COP21 : Nicolas Hulot « L’écologie est la mère des batailles »

Nicolas Hulot (1), envoyé spécial du président français François Hollande pour la planète, a répondu par mail aux questions de Feuille de route (journal d’ATD Quart Monde France), ainsi que lors de sa conférence de presse le 7 octobre, où il a appelé à faire pression sur les chefs d’État afin que la Conférence climat de Paris soit un succès (2).

– Vous avez dit : « le réchauffement climatique ajoute de la misère à la misère, car ce sont d’abord les plus vulnérables qui trinquent ». La COP21 peut-elle être une chance pour sortir de cette spirale ?

– Elle doit l’être. La Conférence de Paris sera un succès si elle lie, dans une même ambition, changement climatique et développement. Il faut notamment concrétiser les promesses de Copenhague où les Pays développés se sont engagés à mobiliser 100 milliards de dollars par an à l’horizon 2020 pour aider les pays en développement à lutter contre le changement climatique et à s’y adapter.

– Parfois les mesures prises contre les effets du réchauffement aggravent la situation des plus pauvres, comme à Manille où on reloge des familles vivant sous les ponts à plusieurs dizaines de kilomètres, sans les moyens de survivre : soutenez-vous la proposition d’ATD Quart Monde d’associer ces populations aux politiques de lutte contre le dérèglement climatique ?

– A Manille, comme dans le delta du Gange au Bengladesh ou dans le désert du Sahel, les conséquences dramatiques du changement climatique sont déjà une réalité. Des dizaines de millions de personnes doivent dès aujourd’hui se déplacer pour espérer survivre dans de meilleures conditions. C’est de la condition humaine de ces peuples que l’on parle. Bien sûr qu’il faut les entendre et les associer aux politiques qui sont décidées. C’est d’abord pour eux qu’on se bat.

– Malgré les Objectifs du Millénaire, l’extrême pauvreté et la faim n’ont pas été éradiquées : soutenez-vous notre demande que les objectifs de développement soient considérés atteints s’ils ont profité aux 20% des plus pauvres ?

– Spontanément je vous répondrais que oui.

– Quel rôle peuvent jouer les ONG pour arriver à un accord plus juste, qui ne lèse pas les plus pauvres ?

– Le rôle des ONG, celles qui travaillent pour le développement comme celles qui œuvrent pour l’écologie, est fondamental. Ce sont elles qui portent la voix de l’intérêt général, mais aussi la voix des plus démunis, de celles et ceux qu’on n’entend pas assez. Je mesure chaque jour l’engagement des militantes et des militantes des ONG, souvent pourtant avec des moyens trop peu importants. Bravo pour cet engagement si sincère et essentiel.

– Beaucoup de personnes souffrant de pauvreté considèrent que l’écologie n’est pas une priorité, citant des problèmes plus urgents – nourriture, logement, éducation… Que leur dites-vous ?

– Je leur dis que l’écologie est la mère des batailles. Que la lutte contre un réchauffement climatique trop important conditionne tout le reste : la santé, l’économie, l’agriculture et l’alimentation, la paix dans le monde. Prenons l’exemple de la lutte contre la faim. En 25 ans, on a sauvé 216 millions de personnes de la malnutrition. Mais, avec un réchauffement climatique de 4 à 6 degrés, c’est 600 millions de personnes qui y seraient replongées !

Propos recueillis par Véronique Soulé

(1) La Fondation Nicolas Hulot : http://www.fondation-nicolas-hulot.org
(2) « Osons !», Ed. Les Liens qui Libèrent, 2015, 4,90 euros

COP21

La France accueille et préside la 21e Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques – la COP21 – du 30 novembre au 11 décembre en présence de 195 Etats plus l’Union Européenne. Objectif : aboutir à un accord limitant le réchauffement mondial en deçà de 2°C.

40 000

C’est le nombre de participants – délégués, observateurs, membres de la société civile… – attendus à la COP21, le plus grand événement diplomatique organisé en France.

3

Les habitants des quartiers pauvres (en France) ont trois fois plus de risques de mourir que la moyenne lors d’un épisode de pollution, selon neuf chercheurs ayant étudié 80 000 décès entre 2004 et 2009 à Paris. Leurs quartiers ne sont pas plus pollués mais les plus pauvres sont en moins bonne santé, ne partent pas en vacances, ont des logements mal isolés, etc. Plus sur www.alterecoplus.fr

-> À LIRE : «Pour un développement durable qui ne laisse personne de côté », Éd. Quart Monde, 2014, 144 p., 15 euros.

Photo Nicolas Hulot à la fête de l’Humanité 2008, Olivier Tétard, Wikipédia