvreté comme :

  • « Un manque de chance, qui empêche d’être aussi libre que les autres ».
  • « Être traité différemment, ne pas avoir voix au chapitre, être oublié ».
  • « Ne pas être en mesure d’avoir ce qu’il y a de plus basique pour vivre ».
  • « Être jugé et critiqué ».

Ce fut une opportunité rare pour les personnes de se rencontrer et de se comprendre les unes les autres, malgré des origines bien différentes, au sein d’une même ville. L’une des enseignantes, Isabella Martial, a fait le commentaire suivant : « La dignité des conférenciers a bien montré que, malgré toutes les difficultés que les gens peuvent rencontrer à un certain moment de leur existence, ils sont des êtres humains qui doivent être considérés et traités comme tels ».

Quand on leur a demandé ce qu’ils avaient ressenti et appris, les élèves ont répondu :

  • « A ne pas juger un livre par sa couverture, à ne pas juger les gens sur leur apparence ».

  • « Je dois m’impliquer dans la communauté ».

  • « Même si on est pauvre, on est toujours une personne ».

  • « Les gens en situation de pauvreté ont un rôle important à jouer dans leurs propres vies et dans la communauté ».

  • « J’ai appris que la pauvreté, ce n’était pas qu’une affaire d’argent mais aussi de dignité ».

  • « Il y a des discriminations contre les plus pauvres ».

 

L’exposition « les rôles que nous jouons : reconnaître la contribution des personnes en pauvreté » a aussi été présentée dans le réfectoire de l’école pendant les mois d’octobre et de novembre, pour célébrer la Journée mondiale du refus de la misère.

Amanda Button comptait parmi ces « experts de la pauvreté » d’ATD Quart Monde. Cette militante, qui a participé à la recherche menée par ATD Quart Monde pour l’UNESCO de 2009 à 2012, a expliqué que :

« Rencontrer des enfants et avoir ces conversations en face-à-face a été une vraie chance de vraiment faire passer un message aux élèves. C’était très important pour moi parce que les élèves de cette école viennent souvent de familles très privilégiées. Beaucoup vont devenir des personnes importantes, avec des postes à responsabilité. Alors j’étais personnellement intéressée de découvrir si ces élèves avaient la moindre expérience ou la moindre idée de la pauvreté.

J’ai fait un exposé sur l’importance pour les personnes qui vivent dans la pauvreté d’avoir le contrôle de leur propre image. C’est lié au travail qu’on a fait pour le projet appelé « les rôles que nous jouons : reconnaître la contribution des personnes en pauvreté ». J’ai aussi parlé de la manière dont je m’étais développée et dont j’avais progressé depuis que j’ai rencontré ATD Quart Monde. Je vivais dans la pauvreté mais maintenant, je suis plus forte et je me sens bien dans ma peau. On a parlé des préjugés et de la manière dont les personnes pauvres se sentent discriminées. En organisant cet événement, nous avons montré aux élèves comment ne pas juger les gens et comment les plus pauvres ont la capacité de faire des choses importantes.

Dans l’ensemble, le contexte avec les élèves et les enseignants a été très positif : tout le monde était intéressé et écoutait. Deux ou trois élèves sont même venus nous voir à la fin. Ils nous ont remercié et ils ont demandé s’ils pouvaient devenir bénévoles pour ATD Quart Monde. La rencontre a été un succès et elle a montré que le projet d’ « experts de la pauvreté » est viable et qu’il a un vrai impact positif ».