De la pauvreté à la participation

Cette année, la Journée mondiale du refus de la misère, célébrée comme chaque année le 17 Octobre, a été commémorée pour la première fois dans le quartier « Mesa los Hornos » de la commune Tlaplpan, au sud de Mexico. Cette commémoration, organisée en grande partie par un groupe de femmes de la colonie, est l’aboutissement de plus de deux ans de vie collective autour de la Bibliothèque de rue animée par ATD Quart-Monde au sein de cette communauté.

  • “Le matin où nous avons évoqué pour la première fois avec les femmes la Journée mondiale du refus de la misère, nous nous sommes rendus compte que jamais elles n’en avaient entendu parler. Cependant, en quelques mots à peine, elles avaient compris le sens de cette journée. Elles exprimèrent par leur enthousiasme et leurs idées que ce jour-là était sans l’ombre d’un doute leur journée, qu’il leur appartenait. Au début, nous sommes arrivés avec l’idée de le célébrer dans un local situé dans le quartier – la cantine communautaire ou le centre de santé ou même dans les locaux de la Mairie –, mais très rapidement les mamans ont dit qu’il fallait le faire directement dans la rue, à leur porte, et elles ont commencé à imaginer une célébration communautaire, quelque chose qui leur serait totalement propre et qui pourrait tous les unir autour d’un message commun – selon les mots de Natalia Cruz –, pour dire tous ensemble ‘non à la pauvreté’.” – Beatriz Monje, volontaire permanente d’ATD Quart-Monde.
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Réunion de préparation

La commémoration a eu lieu le dimanche 16 octobre. Pendant les semaines précédentes, les femmes du groupe de préparation se sont chargées d’inviter tous les voisins de la colonie, et les animateurs de la Bibliothèque de rue, d’inviter les autres membres d’ATD Quart-Monde et des amis qui, sans vivre à “Mesa de Hornos” pouvaient avoir envie de participer à cette journée de rassemblement et d’engagement dans la lutte contre la pauvreté. Au final, près de 25 personnes sont venues des autres points de la ville et 75 de la colonie. Ce fut une véritable fête de l’humanité, de l’intelligence, de la dignité, une célébration aussi de l’amitié créée grâce à la bibliothèque de rue.

Karina Aguilar | Mesa Los Hornos, extrait de son message d’ouverture (en espagnol).

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Durant les semaines de préparation, le programme du jour prit forme grâce aux idées de tous : un premier temps d’ateliers, une cérémonie autour des témoignages et un repas commun où chacun apporterait quelque chose. Le désir d’offrir le meilleur de soi-même était au coeur du programme : un atelier de tissage, des idées pour les mots de bienvenue, la lecture d’un message au nom des mères de famille, un atelier de pâtisserie pour les enfants, des ballons pour décorer la tente, etc…

Matt Davies, volontaire permanent et coordinateur de la bibliothèque de rue, a ouvert le temps des témoignages en évoquant différents endroits dans le monde où d’autres se réunissent autour de personnes qui luttent aussi pour surmonter les défis que représente la pauvreté. C’est dans ce contexte que Natalia Cruz a lu le message qu’elle avait écrit elle-même avec d’autres mères de la colonie.

  • “Ici ils discriminent beaucoup les gens, ils te demandent d’où tu viens. “Tu es des Hornos ? Va-t-en de là!” Parce que nous sommes les plus pauvres, les envahisseurs, comme ils veulent nous appeler… ils veulent nous traiter ainsi. Ils disent, “Ici viennent les crasseux des Hornos”, mais la crasse n’est pas dans tes vêtements, la crasse est dans ta tête, dans ta façon de penser, dans ta façon de vivre avec tes voisins, c’est ça. On dit à nos enfants, ‘quand vous allez à l’école, n’ayez pas honte d’où vous vivez, n’ayez pas honte de vos origines, de votre famille, soyez vous-mêmes.’
  • Nous les mères, on se débrouille comme on peut, on se plie en quatre toute la journée: “Aujourd’hui je vais vendre, j’accompagne mes enfants, je fais le ménage, je dois tout faire dans la maison pour que tout se passe bien.” Le problème c’est que dans un foyer il faut trouver la façon de faire marcher l’économie, mais parfois, si nous sommes au travail et que nous ne voyons pas nos enfants, ils sortent du droit chemin; alors nous les mères on est plus inventives, nous les mères, nous sommes les plus intelligentes!
  • Nous voulons que les êtres humains soient plus unis, parce que l’union fait la force.”
  • Socorro Lugo, Karina Aguilar, Natalia Cruz et Laura Martínez | ‘Mesa Los Hornos’

La cérémonie a continué avec la lecture de certains messages qui avaient été écrits pendant un des ateliers, et finalement le message de Karla Anzo, animatrice de la bibliothèque de rue.

message de Karla Anzo | video (espagnol)

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ATD Quart-Monde a toujours affirmé au fil des années que la Journée mondiale pour le refus de la misère ne devrait jamais être un jour où les personnes en situation de pauvreté ne participent pas dans les mêmes conditions que les responsables politiques ou les associations, ou que la connaissance unique qu’elles portent ne soit pas reconnue.
L’essentiel de cette journée est dans la volonté de s’unir pour rendre hommage et apprendre des personnes qui résistent courageusement à l’extrême pauvreté. Ce sera ce chemin de la pauvreté à la pleine participation qui pourra transformer les politiques publiques et les initiatives privées de lutte contre la pauvreté; ce sera cette union dans laquelle personne n’est considéré seulement comme objet d’assistance, qui pourra être l’origine d’une société juste et fraternelle.

  • “C’était très émouvant de voir les personnes du quartier, certaines que nous connaissions déjà et d’autres qui ont été invitées par leurs voisins, vivre avec des personnes qui venaient d’autres endroits de la ville pour une seule raison : se rencontrer pour partager nos aspirations communes pour un monde meilleur. Cette unité dans une ville si divisée par les origines sociales, où le mélange social ne se voit presque nulle part, a été symboliquement très important.”
  • Matt Davies | volontaire permanent ATD Quart-Monde

A la fin de la journée, Socorro Lugo, une des mères du groupe de préparation, a dit : “Je suis très triste parce que cette journée se termine.” Après tant de semaines de travail et de bonheur ensemble, ses mots ne sont qu’une invitation à ce que ce jour ne se termine jamais, une invitation à continuer de construire ce monde meilleur que tous ont pu entrevoir lors de la commémoration à la fois émouvante et fédératrice de la Journée mondiale du refus de la misère à Mexico.