La rencontre avec le Président Macron racontée par les militants Quart Monde

Les militants et militantes Quart Monde qui ont participé au déjeuner le 10 septembre dernier avec le président français E. Macron, reviennent ici sur les échanges qu’ils ont eus avec lui.

A trois jours de l’annonce du Plan pauvreté, le président Emmanuel Macron s’est rendu dans les locaux d’ATD Quart Monde à Noisy-le-Grand (France). Durant cinq heures, il a rencontré des membres du Mouvement, notamment des personnes en situation de pauvreté, et des familles accueillies dans le Centre de promotion familiale, ainsi que des salariés de Travailler et Apprendre Ensemble (TAE), l’entreprise solidaire d’ATD Quart Monde.

Comme à chaque nouveau mandat, ATD Quart Monde avait demandé une entrevue avec le chef de l’État. Les militant(e)s s’étaient préparé(e)s et s’y sont rendu(e)s sans naïveté, avec l’idée de faire entendre leur voix, qu’elle porte et fasse bouger les lignes.

  • « Ce qui importe, c’est que le président reparte convaincu, après cette visite, que les personnes vivant dans la pauvreté ont une intelligence et une expérience dont nous ne pouvons pas nous passer pour lutter efficacement contre la pauvreté »

a souligné Claire Hédon, présidente d’ATD Quart Monde France, à l’issue de la visite.

« Pouvoir vivre décemment »

Sylvie, 49 ans

« On a pu dire des choses qu’on avait à dire, qu’on voulait que le président entende. Il était très à l’écoute. Il a pris du temps pour chaque personne. J’imaginais pas. C’était une rencontre vraiment importante.

Il m’a posé des questions sur mon parcours de vie. A un moment donné, je me suis sentie à l’aise. Ce qui m’a aidée peut-être, c’est participer aux Universités Populaires où on parle ouvertement sur un thème.

Ce que j’espère après cette rencontre ? Peut-être déjà de l’amélioration au niveau financier, que les gens qui triment puissent vivre décemment, sans se serrer la ceinture. »

«Choisir son futur métier »

Christopher, 25 ans

« C’était stressant. Le président m’a posé des questions sur ce que je voulais faire. Je lui ai dit qu’on m’avait mis en horticulture mais que c’était pas mon choix. Il m’a demandé qu’est-ce que c’était mon choix. J’ai répondu : dans la vente. Il m’a demandé pourquoi. J’ai expliqué que c’était depuis que j’avais fait un stage de vente dans le magasin Loisir et Création. Il y avait parmi les clients des artistes peintres, d’autres pour leurs enfants… Ça m’a bien plu. Là, je fais un service civique à Noisy-le-Grand et ça me prépare.

  • Qu’est-ce que j’attends de cette rencontre ? J’espère qu’il y aura plus de postes de travail, que les gens pourront avoir le choix de leur futur métier.

Peut-être que ça va changer. Mais je ne sais pas, je ne m’intéresse pas du tout à la politique. Je sais que c’était important de participer pour parler de l’école, de la formation, pour que moi et d’autres on puisse faire le métier qu’on veut.

Je n’avais pas d’idée sur Emmanuel Macron. J’ai quand-même été surpris. Je l’ai trouvé sympa. A la fin, j’étais pas du tout intimidé. »

« Pouvoir se consacrer à chercher du travail »

Marie-Thérèse, 58 ans

« C’est pas tous les jours qu’on rencontre le président. Après, je ne suis pas sûre que ça va changer les choses. Le plan (de lutte contre la pauvreté) est bouclé. Mais le président a pris le temps de rester avec nous, en respectant les personnes qui s’exprimaient. Alors peut-être qu’il y aura des avancées dans sa façon de voir les choses. J’ai bon espoir.
Il ne nous a pas snobés, il aurait pu écouter puis s’en aller. Il ne mangeait pas pendant qu’on parlait. J’ai apprécié aussi sa manière de saluer les gens en arrivant et en repartant, avec un petit mot à chacun. Le positif, c’est que l’entrevue a été longue.
J’ai trouvé l’échange intéressant. Il m’a posé des questions. J’ai six enfants, deux qui travaillent, les autres sont au RSA (revenu de solidarité active) comme moi. J’ai répondu, sans perdre de vue que je suis militante et que je représente aussi tous les autres.

L’essentiel a porté sur l’augmentation des minima sociaux. Il a demandé combien on espérait avoir. En fait le but, c’est qu’on ne soit plus dépendant et obligé d’aller dans les institutions caritatives. Si on avait un peu plus, on pourrait mieux se consacrer à chercher du travail, on serait pas obligé de se triturer l’esprit toute la journée pour savoir comment payer les charges.

Il a parlé de personnes qui préfèrent rester au RSA. Mais c’est toujours bien plus valorisant de travailler et de gagner son argent. Peut-être que certains sont heureux d’aller au Secours catholique ou au Secours populaire. Pas moi.

Il a parlé de personnes à l’AAH (allocation pour adultes handicapés) qui n’avaient pas le choix et celles au RSA qui l’avaient. Je suis désolée mais des personnes n’ont pas d’autre choix que d’être au RSA.

Le président a dit qu’il avait été touché. On espère que ce n’est pas de la communication, qu’il va reprendre des choses de ce que l’on a dit. »

« Intégrer les pauvres dans la politique »

Gwendal, 41 ans

« Il faut rencontrer le président. Sinon, il n’entendrait pas la parole des plus pauvres. Aucun président n’a connu la grande pauvreté. Ou alors peut-être par des camarades à l’école et encore. Là, il est venu en personne, sans ministre. Je regrette tout de même que ça ait lieu si tard, trois jours avant la Stratégie pauvreté. Je l’ai senti intéressé, même touché à certains moments. Même si je sais que nos politiciens jouent beaucoup de comédies.

Il a pris des notes, posé beaucoup de questions. Je lui ai expliqué que je vivais avec l’ASS (allocation spécifique de solidarité, moins de 500 euros par mois) et que même si j’avais été reconnu handicapé, j’avais pas rempli la feuille pour toucher la rente. Il m’a demandé pourquoi. Je lui ai répondu : parce que que je veux travailler. J’en ai profité pour rebondir et dire qu’on n’avait pas choisi d’être au RSA. Je parlais en mon nom et aussi celui des militants d’ATD Quart Monde.

  • Je crois que je n’attends pas grand-chose. Juste que le président prenne conscience qu’il y a de l’humain. Après, on sait qu’il a des impératifs. Il faut que la politique soit plus humaine, que l’on voit les personnes comme des personnes et non pas comme des chiffres ou comme des pauvres.

Ce que j’aimerais, c’est qu’il intègre des pauvres dans sa politique, qu’il y ait des co-formations avec les ministres, avec les députés, que le croisement des savoirs entre à l’Élysée.

« Ne plus décider pour nous à l’école »

Ludivine, 25 ans

« Je ne m’attendais pas être écoutée comme ça. On se base sur ce que les médias représentent. Je pensais que le président serait plus hautain. Il avait une montre, un téléphone. Pas une fois il a regardé l’heure pour dire ‘il faut y aller’ ».

On a parlé du placement des enfants – je suis moi-même maman de trois enfants et mes deux grandes filles sont placées. On a parlé aussi école, formation, questions financières. Je crois que ce qui l’a le plus touché, c’est l’école et la formation.

Quels résultats j’attends ? Qu’il fasse des réformes sur l’école, qu’on arrête de nous mettre là où il y a des places et de décider pour nous, et qu’il y ait moins d’orientations dans les classes de collèges pour élèves en grandes difficultés.
J’attends aussi une réforme du RSA, qu’il augmente un peu. On a vu que ça avait touché le président qu’on s’en sorte pas avec le RSA.

En fait, pour répondre sur les résultats de cette rencontre, j’attends la fin de son mandat. ».