Plusieurs semaines après le passage du cyclone Haruna, la vie reste très difficile pour les familles de Toliara

Après le passage du cyclone Haruna, le samedi 23 mars au matin, la majorité de la ville de Tulear s’est retrouvée noyée. Le fleuve ayant retrouvé son lit initial en période de crue, avec un courant extrêmement fort, il a emporté tout sur son passage.

La ville de Tuléar ne disposant pas de tout-à-l’égout, l’eau des quartiers hauts ne peut disparaître que par évaporation ou par absorption par le sol si bien que plusieurs semaines après le cyclone, il reste encore plusieurs parties inondées ou des eaux stagnantes dans les rues ; ailleurs, la boue n’est pas encore toujours sèche. Tout cela génère de très mauvaises odeurs dans la ville, sans compter les conséquences en termes de salubrité …

Parmi les personnes sinistrées, celles qui ont trouvé refuge chez des proches ne sont pas pris en compte par les autorités et elles ne peuvent bénéficier d’aucune aide. Celles qui ont été accueillies dans des écoles ont dû les quitter après plusieurs jours afin que les classes puissent reprendre. Elles ont alors rejoint le camp d’urgence qui a été installé dans le camp militaire qui se trouve dans le centre de Tuléar. Là se trouvent une centaine de grande tentes. Prévues pour accueillir 10 personnes, elles sont attribuées à plus de 50. Les gens disent voir des camions arriver dans le camp et y décharger des affaires (nourriture, ustensiles, tôles…) dont ils ne voient pas la couleur.

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Voici quelques témoignages recueillis par des membres de notre équipe à la capitale qui ont pu visiter Tuléar

« Nous sommes 51 dans notre tente alors qu’elle est prévue pour 10. D’un commun accord, nous avons convenu de laisser la tente aux enfants et nous, adultes, nous étalons une bâche par terre pour dormir à l’extérieur. Il y a beaucoup de moustiques.Cette semaine, nous avons reçu 8 kapoaka [1]. de riz par famille, quelle que soit sa taille, c’est tout. Lors de la distribution, on nous avait aussi promis du sucre et d’autres denrées que nous n’avons pas reçues et l’on nous a fait signer une attestation, sans savoir si c’était seulement pour le riz ou pour le tout. Le fokonolona [2] s’est retrouvé pour aller voir le responsable du magasin, mais ce dernier a répondu qu’il n’avait rien de plus à donner et que nous devions attendre 5 jours. Il y a de l’argent et du matériel qui arrivent au camp, mais c’est gardé quelque part où cela reste bloqué, on ne sait pas pourquoi. Hier, un ministre est venu et il a demandé que la distribution soit effective, mais cela ne change rien. Il existe aussi de nombreux problèmes de santé (maux de ventre, conjonctivite, migraine, mais la Croix Rouge est là pour aider. Tout se passe bien entre les personnes du camp. Lors des distributions, nous partageons nos malheurs. Nous avons hâte de rentrer chez nous car ici, on nous tue. »

« Nous sommes 10 familles, soit 59 personnes, dans ma tente dont je suis la responsable.Dans le camp, on souffre vraiment au niveau de l’alimentation. A tel point que nous avons été obligés de vendre les marmite qui nous avaient été données par le CRS [3] pour pouvoir acheter à manger. Depuis 10 jours que je suis ici, j’ai vu défiler de nombreuses voitures qui apportaient du riz, des marmites, des tôles… mais on n’en voit toujours pas la couleur car c’est bloqué. Quand on a besoin de soins, le Croix Rouge ne donne que du paracétamol. Rajoelina [4] a donné 60 millions d’Ariary et le ministre hier 45 millions, mais il n’y a rien pour nous. On nous utilise pour avoir des dons qui vont ailleurs.On s’est rendu à la radio pour dénoncer qu’on se moque de nous, mais cela n’a rien donné. Un home s’est rendu à TV Plus et c’est la Croix Rouge qui l’a dénoncé aux militaires. Ceux-ci sont venus le chercher, mais il avait déjà quitté le camp. »

« Quand je me suis rendu à Anketa Bas pour voir ma sœur, j’ai vu une femme avec ses 3 enfants qui avait de l’eau jusqu’au cou. J’ai essayé de la sauver en prenant une toiture en paille sur laquelle nous avons mis les enfants et que nous avons poussée jusqu’à la rive. Cette femme m’a alors invitée à repartir chercher une autre femme qui venait d’accoucher et en arrivant, je me suis aperçue qu’il y avait encore d’autres personnes. Un homme m’a demandé de mettre ses cochons sur le toit en paille pour les sauver, mais j’ai refusé. Une fois les personnes sur le toit, j’ai poussé en tenant le bébé à bout de bras. »

« Hier quand vous êtes passés nous voir au camp, 2 femmes vous ont vus et elles étaient intriguées. Elles étaient surprises de la façon dont on aide à ATD Quart Monde. Elles avaient déjà vu un vazaha me rendre visite avec Gaud lors du décès de mon frère. Elles ont apprécié la façon dont nous sommes ensemble à ATD Quart Monde et je leur ai répondu que nous n’apportons pas d’aide matérielle mais un soutien moral. Comme elles en ont besoin, elles ont demandé à rejoindre le Mouvement. »

Mbola, Marcelline et Sarbikana ont animé une Bibliothèque de rue dans le camp des réfugiés où ils ont été rejoints par quelques parents et jeunes qui sont encore hébergés sur place.

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La bibliothèque de rue dans le camp

[1] Un Kapoaka correspond au volume d’une petite boîte de lait concentré Nestlé

[2] Organisation de la population au niveau d’un quartier

[3] Caritas US

[4] Le président de la transition