« Une école de la réussite pour tous » , un avis rendu au CESE par ATD Quart Monde

Le 12 mai, un avis important intitulé « Une école de la réussite pour tous » a été présenté au Conseil économique, social et environnemental français (CESE) par Marie Aleth Grard, vice-présidente d’ATD Quart Monde en France et représentante d’ATD Quart Monde au CESE, devant la ministre de l’Education Nationale, et avec des militants qui ont participé aux travaux.

L’école n’arrive pas à atténuer les inégalités dues à l’origine sociale ou culturelle : elle trie dès le plus jeune âge et, loin de combler ces inégalités, elle les aggrave. En France, ATD Quart Monde se bat depuis des années pour une école plus inclusive qui ne laisse aucun élève de côté. Il a contribué à la loi de refondation de l’école de la République, votée en 2013 en y inscrivant la formation des enseignants à la connaissance de la vie des familles très pauvres et le recours à des pédagogies coopératives.

Marie-Aleth Grard, nommée rapporteure pour rédiger l’avis, a mené un travail participatif en « croisement des savoirs » avec les différents acteurs de l’école : parents solidaires et parents en grande difficulté, enseignants, acteurs de quartiers et chercheurs. Tous ont réfléchi ensuite avec la section éducation du CESE. La recherche s’est appuyée sur plus de 200 auditions et des rencontres dans des écoles avec des acteurs de l’éducation qui innovent.

Nous avons recueilli les propos de Marie-Aleth Grard.

Comment peut-on construire cette « école qui ne laisse aucun enfant sur le bord du chemin » ?

La mixité sociale et scolaire est nécessaire, dans l’établissement mais aussi dans chaque classe. La mixité n’existe pas partout mais des activités communes sont possibles entre écoles d’une même ville. Ensuite, la formation des enseignants. Toutes les pédagogies ne se valent pas. Il faut avoir une attention particulière à certaines pédagogies qui permettent la réussite de tous, comme la pédagogie de la coopération, la pédagogie différenciée ou la pédagogie Montessori dès la maternelle. Il faut absolument qu’au niveau national, ces méthodes soient reprises et généralisées. Il faut aussi une gouvernance exigeante et bienveillante, c’est-à-dire des inspecteurs qui soient formés pour faire travailler en équipe enseignants, chefs d’établissement, encourager les bonnes initiatives, soutenir le dialogue avec les parents.

 

Les parents ont un rôle à jouer dans cette école de la réussite pour tous

Il est très important de former les enseignants à la connaissance des parents qui ont la vie très difficile. Certains enseignants sont complètement perdus face à des familles qui ont des réactions qu’ils ne connaissent pas, qu’ils ne comprennent pas. Il y a aussi des actions à mettre en place pour que les parents d’élèves se mettent ensemble et comprennent que tous les enfants sont capables de réussir et que c’est l’affaire de chacun.

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Présentation du rapport au CESE

Des exemples qui montrent que c’est possible ?

L’école de Torcy en Seine-et-Marne a été construite sur une ancienne décharge dans “la rue d’Enfer” ! Autour, des HLM et des enfants de milieux très défavorisés affectés dans cette école avec des enseignants passionnés qui travaillent ensemble et cherchent sans arrêt à répondre aux questions des enfants, à les soutenir dans leurs découvertes. Ils ont développé un projet de mini ferme où les parents d’élèves viennent s’occuper des animaux le week-end. Il y a un projet autour des sciences, de l’informatique. Ils ont récupéré plus de 80 ordinateurs, des Macintosh dernier cri, en réseau dans la salle d’enseignants. Les élèves y ont accès librement quand ils ont besoin de faire des recherches ou de poser des questions aux enseignants.

Comment faire connaître ces bonnes pratiques et les développer ?

Dans le contexte actuel de l’école, difficile et explosif, nous avons la responsabilité de partager tout ce que la connaissance des familles pauvres et leur participation peuvent changer. Il faut développer les liens entre ces parents, les personnels de l’Education nationale, de l’éducation populaire et les parents d’autres milieux. Ensuite, la formation des personnels est très importante car elle influera chez les enseignants leurs manières d’enseigner et d’orienter les enfants les plus en difficultés ; or la réussite de tous ne sera possible que si l’orientation scolaire se fait uniquement sur des critères scolaires et pas du tout sociaux. Enfin nous avons tous une responsabilité : si tous les parents sont convaincus que tous les enfants peuvent réussir à l’école et n’ont pas en tête uniquement l’objectif de compétition que leur enfant soit le meilleur.

Que peut apporter de plus l’avis à la loi de refondation de l’école ?

L’avis du CESE n’est jamais contraignant. Il nous faut maintenant retourner sur le terrain. En septembre, nous allons faire un tour de France avec Jean-Paul Delahaye (Inspecteur Général de l’Education Nationale avec lequel nous travaillons en étroite collaboration et qui a rendu également un rapport à la Ministre « Grande pauvreté et réussite scolaire »). Nous allons rencontrer les écoles, avec le projet des 21 quartiers/1001 territoires qui a l’ambition de mettre en place des initiatives avec les familles les plus éloignées de l’école pour permettre la réussite de tous. Également à l’Île de la Réunion où beaucoup de parents et d’enseignants ont travaillé pour faire naître des propositions. Au mois de juin, je rencontre les conseillers de la Ministre, les recteurs d’académie puis la Dgesco (numéro 2 en dessous de la ministre de l’éducation). Je me battrai en particulier pour défendre une de nos recommandations : mettre fin au « volet social », pour éviter l’orientation en classe spécialisée en fin de maternelle pour les enfants de milieu très défavorisé. Quand on regarde le parcours scolaire des enfants des familles les plus défavorisées, ils n’ont pas une scolarité « normale », et ça, c’est insupportable. Ils sont orientés dès le plus jeune âge vers des classes spécialisées ou du handicap, à cause leurs conditions de vie. Il faut en finir avec ce gâchis des intelligences qui fait que plus de 100.000 jeunes sortent de l’école sans diplôme chaque année.

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« Une école de la réussite pour tous » – Avis du CESE – mai 2015

L’avis est disponible ici sur le site du CESE.