Les vrais enjeux du changement climatique

par Jean Toussaint

Récemment, on me rapportait la remarque d’un jeune homme qui découvrait qu’ATD Quart Monde, qui est connu pour lutter contre la pauvreté, prenait des positions sur le changement climatique. Ce jeune homme, moderne et sympathique, était choqué et nous disait : « Mais attention, le changement climatique, c’est du sérieux, vous ne pouvez pas le récupérer comme cela. »

Cette réflexion m’a choqué ! Si les enjeux du changement climatique sont si sérieux, ce n’est pas parce que la planète est en danger. La planète n’est pas en danger, c’est l’humanité qui est en danger, avec sans doute aussi quelques autres mammifères. Si les enjeux liés au changement climatique sont sérieux, c’est pour que l’humanité puisse survivre, pour que les hommes ne soient pas réduits à vivre dans l’eau, dans les inondations permanentes et les maladies qui vont avec ; c’est pour que les hommes ne soient pas chassés de leur habitat, sans cesse déracinés et mis sur les routes, fuyant les catastrophes et la vie impossible ; c’est pour que les hommes ne soient pas condamnés à vivre sur des terrains pollués et des décharges à ciel ouvert ; c’est pour que l’humanité ne souffre pas de famines et d’insécurité alimentaire ; c’est pour que les plus nantis et chanceux n’aient pas à s’enfermer dans des forteresses et derrière des barbelés pour se protéger de tous ceux qui seront à leur porte, chassés par la sécheresse, les inondations, les maladies…

C’est donc très sérieux ! Mais toute une partie de l’humanité souffre déjà de tout cela, dans l’inconscience ou l’indifférence de tous. Si ces catastrophes que l’on veut éviter sont si sérieuses, pourquoi ne veut-on pas les éviter pour ceux qui les vivent déjà ? Où est le sérieux et le « pas sérieux » ? Est-il sérieux de ne pas considérer une partie de l’humanité pour pouvoir sérieusement et efficacement en sauver une autre partie ?

Tout le monde dit que la lutte contre la pauvreté va de pair avec la lutte contre le dérèglement climatique. Mais que met-on derrière cette affirmation généreuse ? Tant que nous n’aurons pas attaqué le mépris et l’inhumanité avec lequel nos sociétés sont capables de traiter les pauvres, alors non seulement le changement climatique, mais aussi toutes les mesures qui seront prises par des personnes très sérieuses pour s’adapter face à ce changement, risquent bien d’être le plus grand danger pour les plus pauvres dans toutes les années qui viennent.

Le monde est face à de nombreux défis, mais pour les affronter sérieusement, il faut le faire avec les personnes les plus défavorisées.

Photo ATD Quart Monde – Famille luttant contre les inondations dans le quartier de Guinaw Rails, Dakar, Sénégal.