Des jeunes amis des sans amis – une rencontre en Tanzanie

« Apprendre et s’engager ensemble pour mieux être amis des sans amis »

C’est dans cet objectif que du 20 au 25 mars 2016, 30 jeunes du Kenya, de Tanzanie, d’Ethiopie et de République Démocratique du Congo, engagés dans des associations amies d’ATD Quart Monde, se sont réunis à Dar es Salaam en Tanzanie. Ce séminaire qui s’est tenu en swahili (avec traduction en anglais) avait pour objectif principal de consolider les engagements que des jeunes prennent pour leur communauté et de mettre en valeur l’enthousiasme d’une jeunesse active qui porte en elle la force de faire des propositions.

Apprendre de nos réussites

Le séminaire s’est déroulé selon la méthode « Learning from success » (apprendre de nos réussites) introduite par Orna Shemer (amie d’ATD Quart Monde, universitaire et travailleuse sociale) permettant de mettre en lumière les réussites d’action de chacun des participants de manière à être fier de ce que l’on fait, de mieux mener ses propres activités et de s’inspirer des savoir-faire des autres.

Dès le premier jour de la rencontre, en allant dans les quartiers où les jeunes de Tanzanie sont engagés, preuve a été faite que « se faire amis des sans amis », ça vaut le coup ! Des parents ont témoigné de l’importance de ce que font ces jeunes pour leurs enfants : « grâce à la bibliothèque de rue, nos enfants sont éveillés, ils apprennent ce qui est bien et ce qui est mal. Les animateurs de la bibliothèque de rue nous ont encouragés à aller parler avec les enseignants. Avant on avait peur d’aller à l’école mais grâce au travail que nous avons fait ensemble, on peut maintenant réfléchir avec les enseignants ». «  J’ai appris à lire et à écrire et maintenant j’encourage d’autres dans le programme d’alphabétisation : ATD nous a fait passer de l’ombre à la lumière”.

Les participants ont présenté à partir d’un collage la manière dont chacun est « ami des sans amis » dans son pays. Puis Orna a lancé le travail : « Dans ce séminaire, nous voulons comprendre comment vous mettez en œuvre cet engagement. Vous travaillez souvent en équipe, votre réussite est donc celle de votre équipe et celle des personnes qui vivent dans la pauvreté. Mais dans une équipe, chacun contribue à ce succès commun. Nous sommes sûrs que chacun(e) peut parler de sa connaissance ».

La vidéo que chacun des participants avait réalisée avant de venir a permis de présenter les actions menées dans son pays et dont on est fier : des actions de partage des savoirs, de camps animés avec les enfants d’un bidonville, de soutien scolaire, d’engagement avec des personnes malvoyantes et des personnes réfugiées, de chantiers de solidarité, de soutien à des personnes âgées…

Comment devient-on amis des sans amis ?

Cinq dimensions importantes se sont dégagées :

  • assurer la qualité de notre action
  • créer des liens, des partenariats et de nouvelles opportunités
  • bâtir la confiance et garantir la qualité de notre présence
  • reconnaître la contribution de chaque personne, la réciprocité
  • ne laisser personne en arrière

Pour chacune de ces dimensions, plusieurs principes d’action enracinés dans les pratiques des participants ont été identifiés :

« Permettre aux enfants de choisir le dessin qu’il veut réaliser c’est fondamental quand on est avec des enfants qui n’ont que si peu de choix dans leur vie. »

« Adapter l’horaire de notre activité en fonction des petits travaux que les enfants sont amenés à faire pour soutenir la vie de la famille, c’est être capable d’adapter le cadre de l’action à la réalité de l’enfant. »

« La qualité de présence que nous offrons à ceux qui n’ont pas d’amis est un pouvoir d’action très grand car cela permet de gagner leur confiance. »

« Ne pas faire faire une distance qui met l’autre inférieur, on cherche à être les amis des sans amis. Par exemple, après avoir enlevé les parasites de quelqu’un, discrètement, je mets du pétrole sur mes mains, mais devant lui, je ne veux pas de gêne. »

Tous ces savoirs d’action ont été mis ensemble dans un powerpoint (à télécharger ici) construit au fil des jours par un petit groupe et disponible à la fin du séminaire pour faciliter la retransmission dans son pays. « Au Congo, il y a un groupe de familles qui vivent dans l’extrême pauvreté, et se retrouvent chaque mois pour échanger. Elles parlent souvent des problèmes qu’elles rencontrent et des solutions qu’elles cherchent. Je vois bien d’utiliser cette méthode de partager des histoires de succès des uns aux autres. Et s’ils sont heureux de partager leurs histoires de succès, d’autres verront leur joie à le faire ».

A l’aide du théâtre forum, les participants ont partagé également ce qui est plus difficile : « ma mère m’a demandé ‘tu pars où ? On te donne quoi ?’ J’ai dit ‘maman, je dois donner ce que j’ai reçu, si Dieu nous a donné l’intelligence gratuitement, pourquoi ne pas se donner gratuitement ?’ Il faut bien expliquer à nos parents ce que l’on fait ».

Les jeunes ont aussi échangé des chants, des jeux, certains ont été initiés à la technique du théâtre en ombres chinoises. D’autres ont participé à un atelier permettant de découvrir la dynamique Tapori et plusieurs ont connu l’engagement d’autres jeunes dans le monde à travers des vidéos. Et pour finir tous ceux qui ne l’avaient jamais vu ont pu découvrir l’océan !

« Je pars en sachant que rien sans moi, rien sans l’autre »

Quelques commentaires des participants en fin de session :

« J’ai compris que je ne suis pas seul dans ce monde à lutter pour la paix, à prêcher l’égalité, à vouloir un monde sans discrimination. La lutte contre la misère doit être une affaire de tous. Ma contribution, la tienne, celle des autres… toutes sont indispensables dans notre mission d’être ami des sans amis. »

« On n’a pas besoin de faire une grande chose, mais une petite chose qui a du sens. Aider les gens dans la difficulté, c’est possible pas seulement en donnant de l’argent mais aussi en étant leurs amis, en étant proches, car ces personnes ont aussi des idées, font partie de la communauté et ont de l’expérience ».

Dans sa conclusion, Orna Shemer a encouragé les jeunes :

« Quand je vous regarde, je vois des leaders ; je vois que vous avez beaucoup de force. La force, ce n’est pas d’être fort. C’est d’avoir la sensibilité à la peine et la misère des autres. C’est la capacité de vouloir les mêmes chances pour tous, c’est la capacité de critiquer la manière dont la société est construite. Le pouvoir, c’est la capacité de se battre contre l’injustice sociale et pour les droits civiques. C’est en ça que je vois en vous des leaders, car vous avez ce pouvoir, ancré dans vos histoires. Ici, on a appris les uns des autres. Et on peut toujours apprendre, y compris des personnes qui vivent dans la pauvreté ».

Télécharger le powerpoint réalisé par les jeunes durant la session, en anglais et swahili.