Des quartiers qui bougent à l’Île de la Réunion

En 2016, ATD Quart Monde et des associations partenaires ont renforcé leur présence dans plusieurs quartiers de l’Île. Aujourd’hui, Pierrefonds, un quartier de la ville de Saint Pierre, et Grande Ravine, un quartier de Trois Bassins, sont des pépinières d’activités culturelles où les talents des uns et des autres s’exercent. « Vous nous avez réconcilié avec ces quartiers-là, reconnaît un employé de mairie, comment avez-vous fait ? »

Sur la commune des Trois Bassins

Les « Réparali Kafé » organisés par l’association EKOPRATIK sont des rendez-vous entre des propriétaires d’objets cassés ou défectueux et des réparateurs bénévoles. ATD Quart Monde leur a proposé à rejoindre des familles isolées du quartier de Grande Ravine et de bâtir avec elles des actions de partage des savoirs.

 

« Il y a eu plusieurs mois de dialogue, de présence et de proximité avec les familles de Grande Ravine, avant que des femmes du quartier n’osent proposer d’animer des ateliers, explique Marie-Bernadette Diop, volontaire permanente d’ATD Quart Monde. L’association Ekopratik venait tous les 15 jours dans le quartier. Les animateurs n’ont pas dit aux gens : «Avez-vous des choses à réparer ? » mais plutôt « on va réparer ensemble». Ça a permis à des gens dans le quartier de se mettre ensemble, pour la 1ère fois, autour de choses qui peuvent les unir. De là, est né l’atelier de couture avec le soutien d’une bénévole d’Ekopratik. Cela a mobilisé les mamans, une jeune s’est proposée pour l’activité avec les enfants, soutenue par une autre maman du quartier.»

 

Reparali Kafé à Grande Ravine

L’utilisation de l’informatique pour les démarches administratives était une autre pierre d’achoppement pour la mairie de Trois Bassins. Celle-ci a cherché à initier toute personne désireuse de se former aux nouvelles technologies, en les invitant au cyber-base. Mais la distance entre le littoral et la mairie était un obstacle à la participation des habitants de Grande Ravine. En effet, ils doivent parcourir 10 km de route sinueuse pour se rendre dans leur mairie située sur les « Hauts ». Grâce à la dynamique enclenchée dans le quartier avec les ateliers, un partenariat a été créé avec le cyber-base pour démarrer un atelier informatique dans la maison de quartier d’abord, puis dans les locaux d’ATD Quart Monde. Les familles se sont mobilisées pour fabriquer des invitations et les distribuer dans les boîtes aux lettres afin d’informer les gens du quartier.

A Saint-Pierre au sud de l’Ile

Dans le quartier de Pierrefonds, ATD Quart Monde a repris des activités de partage du savoir et une bibliothèque de rue à la maison de quartier, après quelques années sans action mais où les liens perduraient avec les habitants. Des adultes, surtout des jeunes mamans, se retrouvent tous les mercredis après-midi pour des ateliers créatifs (broderie, décoration…). Le temps est donné pour que chacune aille jusqu’au bout de sa création. On découvre la valeur de l’autre. C’est un moment très convivial où les unes et les autres s’encouragent et se soucient des absentes. «  Une telle n’est pas venue, qui l’a vue ? » Des habitants d’autres quartiers sont venus apprendre dans le but de créer chez eux la même dynamique. Une autre association ADELI a rejoint ATD Quart monde pour proposer des activités de tressage avec des feuilles de coco.

A Joli Fond, deux bibliothèques de rue ont lieu le mercredi et le vendredi après-midi. Des groupes de danse sont nés de cette bibliothèque, et se joignent régulièrement aux événements organisés avec la ville. La journée internationale des Droits de l’enfant a été l’occasion d’une réflexion des enfants de Joli Fond et d’une fête qui a réuni parents et enfants.

Une journée familiale sous le signe de la participation des plus pauvres au dialogue social

Ces partenariats se sont poursuivis durant la journée familiale du 22 mai. Depuis janvier, la question de la violence intrafamiliale était sur toutes les lèvres, à cause de faits dramatiques dans l’actualité. Les familles ont voulu aborder cette question de société durant une université populaire à l’occasion de la journée familiale. Le thème de «  la place de la violence dans notre vie » a donc été retenu. Trois travailleurs sociaux ont été invités, Karl VEFOUR, Michel BAULAIGUE et Dominique RAMAYE, pour débattre avec une salle pleine.

C’était un nouvel angle d’écoute pour les travailleurs sociaux, qui, immergés dans les groupes, ont découvert autrement les personnes. Ils ont fait des liens entre ce qu’ils avaient entendu et ce qu’ils connaissaient dans leur travail. Une maman a partagé que lorsqu’elle était convoquée par l’assistante sociale pour parler de ses enfants, elle ne se sentait pas écoutée et l’assistance sociale la voyait comme une femme à problème. Une occasion de réfléchir ensemble sur les étapes et les conditions à respecter prendre en compte les familles.

Yassine, un éducateur à l’IRTS et allié du Mouvement ATD Quart Monde, animait avec Lucette, militante quart monde. Il a expliqué ensuite:

  • « Dans l’ensemble, nous qui sommes ici tous des éducateurs spécialisés de formation, nous sommes très impressionnés par la qualité et la profondeur des propos que nous avons entendus dans nos ateliers. En effet, ce que les familles rapportent au travers de leurs témoignages de ce qu’elles vivent dans leur quotidien est très fort. Par ailleurs nous ne trouvons pas dans leurs discours du ressentiment à l’égard des travailleurs sociaux mais de l’amertume et une sorte d’incompréhension entre deux mondes qui se côtoient et qui ne se connaissent pas, chacun restant sur ses a priori. Le regard de la société sur ces familles est très stigmatisant, empli de déterminismes sociaux (tu es un enfant d’une famille pauvre donc tu seras pauvre, tu vis dans un quartier qui n’a pas bonne réputation en raison des familles qui y vivent). Nous entendons dire très souvent notamment de la part des travailleurs sociaux que les familles ne parlent pas, n’ont rien à dire. Nous avons bien vu et entendu des familles qui ont des choses à dire. Quand on leur crée un espace qui est organisé, suffisamment « sécurisant », la parole se libère et ce que disent les familles est criant de vérité. Nous avons perçu chez ces familles une volonté de rendre l’avenir meilleur pour leurs enfants. C’est une grande leçon d’humilité que nous retenons de cette journée. »

L’après-midi a été réservé aux différents ateliers : tressage feuille de coco, fabrication d’attrape-rêve, de dessins, création de cadeaux de fête des mères pour les enfants et les adultes et concert d’un groupe de rap du quartier Caserne. La mairie de Trois Bassins a été représentée par une délégation de 3 personnes avec à sa tête M. GONFO, responsable de la vie associative et de la politique de la Mairie de Trois Bassins.

Photo :  « Reparali Kafé  » avec EKOPRATIK à Grande Ravine