Enthousiasme et réalisme dans une recherche commune en Haïti

Sortir de l’extrême pauvreté grâce aux droits humains

L’extrême pauvreté au crible des Droits humains

A l’initiative de l’Office de la Protection du Citoyen (OPC) et d’ATD Quart Monde, des représentant(e)s d’organisations, d’administrations publiques et des médias ont participé à un séminaire de formation sur le thème : « Faire des droits de l’Homme une réalité pour les personnes qui vivent dans la pauvreté extrême ». Celui-ci s’est déroulé à Port-au-Prince, Haïti, du 24 au 27 novembre 2015, grâce au soutien de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) et de la Fondation Philantropia. Ce séminaire s’est appuyé sur le Manuel présentant de manière pratique les Principes Directeurs sur l’Extrême Pauvreté et les Droits de l’Homme, adoptés par les Nations Unies en 2012(2).

Un travail de mise en contexte de la démarche proposée par le Manuel

La formation a alterné des séances plénières et des travaux de groupe autour de questions comme les « principes clés pour s’engager aux côtés des personnes vivant dans la pauvreté », la « discrimination dont sont victimes les personnes vivant dans l’extrême pauvreté » ou la démarche proposée dans le manuel pour « donner aux personnes vivant en grande pauvreté les moyens de revendiquer leurs droits ». Pour la plupart des participants, cette formation a apporté des nouveautés. Une nouveauté importante a été la façon de réfléchir, dans un contexte de pauvreté généralisée, à la place de ceux qui ont le plus de difficultés pour survivre et aux stratégies pour les atteindre, c’est-à-dire les identifier, les prendre en compte et leur permettre d’être acteurs dans un projet.

Les participants étaient invités à réfléchir à partir d’exemples concrets puis à nommer des repères à partir de leur expérience : « Comment bâtit-on la confiance avec la population concernée par notre action ? » « Pensons-nous faire courir des risques aux personnes pauvres ? Lesquels ? Et que mettons-nous en œuvre pour limiter les risques ? » « Comment connaître réellement la population très pauvre et comment aller vers celui qui est caché ? Quelles sont les difficultés rencontrées, comment les dépasse-t-on ? » Le thème très important de la participation libre, active et éclairée des personnes vivant dans la grande pauvreté a été abordé le troisième jour, ainsi que les principes de responsabilité et l’obligation de rendre des comptes par les États, soit au niveau interne, soit par le biais des mécanismes internationaux.

La façon dont les participants ont vécu ce séminaire leur a permis d’affirmer leur volonté d’engagement : « A l’issue de ce séminaire de formation, nous, les représentants et représentantes des organisations, les représentantes et représentants de la presse parlée, écrite et télévisée, nous nous engageons déjà dans cette bataille en vue de contribuer à rayer ce fléau qui ronge notre société. Certains défis tels l’analphabétisme, les éléments culturels, la stigmatisation, etc., nous attendent déjà en chemin, cependant par la formation, et l’éducation, nous pouvons porter cette catégorie (ndlr : les plus pauvres) à intégrer la société et l’influencer et à revendiquer leurs droits. »

Une conférence de presse a donné écho au séminaire

Le vendredi 27 novembre 2015, une conférence de presse a eu lieu, en présence du Dr. Ariel Henry, ministre des Affaires Sociales et du Travail et de diverses personnalités. Deux participants ont transmis les conclusions du groupe. En voici quelques extraits :

« La méthodologie de travail pour la formation a été très efficace. (…) Quant à nous autres participants, après avoir suivi cette formation, nous nous engageons à ce que les droits de l’Homme deviennent une réalité dans notre environnement et à protéger à notre manière ceux qui vivent les situations d’extrême pauvreté.

Aussi nous encourageons les médias, la presse parlée, écrite et télévisée à prendre également en compte les droits économiques, sociaux et culturels de l’homme et se faire des agents pour véhiculer les Principes des droits de l’homme. »

« Les personnes qui vivent dans la grande pauvreté ne souffrent pas seulement d’un manque de ressources. Elles sont souvent confrontées à des obstacles considérables qui les privent de nombreux droits fondamentaux, notamment le droit à l’alimentation, au logement, au travail, à la santé et à l’éducation. Elles sont donc souvent contraintes d’accepter des conditions de travail dangereuses, de vivre dans l’insalubrité, etc.

Un des acquis de cette formation est le fait d’apprendre que la pauvreté n’est pas une fatalité et que par conséquent, si nous combinons nos savoirs, nos efforts, en tant qu’agents et acteurs, nous pouvons contribuer à l’éradication de ce fléau « la pauvreté ». Nous avons appris à travailler à l’émancipation des personnes les plus pauvres, celles qui sont contraintes de rester à l’arrière, à ne pas les stigmatiser, ni les marginaliser. Au contraire, en faisant l’usage des Principes directeurs des Nations Unies sur l’extrême pauvreté et les droits de l’homme (la non-discrimination, la participation, l’inclusion, la responsabilité, le respect de la dignité humaine, etc.,) les droits de l’homme seront effectivement une réalité.

En fait, en tant qu’une affaire concernant les droits de l’homme, la pauvreté n’est pas une question d’une personne, ni d’une catégorie de personne. En dépit du fait que quelqu’un est pauvre, personne, sur la base de la situation de pauvreté dans laquelle se trouve un individu, ne peut s’arroger le droit de le discriminer, le stigmatiser. Les droits de l’homme ne sont pas une faveur, mais une obligation de l’État. »

Puis Mme Florence Elie, Protectrice du Citoyen, a souligné que « cette formation arrive comme un couronnement, mais aussi comme une étape parce que beaucoup de travail l’a précédée » et par rapport à l’avenir, elle considère que « ce jour de clôture est un jour repère qui va servir de point de départ pour affronter les choses d’une nouvelle manière ». Mme Elisabeth Beton-Delègue, Ambassadeur de France en Haïti, a fait valoir la possibilité de partir des expériences pour faire bouger les cadres normatifs : « Il y a un droit qui se fabrique aujourd’hui grâce à la capacité de mobilisation, de créer des coalitions, droit qui grandit et puis un trouve sa traduction notamment dans les enceintes des Nations Unies. » M. Thierry Viard, Secrétaire exécutif d’ATD Quart Monde, a insisté sur le rôle que chaque acteur de la société doit jouer dans la lutte contre l’extrême pauvreté, à commencer par les plus pauvres eux-mêmes.

La conférence de presse a eu un réel impact dans les médias du pays. De nombreux articles ou reportages ont été diffusés.

Les suites du séminaire

L’OPC et ATD Quart Monde espèrent pouvoir assurer un suivi du séminaire afin que les participants s’encouragent dans cette lutte contre l’extrême pauvreté par le respect des droits de l’homme et pour y sensibiliser la société. Pour ce faire, l’OPC s’est engagé a rassembler à nouveau tous les participants dans six mois pour assurer le suivi des actions mises en place.

Une journée d’études sur le même thème a eu lieu à Dublin en décembre dernier, une autre aura lieu à l’Ile Maurice en mai, et un séminaire de 4 jours s’organise actuellement au Sénégal pour fin février. Peut-être d’autres encore à venir…